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8. Étude de la performance de iMOD à partir de données in-vivo

8.4. Calcul et identifications des élastogrammes fiables

8.4.1. Calcul des élastogrammes

L’estimation des déformations en tant que telle a été réalisée dans le cadre de l’étude de Jérémie Fromageau et col. (Fromageau et col., 2008). Les images ultrasonores ont été acquises pendant une seconde avec une fréquence de 30 images par seconde, ce qui permet d’obtenir une série de 29 élastogrammes consécutifs pour chaque plaque.

La rotation d’ensemble observée entre 2 images RF consécutives, issue de la rotation du cathéter par rapport à la paroi, a été compensée avant l’estimation des déformations. Cette compensation effectuée, l’estimation des déformations a été réalisées pour chaque paire d’images consécutives à l’aide de l’estimateur LSME (cf. paragraphe 3.1.3 pour une description plus complète de l’algorithme). La taille des fenêtres utilisées est de 350 × 21 pixels (360 µm × 28°), avec un recouvrement de 98 % dans la direction axiale et de 90 % dans la direction latérale. Les élastogrammes ont été filtrés en utilisant un filtre médian de 6 × 2 pixels pour l’estimation des modulogrammes.

A la vue des paramètres et des résultats de l’étude numérique (cf. paragraphe 6.7), nous estimons que la résolution du champ de déformation des données in-vivo est plus fine (meilleure) que pour l’étude numérique. En effet, l’utilisation d’un cathéter avec une fréquence d’émission de 40 MHz plutôt que de 20 MHz comme nous l’avions fixée pour l’étude numérique nous laisse penser que la résolution du champ de déformation est environ 2 fois meilleure (i.e. plus petite). Notons que cela n’indique pas que les résultats sont plus fiables, puisque les artefacts sont nombreux dans le cas in-vivo, mais que dans des conditions idéales, la résolution du champ de déformation obtenu in-vivo est plus fine que celle utilisée au cours de l’étude numérique et que celle utilisée au cours de l’étude expérimentale sur modèles en PVA-C.

8.4.2. Positionnement des élastogrammes au cours du cycle cardiaque

Pour chaque plaque considérée, il a été possible de corréler la séquence d’élastogrammes à l’évolution de la pression au cours du cycle cardiaque et cela grâce à la déformation moyenne intra-plaque mesurée au cours du temps, cf. figure 69. En effet, une déformation moyenne négative indique que la paroi a subi une compression radiale entre les deux images consécutives considérées. Cette compression est liée à l’augmentation de la pression artérielle, ce qui indique que l’élastogramme considéré est dans la phase de systole. Au contraire, une déformation moyenne positive indique une dilatation radiale de la

paroi artérielle, ce qui correspond à une diminution de la pression artérielle, soit à la phase de diastole. Un élastogramme de déformation moyenne nulle peut être identifié comme appartenant à la phase systolique ou diastolique du cycle cardiaque en se référant aux élastogrammes voisins (précédent et suivant).

Ainsi en moyenne, 23 élastogrammes consécutifs peuvent être estimés par plaque pendant la durée d’un cycle cardiaque, ce qui correspond à un rythme cardiaque d’environ 80 battements par minute. Pendant la phase de diastole, en moyenne 15 élastogrammes consécutifs sont estimés. En phase de systole, la déformation radiale moyenne intra-plaque est de l’ordre de -0.2%. En phase de diastole, la déformation radiale moyenne est de l’ordre de 0.2%. La figure 69 donne la valeur des déformations moyennes en cours du temps.

Figure 69 : Évolution de la déformation radiale moyenne au cours du cycle cardiaque et identification des phases de systole et de diastole obtenues pour les quatre plaques présentées au tableau 8.

Le fait de situer la séquence des élastogrammes au cours du cycle cardiaque nous a permis d’estimer le gradient de pression appliqué sur la paroi intérieure de l’artère à partir de la pression systémique mesurée avant l’examen. En effet, il nous est possible de connaître le signe du gradient de pression pour un élastogramme donné et de connaître, en faisant quelques approximations, son amplitude, puisque nous savons dorénavant s’il se situe en phase de systole ou en phase de diastole. Nous expliquons plus en détail le calcul du gradient de pression au paragraphe 8.5.

8.4.3. Identification des élastogrammes perturbés par le contact cathéter-paroi

L’analyse de la série des élastogrammes obtenue pour chaque plaque au cours du cycle cardiaque nous a révélé des champs de déformation radiale très particuliers et difficilement interprétables à l’aide d’un modèle de mécanique des milieux continus « classique » qui ne prend en compte que la pression artérielle comme conditions limites. En effet, tel que nous l’avons vu sur l’ensemble des cas traités au chapitre 6 et au chapitre 7, lorsque le gradient de pression est positif (i.e. augmentation de la pression, phase de systole) les déformations radiales sont négatives. La règle inverse est aussi vraie : lorsque le gradient de pression est négatif (i.e. diminution de la pression, phase de diastole) les déformations radiales sont globalement positives. Localement, il arrive que la déformation radiale change de signe (cas par exemple du cas simulé # 7 du chapitre 6), mais son amplitude est alors très faible. Pour la plaque in-vivo # 1, nous avons relevé des zones du champ de déformation radiale intra plaque qui ne suivent pas ce principe. En effet, figure 70, des zones de déformations radiales négatives de forte amplitude (zones εrr < 0 des champs de déformation) côtoient des zones de déformation radiale positive (zones εrr > 0 des champs de déformation), et cela de manière reproductible. Étant donné que ces quatre élastogrammes ont été calculés en phase de diastole, les zones de déformation positive sont cohérentes avec la diminution de la pression artérielle. En revanche, les zones de déformation négative ne sont pas cohérentes avec la diminution de la pression artérielle.

Figure 70 : Mise en évidence des phénomènes de contact entre le cathéter et la paroi artérielle au cours du début de la phase de diastole pour la plaque in-vivo # 1.

A), B), C) et D) : élastogrammes acquis consécutivement au cours du cycle

Nous avons constaté que lorsque de tels champs de déformation comprennent des zones de déformations négatives alors qu’ils sont acquis en phase de diastole, cela correspond au fait que le cathéter est en contact avec la paroi artérielle, tel qu’illustré sur la figure 70, et tel que nous avons pu le vérifier sur les images IVUS acquises in-vivo. Dans ce cas particulier, le cathéter semble s’enfoncer dans la paroi artérielle, provocant une zone de déformation négative, alors que la pression artérielle décroît, provocant classiquement un champ de déformation radiale positive sur le reste de la paroi.

Afin de vérifier que des efforts liés au contact cathéter-paroi pouvaient réellement produire de tels champs de déformations, nous avons élaboré un modèle simplifié de ce phénomène (cf. figure 71). A titre d’exemple, ce contact est simplement modélisé par une pression de +11.25 kPa dont l’amplitude croit linéairement sur les premiers µm du lieu du contact. Le gradient de pression appliqué au reste de la paroi est de -5.6 kPa. Ces gradients de pression sont donnés pour une rigidité homogène de la paroi de 300 kPa. La figure 71

donne un aperçu des conditions limites de type pression appliquées au modèle éléments finis.

Figure 71 : A) Conditions limites de chargement appliquées au modèle permettant de retrouver une répartition des déformations radiales due aux efforts de contact entre le cathéter et la paroi artérielle. B) Évolution de la pression artérielle au cours du cycle cardiaque pour illustrer que le gradient de pression est négatif en diastole. C) Pression appliquée sur la paroi intérieure en fonction de l’abscisse curviligne.

Le modèle prenant en compte les efforts de contact (cas B de la figure 72) est capable de modéliser des zones de déformation radiale à la fois négative et à la fois positive au sein de la même plaque, tel que nous l’avions constaté sur les élastogrammes obtenus in-vivo (figure 72, C). Ces résultats confortent notre hypothèse faisant intervenir des efforts de contact entre le cathéter et la paroi pour expliquer la répartition particulière des déformations radiales lorsque des zones positives et des zones négatives sont présentes dans la même plaque.

Ces phénomènes de contact peuvent être détectés en visualisant les champs de déformation et en relevant les incohérences du signe de la déformation radiale en lien avec la position du cathéter, cf. figure 70. Le phénomène de contact cathéter-paroi est présent plusieurs fois de manière analogue pendant le cycle cardiaque ; nous avons environ 13 élastogrammes où nous pouvons mettre en évidence des phénomènes de contact sur une durée d’une seconde pour la plaque in-vivo # 1. Pour les plaques in-vivo # 2, # 3 et # 4, le nombre d’élastogrammes pour lesquels des phénomènes de contact ont pu être décelés est de 6, 6 et 0, respectivement.

Figure 72 : A) Simulation du champ de déformation radiale à partir du modèle de la paroi artérielle ne tenant pas compte d’un possible contact entre le cathéter et la paroi. B) Simulation du champ de déformation radiale à partir du modèle en déformations planes de la paroi artérielle prenant en compte une pression de contact au niveau du contact cathéter-paroi. C) Champ de déformation mesurée in-vivo pour le cas analogue.

La mise en évidence de ces artefacts est importante car elle a une conséquence directe sur la résolution du problème inverse. En effet, ces artefacts faussent la reconstruction de la répartition du module de Young car les forces alors appliquées sur la paroi intérieure de l’artère sont partiellement inconnues. Ces phénomènes de contact peuvent aussi donner des idées pour caractériser la paroi artérielle, avec un problème inverse du second type, plus difficile à résoudre, puisqu’une partie du chargement extérieur de la paroi est alors inconnu et constitue des paramètres à identifier en plus. Dans le cadre de notre travail, nous avons éliminé toutes les séquences où nous avons pu déceler un tel phénomène.

De façon intéressante, nous avons constaté un effet bénéfique de l’appui du cathéter sur la paroi sur l’estimation des déformations, cf. figure 73. Ainsi, nous constatons que plus le nombre de contacts au cours du cycle cardiaque est élevé, plus le coefficient de corrélation que nous obtenons pour la mesure des déformations est élevé, ce qui correspond à une meilleure qualité d’élastogrammes. Pour vérifier cette conséquence inattendue, nous avons tracé le coefficient de corrélation global (moyenne obtenue pour chaque plaque sur l’ensemble du cycle cardiaque) en fonction du nombre d’élastogrammes contenant des phénomènes de contact sur l’ensemble du cycle cardiaque, dans la figure 73.

Figure 73 : Coefficient de corrélation global en fonction du nombre de contacts cathéter-paroi recensés au cours du cycle cardiaque. Pour chaque plaque, le coefficient de corrélation global est estimé en calculant la moyenne, sur l’ensemble du cycle, des coefficients de corrélation intra-plaque moyens.

8.4.4. Sélection des élastogrammes retenus pour l’estimation de la rigidité de la paroi artérielle

Nous avons choisi, pour chaque patient, une série d’élastogrammes (i.e. champs de déformation radiale) parmi les 29 estimés au cours du cycle cardiaque. La sélection des élastogrammes s’est effectuée sur plusieurs critères, dont l’absence d’artefacts de contact, la maximisation du coefficient de corrélation, la maximisation de l’amplitude du champ de déformation et l’absence de bruit. Ces critères sont expliqués au sein de cette section.

Nous avons vu que des artefacts de contact pouvaient être décelés au cours du cycle cardiaque. Comme indiqué dans la paragraphe précédent, nous avons choisi d’éliminer les élastogrammes contenant ces phénomènes de contact. En effet, leur non-prise en compte dans la résolution du problème inverse fausse la reconstruction de l’élasticité.

Le deuxième critère permettant de sélectionner les élastogrammes est le coefficient de corrélation moyen estimé pour chaque séquence d’imagess, cf. figure 74. Plus ce coefficient est élevé, plus la confiance que nous pouvons mettre dans le champ de déformation estimé est grande. La moyenne des coefficients de corrélation obtenue est de 0.83, 0.67, 0.76, 0.55, respectivement pour les cas # 1, # 2, # 3, # 4, et ce pour l’ensemble du cycle cardiaque. A la vue de ces résultats, nous avons décidé d’exclure, au sein de chaque séquence, les élastogrammes présentant un coefficient de corrélation inférieur à la valeur moyenne du coefficient de corrélation pour la séquence considérée. L’élimination des élastogrammes s’est alors produite en majorité au niveau de la systole, lorsque la pression intra coronarienne augmente, cf. figure 74.

Figure 74 : Évolution du coefficient de corrélation intra-plaque au cours du cycle cardiaque pour les quatre plaques in-vivo. Un des critères de sélection des élastogrammes est une valeur seuil du coefficient de corrélation intra-plaque qui doit être supérieur au coefficient moyen de la séquence (voir texte). Pour chaque plaque et pour chaque instant, le coefficient de corrélation intra-plaque est estimé en calculant la moyenne du coefficient de corrélation local de la plaque.

Pour les élastogrammes présentant un coefficient de corrélation suffisant et ne présentant pas d’artefact de contact, nous avons favorisé les élastogrammes présentant des grandes amplitudes de déformation (troisième critère). En effet, les parties du cycle cardiaque qui n’impliquent pas de déformations de la paroi artérielle sont difficilement exploitables car le tissu artériel n’est pas sollicité par les changements alors faibles de la pression artérielle.

Enfin, la sélection finale des élastogrammes retenus s’est effectuée de manière plus subjective sur le niveau de bruit présent en particulier au niveau du contour intérieur de la paroi (quatrième critère). Ce niveau de bruit, du aux diffuseurs contenus dans le sang situé entre le cathéter et le contour intérieur de la paroi, peut biaiser l’estimation du champ de déformation.

Les élastogrammes ainsi sélectionnés et satisfaisants l’ensemble de nos critères se sont révélés être tous au début de la phase de diastole. Durant cette période, les mouvements du cœur et de la paroi artérielle semblent plus stables et permettent, ainsi, une estimation plus fiable des déformations. La figure 75 donne l’évolution de la pression coronarienne durant le cycle cardiaque (d’après Marques et col., 2002) et spécifie les

instants auxquels ont été calculés les élastogrammes. La pression n’étant pas mesurée in-situ, le positionnement des élastogrammes sélectionnés au sein du cycle cardiaque est une simple indication.