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4. Effets de la redistribution des masses d’eau sur la gravité

4.3. Influences hydrologiques { l’échelle continentale

4.3.2. Calcul de la contribution hydrologique globale

Les techniques spatiales d’observation de la Terre offrent depuis peu l’opportunité d’étudier avec une vision globale les différentes composantes du cycle de l’eau sur les continents. Différents modèles hydrologiques librement accessibles proposent d’estimer les redistributions des masses d'eau { la surface terrestre { partir d’un ensemble de données satellitaires. Classiquement, le calcul des variations de gravité associé aux charges hydrologiques de grande extension est réalisé en utilisant un formalisme de convolution associant les sorties de modèles hydrologiques globaux aux fonctions de Green (Boy & Hinderer, 2006). Les variations temporelles du champ de pesanteur dérivées des satellites GRACE peuvent également être utilisées pour évaluer l’effet de charges hydrologiques globales.

4.3.2.1. A partir de modèles hydrologiques globaux

La redistribution des masses à la surface du globe génère une variation de la gravité, pouvant être calculée par convolution de la fonction décrivant la distribution de masse aux fonctions de Green associées { l’attraction newtonienne et { la surcharge élastique (Farell, 1972). La répartition des masses d’eau sur la surface terrestre peut être estimée à partir de modèles hydrologiques globaux. Le modèle NOAH du système d’assimilation GLDAS (Rodell

et al., 2004) permet par exemple d’évaluer les variations du contenu en eau dans le sol, la

canopée et la couverture neigeuse sur toute la surface du globe, excepté l’Antarctique, avec une résolution spatiale de 0.25 ° (~ 25 km) et une résolution temporelle de 3h. Les solutions opérationnelles du centre météorologique européen ECMWF (Uppala et al. 2005) procurent une autre estimation du contenu en eau du sol et de la couverture neigeuse { l’échelle globale, avec une résolution spatiale d’environ 0.25 ° et une résolution temporelle de 6 h.

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Les distributions des stocks d’eau proposées par ces modèles sont bien sûr imparfaites, et n’intègrent par exemple pas les eaux de surface (lacs, rivières, etc.) ou les eaux souterraines (nappe). Ces modèles offrent toutefois l’avantage d’une couverture globale, nécessaire au calcul des variations de gravité associées { la déformation élastique et { l’attraction de masses d’eaux lointaines (Llubes et al., 2004).

La répartition des masses d’eau évaluée { l’aide des modèles ECMWF ou GLDAS est plaquée à la surface terrestre, supposée sphérique. Cette fonction de masse est convoluée aux fonctions de Green associés aux effets newtoniens et élastiques, définies pour un modèle de Terre sphérique, non-rotatif, élastique et isotrope (SNREI). Ce calcul permet d’obtenir les variations de gravité totales associées aux variations des stocks d’eau sur l’ensemble du globe. Ces variations de gravité totales sont alors séparées en une contribution locale et une contribution globale. La contribution locale correspond { l’attraction newtonienne des masses d’eau présentes dans le pixel d’observation (~ 25 25 km2). Cette contribution est égale à l’attraction d’un plateau infini de Bouguer dont l’épaisseur correspond à la variation de hauteur d’eau équivalente he dans le pixel d’observation. La contribution globale est alors simplement calculée comme la variation de gravité totale moins la contribution locale. La contribution globale correspond à la somme des effets élastiques et d’attraction newtonienne générée par les masses d’eau lointaines, situées en dehors de pixel d’observation. Cette contribution globale sera la seule utilisée par la suite, les effets locaux étant estimés de façon beaucoup plus précise sur la base de données in situ (section 4.2).

4.3.2.2. A partir des données satellitaires issues de la mission GRACE

La mission GRACE (Tapley et al., 2004), dédiée { l’étude des variations temporelles du champ de gravité, permet d’estimer les variations de masses d’eau continentales sur toute l’épaisseur du sol, de la surface aux aquifères (e.g. Ramillien et al. 2005; Schmidt et al. 2006; Hinderer et al. 2006; Crowley et al. 2006). De nombreux centres de traitement comme le CSR, le CNES/GRGS, le GSFC ou le GFZ proposent différentes solutions des modèles variables GRACE, exprimées sous forme de coefficients harmoniques sphériques (coefficients de Stokes permettant de reconstituer le champ de pesanteur de surface), ou encore transformées en hauteur d’eau équivalente. Ces centres appliquent différentes stratégies de traitement aux mesures satellitaires et apportent des corrections distinctes aux effets de surcharge atmosphérique et océanique. Le CNES/GRGS propose par exemple d’introduire des contraintes spatiales à priori pour atténuer bruit de mesure, alors que les centres du CSR, GSFC et GFZ établissent des

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solutions libres auxquelles est appliqué un filtre Gaussien. Les solutions de ces différents centres sont comparées dans la figure 4.15, indiquant des variations saisonnières des stocks d’eau similaires sur l’ensemble du continent africain { la fois en terme d’amplitude et de phase (Boy et al., 2010). Du fait qu’aucun filtrage ne soit appliqué, les amplitudes des variations saisonnières estimées par le CNES/GRGS sont toutefois légèrement plus fortes.

Figure 4.16 Amplitude (haut) et phase (bas) des variations de hauteur d’eau équivalente annuelles. Les solutions libres du CSR, GSFC et GFZ ont été filtrées en utilisant un filtre Gaussien de 350 km de rayon (d’après Boy et al., 2010).

Dans cette étude, les données GRACE ne sont pas utilisées dans le but de comprendre pleinement les variations du champ de pesanteur à la surface terrestre, mais uniquement pour estimer la contribution hydrologique de grande longueur d’onde due aux effets de déformation élastique et d’attraction newtonienne lointaine. Pour éviter une foison de comparaisons, seules les solutions GRACE du GRGS seront employées. Les variations temporelles du champ de gravité sont reconstituées à partir des coefficients de Stokes, estimés avec une résolution temporelle de 10 jours jusqu’au degré harmonique sphérique 50 (correspondant à une résolution spatiale ~ 400 km). La même séparation que précédemment est appliquée entre contribution locale et globale. La contribution locale est estimée comme l’attraction d’un plateau infini de Bouguer d’ont l’épaisseur égale la hauteur d’eau équivalente he estimée pour le pixel d’observation (solutions GRACE du CNES/GRGS). La contribution globale égale la variation de la gravité totale

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estimée pour le pixel d’observation moins la contribution globale. Les méthodes de calcul des différents signaux gravimétriques sont rappelées dans le tableau 4.2.

GLDAS & ECMWF

GRACE (GRGS) Reconstitué à partir des coefficients de Stokes (harmoniques sphériques)

Tableau 4.3 Calcul des variations de gravité totales, locales et globales dues aux variations de stock d’eau

4.3.2.3. Décomposition du signal gravimétrique pour le site de Wankama

Les variations de gravité dues aux redistributions des stocks d’eau { l’échelle du globe ont été estimées pour le pixel de Wankama { l’aide des différents outils satellitaires présentés précédemment. La première section de la figure 4.17 présente les signaux gravimétriques totaux estimés pour le pixel de Wankama, la seconde montre la contribution hydrologique locale et la dernière indique la contribution hydrologique globale, quantifiant les effets de déformation élastique et les effets newtoniens associés aux masses d’eaux lointaines. Les amplitudes totales annuelles sont extrêmement variables d’un système d’observation { un autre: les amplitudes les plus fortes (110 +/- 20 nm s-2) sont celles estimées d’après les solutions GRACE du GRGS, les plus faibles sont celles estimées d’après le modèle ECMWF – ERA (35 +/- 7 nm s-2). Ces différences d’amplitude sont fortement marquées pour la contribution locale et peuvent atteindre 90 nm s-2 entre les solutions les plus différentes. Au contraire, les contributions globales présentent des amplitudes annuelles similaires quel que soit l’outil satellitaire choisi. Les amplitudes estimées par le modèle ECMWF-ERA sont toutefois légèrement plus faibles (10 nm s-2 en moyenne), que celles estimées à partir des données GRACE, GLDAS ou ECMWF – opérationnel (20 à 35 nm s-2).

Une grande partie de l’écart entre les signaux gravimétriques estimés par GRACE et ceux estimés par les modèles globaux peut être attribuée à leur différence de résolution spatiale. Les variations de gravité estimées { l’aide des données GRACE intègrent les variations de masse d’eau { plus grande échelle (~ 400 km) que celles estimées par les modèles hydrologiques globaux (~ 25 km). Cette différence de résolution n’agit que très peu sur la contribution globale, car l’ensemble des masses d’eau estimées à la surface du globe est intégrée aux variations de gravité. Les différences observées entre les solutions GRACE et les

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modèles hydrologiques globaux peuvent aussi s’expliquer du fait que les variations de gravité estimées par GRACE intègrent les variations de masse dans toute la colonne de sol, alors que les modèles tels que GLDAS et ECMWF n’incluent ni les eaux de surface (rivières, lacs), ni les eaux souterraines (aquifères) dans leurs représentations (Leblanc et al., 2009; Han et al., 2009). Enfin les modèles hydrologiques globaux intègrent mal les évènements extrêmes (sécheresses, inondations), et ont tendance à sous estimer les amplitudes des signaux hydrologiques locaux (communication personnelle, J. P. Boy).

Figure 4.17 Variations de la gravité dues aux variations des stocks d’eau continentaux estimées pour le site de Wankama. Les contributions totales, locales et globales sont estimées à partir de différents outils satellitaires: les solutions GRACE du GRGS, le modèle hydrologique GLDAS/NOAH et deux modèles ECMWF (le modèle opérationnel, et le modèle ERA couvrant une période de temps plus large). Les échelles associées aux variations de gravité varient d’une sous-figure { l’autre.

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Si des écarts significatifs existent entre les solutions GRACE et les simulations des modèles globaux, ils n’affectent que peu l’estimation de la contribution hydrologique globale. Les variations saisonnières du signal global sont en bon accord selon les données GRACE du GRGS et les modèles GLDAS ou ECMWF opérationnel. L’erreur associée { la contribution hydrologique globale est évaluée par l’écart type de la différence entre les contributions GRACE, GLDAS et ECMWF opérationnel sur la période 01/01/2008 – 19/08/2010 : nous pouvons ainsi calculer 6 écarts types pour 6 différences. Un écart type maximal de 5 nm s-2

est obtenu pour la différence entre les contributions GRACE et ECMWF opérationnel. L’incertitude sur la contribution hydrologique globale est évaluée de la sorte à 5 nm s-2. Nous rappelons que les variations saisonnières du signal gravimétrique global oscillent entre 20 et 35 nm s-2 selon les années et la méthode d’estimation satellitaire choisie. Cette contribution ne pourra donc pas être négligée lors de l’analyse du signal gravimétrique mesuré au sol.