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Selon Lawton & Simon (1968), la vulnérabilité associée au vieillissement n’est pas seulement associée à la perte des capacités, mais à l’interaction entre les personnes aînées et les exigences de l’environnement. Ils ont suggéré l’hypothèse de la « docilité environnementale ». Elle stipule que lorsque les « compétences » d’une personne diminuent, la proportion de comportements et d’adaptations attribuables à l’environnement augmente (Lawton & Nahemow, 1973). Ainsi, une personne ayant un « degré de compétence plus faible » serait à risque que ses comportements/activités soient dictés par son environnement, plutôt que par son autodétermination.

Ce modèle est constitué de 5 composantes : le degré de compétence individuelle, la pression environnementale, les comportements adaptatifs, la réponse affective et le niveau d’adaptation. Dans le cadre du mémoire, trois de ces composantes sont jugées pertinentes et sont abordées.

Degré de compétence individuelle

Le degré de compétence individuelle correspond aux capacités fonctionnelles (physique, sensoriel, cognitif) de la personne. Dans le cadre du mémoire, ce sont les limitations fonctionnelles, la dépendance aux aides techniques et la réserve d’énergie qui sont visées. En effet, la diminution de la réserve d’énergie associée au vieillissement peut limiter la réalisation de la routine quotidienne même si la personne aînée a techniquement les capacités fonctionnelles pour réaliser chacune des

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activités. Ainsi, les sujets présentant plusieurs limitations fonctionnelles sont associés à un degré de compétence plus faible pour faire face aux défis de l’environnement bâti domiciliaire. Dans le cadre de l’étude (voir chapitre 5), le degré de compétence individuelle des sujets a été contrôlé en prenant le soin de sélectionner des personnes aînées en bonne santé n’ayant pas de problème de mobilité.

Pression environnementale

La pression environnementale est constituée des forces objectives et de stimuli dans l’environnement qui, avec les besoins d’un individu, créent une réponse (Lawton & Nahemow, 1973). C’est la pression de l’environnement bâti domiciliaire qui est au cœur de ce mémoire. La pression environnementale est considérée neutre : c’est son interaction avec l’individu qui peut entraîner une réponse positive, négative ou neutre de sa part. Ainsi, des caractéristiques de l’environnement bâti pourraient être associées à une dépense énergétique plus faible ou plus élevée selon le degré de compétence de l’individu et la nature de la caractéristique de l’environnement étudiée. Une caractéristique de l’environnement bâti entraînant une limitation d’accessibilité ou dans la réalisation d’activités est considérée une barrière architecturale. Ainsi, une barrière architecturale ne constitue pas nécessairement un problème : son impact diffère selon les capacités fonctionnelles de la personne (Iwarsson & Stähl, 2003). Selon ce modèle, un escalier en colimaçon avec 40 marches comme unique moyen d’accès au domicile pourrait être un facilitateur de la dépense énergétique chez une personne en excellente forme physique (i.e. degré de compétence élevé) mais représenter une importante barrière à l’activité physique chez une personne ayant des incapacités aux membres inférieurs ou sur le plan cardiorespiratoire.

Niveau d’adaptation

Face aux pressions et stimuli de l’environnement, la personne perçoit une certaine ampleur du défi, selon son degré de compétence individuelle. La personne peut percevoir la pression environnementale comme étant trop faible, bien adaptée ou trop élevée. Lorsque la pression environnementale convient au degré de compétence de la personne, le niveau d’adaptation est considéré bon. Cependant, la pression environnementale est ressentie positivement jusqu’à un

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certain seuil limite. Les comportements deviennent ensuite négatifs et maladaptifs à mesure qu’on s’éloigne du seuil limite (i.e. évitement d’activités, se mettre à risque de chute), c’est-à-dire si la pression environnementale est perçue comme trop élevée ou trop faible pour la personne.

La figure 1 présente un schéma du modèle écologique de Lawton et de ses composantes. On y voit le niveau d’adaptation (représenté par la ligne diagonale ‘’adaptative level’’) représenté par une moyenne théorique, distribué normalement, pour un environnement spécifique pour les individus avec un degré de compétence donné.

Figure 1. Modèle écologique du vieillissement de Lawton (extrait de Iwarsson & Slaug, 2010,

p.13 et Lawton & Nahemow, 1973, p.661)

Selon ce modèle, un sentiment de confort est associé à une pression environnementale légèrement inférieure au niveau d’adaptation, alors qu’un niveau de performance optimal est associé à une pression environnementale suffisamment élevée pour le degré de compétence de la per sonne. Il y a ensuite une zone marginale et une zone négative si la demande environnementale est trop élevée, mais également si elle est trop faible. Parmi les conséquences d’une pression environnementale trop faible, il y notamment le déconditionnement physique, une plus faible participation et

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l’isolement. De l’autre côté du spectre, une pression environnementale trop élevée est associée à des problèmes d’accessibilité, à de l’épuisement ou même de se placer dans des situations de risques. En effet, dans l’étude de Levasseur et collaborateurs (2008), le nombre d’obstacles de l’environnement physique perçus était associé à une plus faible participation dans les activités chez les participants présentant une plus grande dépendance fonctionnelle comparativement aux participants sans incapacité ou avec incapacités légères. L’outil d’évaluation utilisé dans ce mémoire, le Housing Enabler (Iwarsson & Slaug, 2001), donne le « Person-Environment Fit Score ». Un score élevé indique des problèmes potentiels d’accessibilité et une pression environnementale de l’environnement bâti domiciliaire trop élevée pour l’individu.

Le vieillissement vient affecter le niveau d’adaptation de la personne. Le degré de compétence de l’individu, soit les capacités fonctionnelles et la réserve d’énergie, diminuent avec l’âge. Toutefois, les pressions environnementales peuvent changer également : les rôles, les responsabilités et les activités notamment. Selon ce modèle, un ajustement personne-environnement positif peut être atteint en modifiant les compétences de l’individu (ex : amélioration des capacités motrices via activité physique, programme de conditionnement) ou les stimuli de l’environnement (ex : adaptation domiciliaire, aide humaine) ou les deux. Il implique également que les personnes avec un plus faible degré de compétence individuelle sont plus sensibles aux stimuli environnementa ux. Ainsi, une légère modification de l’environnement ou une légère dégradation du niveau de compétence individuelle peut placer la personne dans une zone marginale ou négative. Ces personnes vieillissantes sont donc particulièrement vulnérables à une modification de leur environnement.