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3. 1 - INTRODUCTION

Nous avons décrit dans le chapitre précédent notre problématique, notre posture et notre méthodologie. Nous avons aussi évoqué la praxis autochtone qui nous oblige à réviser le cadre dans lequel s’établit la relation et à décoloniser notre approche de la rencontre. Ce chapitre-ci élabore le cadre de réflexion théorique sur lequel reposera notre analyse de terrain. Nous commencerons par décrire comment les Autochtones forcent à la décolonisation de l’espace de la rencontre en posant le problème de l’hégémonie culturelle. Ils nous poussent ainsi à prendre pleinement conscience de ce champ hégémonique qui autrement continuerait à aller de soi. Ils nous incitent en même temps à vouloir sortir de ce champ et à inventer un nouvel espace relationnel qui respecte le « mode d’être » autochtone. Nous illustrerons leur démarche par quelques exemples d’actions menées pour gruger cette hégémonie. Ces exemples permettront notamment de saisir pleinement en quoi consiste le « mode d’être » spécifiquement autochtone. Reconnaître ce « mode d’être », nous a amenée à adopter une posture ontologique, c’est-à-dire une posture qui prend en compte la manière dont les gens se perçoivent eux-mêmes et qui reconnaît que les cultures fabriquent des mondes différents. Nous présenterons donc le courant ontologique puis l’approche cosmopolitique issue de ce courant. Celle-ci nous semble une avenue intéressante puisqu’elle permet de développer un espace relationnel commun tout en préservant les mondes singuliers et la relation au cosmos de chacun. Dans une troisième partie, nous aborderons les problèmes que soulève notre approche ontologique en regard de notre bagage constructiviste que nous souhaitons garder pour analyser les zones frontalières et les entre-deux que l’approche ontologique n’éclaire pas. Nous verrons que ces deux approches ne se contredisent pas, à condition d’être considérées à des niveaux d’analyse différents. Nous terminerons ce chapitre en proposant un modèle de réflexion que nous avons déduit de notre cadre théorique et qui permet de conceptualiser et d’analyser la rencontre entre les mondes.

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3. 2 – DÉCOLONISER LA RENCONTRE

3.2.1 – Mener des « petites résistances »

Selon Bourdieu, la capacité de faire exister les catégories en les nommant représente un pouvoir quasi magique, celui d’imposer la vision légitime du monde social qui devient alors le sens commun. Bourdieu parle du monopole de la violence symbolique légitimé. Selon l’auteur, le symbolisme permet de « tenir pour existant tout ce qui peut être signifié », le champ politique étant le lieu par excellence de l’efficacité symbolique. Bourdieu voit les institutions comme des fictions sociales, un « corps mystique créé au prix d’un immense travail historique d’invention théorique et pratique » et il incite à une critique « de la raison politique inclinée aux abus de langage qui sont des abus de pouvoir. » (Bourdieu, 1982, 1984).

Ces réflexions de Bourdieu vont dans le sens de la théorie de l’hégémonie culturelle développée par Gramsci (1891-1937), philosophe et fondateur du parti communiste italien. Selon sa théorie, la domination opère d’abord et avant tout par l’hégémonie culturelle. À travers diverses institutions, la classe dominante fait adopter sa vision du monde par les dominés qui l’acceptent comme allant de soi et c’est ainsi qu’elle se maintient au pouvoir. Gramsci propose de mettre fin à la domination en s’attaquant à la superstructure culturelle et politique et non pas en révolutionnant les infrastructures économiques (Gramsci, 1971). Selon James Clifford, les années 1980 marquent le début d’une « ère gramscienne » de « guerres de position » (war of position) qui se traduit par une série de petites résistances et subversions. Il devient à cette époque évident qu’une opposition frontale à une hégémonie mouvante est vouée à l’échec. Ce qui ne peut être vaincu peut au moins être miné, transgressé et dénoncé (James Clifford, 2013, p. 5), et c’est bien là un des modus operandi de la résistance autochtone.

3.2.2 – Revendiquer l’altérité

À travers de multiples « guerres de position », les Autochtones nous font entendre qu’ils ne sont pas comme nous, qu’ils n’ont jamais voulu l’être et que nous devons tenir compte de cette différence dans notre relation avec eux. Ils affirment avoir un « mode d’être » (way of being) qui leur est spécifique, qui se doit d’être respecté et qui puisse s’actualiser dans la relation.

87 Comme le dit Robert Vachon1, « la première règle du dialogue c’est de connaître l’autre tel qu’il

se voit lui-même » (R. Vachon, 1984, p. 29). Nous verrons dans nos chapitres d’analyse que le fond du problème réside dans cette remarque de Vachon.

Ce souci de préservation des mondes et des « modes d’être » autochtones est une réaction de survie face aux politiques assimilationnistes qui avaient pour visée leur disparition2. L'enjeu

primordial de la résistance autochtone est donc avant tout celui de ne pas disparaître. La résurgence vise à la restauration, au maintien et à l’actualisation de « modes d’être » autochtones dans le monde contemporain. Elle est vécue par les Autochtones comme une guérison (Clément, 2017).

3.2.3 – Faire la « guerre des mots »

Il ressort de la littérature que le paradigme eurocentriste est le paradigme de référence qui s’impose dans les relations entre Autochtones et non Autochtones (Alfred, 1995; Coulthard, 2014, p. 14; Desbiens & Rivard, 2013; Howitt & Suchet-Person, 2006; Jean-Olivier Roy, 2015). Du point de vue de la société dominante, ce paradigme va de soi et paraît être le seul possible, ce qui est le propre de l’ethnocentrisme. Nous donnerons à titre d’exemple un article de Desbiens et Rivard (2013) qui analysent les relations entre Autochtones et non Autochtones autour des négociations sur le Plan Nord3. Les auteurs démontrent notamment comment les postures

eurocentristes produisent des concepts – par exemple le concept de « co-management » – qui peuvent aller jusqu’à faire croire qu’il y a un vrai dialogue alors que dans les faits il sert à pousser les Autochtones vers les pratiques de gouvernance de la société dominante (Howitt & Suchet-Person, 2006). Ce concept de co-management serait enraciné dans une ontologie eurocentriste qui sépare nature et culture et met l’emphase sur le contrôle de la nature par la culture, alors que l’ontologie autochtone est fondée sur la relation avec la nature. Aussi selon Desbiens et Rivard, ce concept empêche un réel dialogue interculturel. Ce problème relaté par les auteurs s’applique dans tous les domaines de négociations, que ce soient les affaires, le territoire, la justice, la santé, etc., et réfère à un contexte néocolonial (Poirier, 2017, p. 217).

1 Prêtre catholique dédié à la cause autochtone.

2 Nous parlerons de ces politiques assimilationnistes dans le chapitre 4.

3Le Plan Nord vise à l’exploitation économique du territoire québécois situé au nord du 49e parallèle,

88 À travers diverses stratégies de résistance, les Autochtones cherchent patiemment à inverser ce modèle relationnel en soulignant le déséquilibre et en renvoyant à leurs propres conceptions du territoire, de la santé, de l’éducation, de la justice ou des affaires, etc. Ce faisant, ils ébranlent le cadre hégémonique dans lequel se déroule la relation. Celui-ci ne va plus de soi puisqu’il apparaît ne plus être le seul possible. Ainsi depuis des décennies, les Autochtones travaillent à nous faire comprendre leurs mondes, ceci dans l’espoir de faire entendre leur voix et d’arriver à des négociations plus équitables et une meilleure compréhension.

Selon le chercheur québécois Jean-Olivier Roy (2015), qui a consacré sa thèse de doctorat au nationalisme autochtone, les « conceptions profondément divergentes, chez les Autochtones, du territoire, du pouvoir, de l’individu, de la communauté et possiblement de la nation, rendent très difficile l’emploi de concepts d’origine non-autochtone ». Cependant les Autochtones « croient profondément à la possibilité d’un changement éventuel de perception chez les non- Autochtones » (ibid., p. 67). Afin de nous y aider, des Guerriers de la parole4 autochtones se

chargent du « transfert de concepts d’origine autochtone vers les langues non-autochtones ». Citons à titre d’exemple le problème que pose l’utilisation du concept de nationalisme. Le chercheur mohawk Taiaiake Alfred (1995) considère que les sociétés autochtones ont été forcées de compromettre leur propre concept de nation et de s’accommoder de celui issu de la perspective occidentale fondé sur un « modèle centré sur l’État » (state centered model). Selon Alfred, les discours dominants sur le nationalisme ne peuvent rendre compte de l’expérience politique des communautés qui résistent à l’hégémonie de la politique occidentale. Il explique que le modèle du nationalisme autochtone n’est pas monolithique puisqu’il intègre de multiples ethnies et communautés politiques infra-étatiques (ibid., p.8). Ainsi, à travers la « guerre des mots », les Autochtones nous font pleinement prendre conscience de leur altérité et de la nécessité de la prendre en compte avant d’établir une relation.

4 Les Word Warriors sont des philosophes et activistes autochtones identifiés comme tels par Dale Turner (2006)

et James Tully (2007). Nous avons noté que les Word Warriors furent évoqués à maintes reprises dans les communications lors du congrès de la Société canadienne d’anthropologie (CASCA) en 2017 à Ottawa, ce qui montre que leur rôle est largement reconnu.

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3.2.4 – S’autoreprésenter

Affirmer son altérité, c’est aussi pour les Autochtones définir et contrôler la représentation que les non Autochtones ont d’eux. Ceci les amène dans les faits à redresser une représentation de l’autochtonie distordue et étrangère aux réalités autochtones contemporaines, comme nous le verrons dans le chapitre 6.

Jusqu’aux années1990, les chercheurs occidentaux venaient dans les communautés pour « étudier les problèmes des Autochtones » (Smith, 1999) à travers leur seule lunette occidentale (Wilson, 2008, p. 50). Les Autochtones n’avaient pas encore de voix alors que paradoxalement ils représentaient le groupe de population le plus étudié au monde.

Dans les années 1980, un certain nombre d’anthropologues et de chercheurs venus d’autres disciplines avaient déjà commencé à critiquer cet intérêt des anthropologues pour l’Autre. Ils leur reprochaient notamment de produire des représentations de l’Autre erronées, et d’exclure toute possibilité de le laisser s’exprimer dans sa propre voix. Citons ici les travaux de Fabian (1983) ou encore de Clifford (1983) qui critiquent la façon dont les anthropologues non seulement manipulent leurs représentations des autres, mais les imposent comme faisant autorité en matière ethnographique. À ce sujet, nous citerons un extrait de Galinier et Molinié (2006). En quelques lignes expéditives, les auteurs dénient toute authenticité au concept de la « Terre- Mère » qui est au cœur de la culture panindianiste et des enseignements de Commanda.

« Ce mythe de la Terre divinisée, colporté depuis les années 20 par la littérature et, sur le terrain, par les maîtres d’école, a connu un succès foudroyant […] On rappellera le succès actuel de cette divinisation de la terre par les courants écologiques nord- américains qui l’ont répandue dans la plupart des mouvements de défense des Indiens, même parmi ceux qui n’ont jamais connu la moindre divinité de la Terre parce qu’ils vivaient de la chasse et de la collecte. Elle a si bien prise dans la mayonnaise nationale andine, que même les anthropologues y font référence alors qu’en réalité elle apparaît très rarement dans les sources pré-hispaniques et que la Pachamama des Indiens réels, avide de sacrifices, est loin d’être aussi sympathique que le prétendent ces intellectuels avides d’autochtonie. Les mouvements contemporains d’inspiration New Age ont repris des anthropologues héritiers des indigénistes cette représentation maternelle de la terre et la diffusent chez les Indiens qui informent à présent l’ethnologue d’une Pachamama bienveillante made in USA … et ainsi va la réinvention perpétuelle de cette tradition. » (ibid., p. 128-129)

Comme nous le démontrons dans le chapitre 6, il est fort improbable que les écologistes nord- américains ou le mouvement New Age aient pu avoir une telle influence sur les spiritualités

90 autochtones nord-américaines, ceci en raison du contexte général de résistance autochtone en Amérique du Nord, et également en raison des conflits entre écologistes et Autochtones résultant d’une approche divergente de la gestion de l’environnement (Cheechoo, 2008, p. 146). Par ailleurs, la « Terre-Mère » n’est pas à envisager comme une divinité mais comme un concept définissant la relation au territoire. Aussi, il n’y a rien d’étrange à ce que des peuples anciennement nomades l’utilisent pour exprimer leur respect pour le territoire dans un contexte de crise environnementale. Nous aurions long à dire sur cet extrait, mais notre propos ici est seulement de montrer comment les anthropologues peuvent imposer leur interprétation des cultures autochtones comme une vérité scientifique.

Dans Writting Culture Clifford et Marcuse (1986) poussent leur réflexion jusqu’à mettre les anthropologues au défi d’écrire quoi que ce soit d’intéressant sur les Autres (Robbins, 2013, p. 449). Ainsi la critique de ces auteurs vient conforter la plainte des Autochtones qui ne se reconnaissent pas dans les représentations que les anthropologues occidentaux produisent sur eux.

Les « voix » autochtones commencent cependant à se faire entendre avec la parution en 1997 de Native American Voices (Lobo & Talbot, 2001). Inspiré d’un cours intitulé « Indian Experience », il s’agit du premier manuel scolaire produit à l’attention d’une nouvelle population d’élèves autochtones américains qui bénéficiaient depuis peu d’une aide financière pour étudier. Ce livre est venu combler un vide car il n’existait à l’époque aucune alternative aux cours d’introduction à l’histoire des Indiens d’Amérique du Nord enseignée dans les départements d’anthropologie par des professeurs non autochtones (Barreiro, 2001, p. x). Pour la première fois, les « voix » autochtones sont entendues directement. L’étude des peuples autochtones est faite par eux-mêmes et repose désormais sur une auto-interprétation. Ainsi a commencé à s’affirmer une nouvelle épistémologie autochtone qui se départit de la vision académique occidentale.

Les Native Studies sont donc une jeune discipline en pleine maturation qui se développe au Canada et aux États-Unis. Toutefois, il ne faut pas confondre ces études autochtones faites par

91 et pour les Autochtones avec les études autochtones faites par et pour les Euro-américains5.

Ainsi les intellectuels autochtones poursuivent aujourd’hui leur travail de réflexion sur l’identité autochtone, sur les relations structurelles avec les gouvernements et sur les méthodologies de recherche afin qu’elles puissent servir aux communautés (Wilson, 2008, p. 51).

Ces dernières années ont vu émerger une brillante intelligentsia autochtone, notamment au Canada avec de chercheurs de talents comme Taiaiake Alfred6 (1995), Jeff Corntassel7 (2012),

Glen Coulthard8 (2014), Emma Larocque9 (2010), Rick Monture10 (2014), Leanne Simpson11

(2008), Shawn Wilson12 (2008), Warren Cariou13 (1999), James Sinclair14 (2013), Audra

Simpson15 (2014) – pour ne citer qu’eux – qui apportent à la résistance autochtone la réflexivité

et les fondations théoriques dont elle avait besoin. S’ils n’excluent pas l’introduction de théories occidentales quand celles-ci peuvent conforter ou éclairer la perspective autochtone (Coulthard, 2014; Freeman, 2015; Wilson, 2008), ils réfléchissent néanmoins à partir de leur propre épistémologie qui peut parfois s’afficher clairement « spirit-centered » (Debassige, 2010). On voit aussi se développer des méthodologies autochtones, comme par exemple récolter les données en utilisant un cercle de parole. Si les Autochtones affirment désormais leurs positions, les préjugés ont cependant la vie dure. Ils doivent encore se battre pour faire admettre la valeur de leurs cultures et de leurs visions du monde au sein de l’académie. Le chercheur mohawk Rick Monture dénonce le fait que les universités ne croient pas que les Autochtones puissent avoir des traditions intellectuelles. Il déclare dans son livre We share our matters (Monture, 2014)

5 À ce propos, lors du Congrès de la Société canadienne d’anthropologie (CASCA) en 2017 à Ottawa, le chercheur

canadien Craig Proulx5 pointait du doigt le fait que des fonds de plus en plus importants sont alloués aux Natives

Studies, mais que ces fonds sont en faits destinés aux Natives Studies faites par et pour les Occidentaux. Selon

Proulx, ces fonds ne servent qu’à donner bonne conscience aux universités et aux chercheurs qui alimentent ainsi leur carrière et véhiculent leur propre perception autour de la question autochtone, alors que les Autochtones eux- mêmes ne profitent pas de ces fonds. Proulx voit dans cette situation une forme perverse de colonialisme.

6 De la nation mohawk de la Kahnawake. Professeur à l'Université de Victoria (CB). Cofondateur avec Jeff

Corntassel du programme d'études sur la gouvernance autochtone

7 De la nation cherokee, professeur à l’université de Victoria (CB). Cofondateur avec Taiaiake Alfred du

programme d'études sur la gouvernance autochtone.

8 De la nation dénée de Yellowknives. Professeur à l’Université de la Colombie Britannique. 9 Métisse de l’Alberta. Professeur à l’Université du Manitoba.

10 De la nation mohawk de Six Nations of the Grand River. Professeur à l’Université McMaster en Ontario. 11 De la nation michi saagiig nishnaabeg (algonquin). Chercheure, artiste et auteure.

12 Cri de la nation Opaskwayak dans le nord du Manitoba. Il vit présentement en Australie où il est directeur de

recherche au Gnibi College of Indigenous Australian Peoples à l’Université de Southern Cross.

13 Métis de laSaskatchewan. Artiste et professeur à l’Université du Manitoba. 14 Anishinabe de St Peter/Little Peguis. Professeur à l’Université du Manitoba.

92 que le simple fait « que nous soyons encore là pour partager nos histoires et nos savoirs est extraordinaire et témoigne de notre résilience, de notre force et de notre courage »16 (ibid., notre

traduction).

Dans leur processus de décolonisation de la recherche, ces chercheurs rencontrent des résistances et suscitent un malaise. En effet, certaines pratiques comme faire une offrande de tabac avant une présentation ou encore parler du « Spirit » dans les demandes de financement peut paraître déplacé du point de vue de l’académie alors que du point de vue autochtone, ces pratiques sont partie intégrante du processus de recherche (Sinclair, 2003).

Faire sa place dans la forteresse qu’est l’académie, lieu privilégié de la fabrication des représentations où se joue « le pouvoir de nommer » (Bourdieu, 1982) présente ainsi certains défis. Notamment les Autochtones y rencontrent la même difficulté que dans les autres institutions, celle de devoir articuler leur pensée à partir de la terminologie et du cadre de référence

académique dominant et de devoir également constamment justifier leur posture.

3.2.5 – Développer une ontologie et une épistémologie autochtones

Compte tenu de la relation de pouvoir inégale avec les institutions et la société majoritaire, les Autochtones se retrouvent à devoir supporter les attaques du monde académique. Notamment ils doivent justifier leur approche de la recherche et leurs systèmes de savoirs aux yeux d’un système dominant. Le chercheur cri Shawn Wilson considère que si les chercheurs autochtones veulent se libérer de ce souci, ils doivent commencer par articuler clairement leurs paradigmes (Wilson, 2008, p. 12). C’est pourquoi sa thèse de doctorat publiée sous le titre Research is Ceremony est centrée sur l’épistémologie autochtone. Elle vise à enrichir la réflexion autour de la recherche faite par et pour les peuples autochtones. L’intérêt du livre de Wilson est qu’il propose des arguments solides qui expliquent en quoi la réalité des Autochtones diffère de la nôtre et pourquoi les non Autochtones ne peuvent produire des représentations valides des Autochtones.

Wilson définit l’ontologie comme l’étude de la nature de l’existence ou de la réalité. L’ontologie selon lui pose la question de savoir s’il existe un monde réel perçu différemment par chacun ou

16« […] we are still here to share our stories and knowledge is remarkable, a testimony to our resilience, strength,

93 s’il existe des mondes différents qui dépendent du point de vue de l’observateur. Wilson considère qu’il est impossible de répondre à cette question. Selon lui, la réalité est façonnée par un ensemble de croyances ontologiques sur lesquelles les gens s’accordent et auxquelles ils donnent foi. Le travail du chercheur est d’explorer ces croyances pour en savoir un peu plus sur cet agrément au sujet de ce qu’est la réalité.

Toujours selon Wilson, l’épistémologie étudie la nature de la pensée ou de la connaissance, ce

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