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Après avoir expliqué les considérations théoriques qui seront les nôtres au cours de cette étude et fait une mise au point nécessaire sur les définitions et une mise en contexte rapide de la lutte pour les droits LGBT+

en Europe, nous arrivons tout naturellement à l’explicitation de ce que ce travail propose d’étudier précisément et de la méthode qui sera suivie.

1.4.1. Explication de la problématique

Comme annoncé en introduction de cette étude, la problématique qui dirigera notre réflexion sera la suivante : dans quelle mesure peut-on constater une européanisation de la lutte contre les discriminations LGBT+ au sein de l’Union européenne ? Pour y répondre nous mentionnions en particulier trois éléments qui structureront notre réflexion : le traitement de la lutte contre les discriminations LGBT+ à l’échelon européen, les acteurs de celle-ci et leurs méthodes.

98 Ibid..

99 Ibid., p. 2.

100Ibid., pp. 2-3.

101 Phillip M. AYOUB, David PATERNOTTE, « Introduction », in Phillip M. AYOUB, David PATERNOTTE (eds), LGBT Activism and The Making of Europe: A Rainbow Europe?, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2014, p. 3.

102 Ibid., p. 10.

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Il s’agira donc comme l’exprime « dans quelle mesure » d’étudier un degré d’européanisation. Il faudra ainsi, après analyse, pouvoir définir s’il y a ou non européanisation des différents éléments que nous allons analyser. Il faudra par exemple voir à quel échelon de gouvernance la lutte contre les discriminations figure à l’agenda politique : strictement l’échelon européen, seulement l’échelon national ou bien un peu des deux.

Si nous précisons que notre intérêt se portera sur trois éléments particuliers, c’est que nous faisons un choix délibéré de cadrer notre recherche. Il n’est pas question par exemple pour nous d’analyser ici l’européanisation de la lutte contre les discriminations LGBT+ à travers un prisme juridique. Non pas que cela ne soit pas pertinent, mais car ce n’est tout simplement pas ce que cette recherche propose d’étudier.

Au contraire, l’approche que nous adopterons sera davantage politologique. Nous avons vu, dans notre cadre théorique, que l’ensemble du champ politique est susceptible d’être européanisé. C’est ce champ politique et les mutations qui le traversent qui vont focaliser notre attention dans ce travail de recherche. Il s’agira pour nous, en accord avec les éléments de définition que nous avons sélectionnés dans notre cadre théorique, d’étudier de près les échanges, le dialogue, la relation entre l’échelon européen et les Etats membres, d’analyser l’incidence de la dimension européenne sur les politiques publiques, sur la politique et sur le politique. Il sera question aussi de penser les acteurs, leurs rôles, leurs méthodes et leurs éventuelles adaptations à un échelon de gouvernance nouveau103.

Nous nous intéresserons dans un premier temps au traitement de la lutte contre les discriminations et à quel niveau cette problématique est traitée (au niveau des Etats membres de l’Union ou au niveau de l’Union).

Nous tâcherons donc de voir si la question de la lutte contre les discriminations LGBT+ a été investie par l’échelon européen et avec quelle intensité. Ensuite, nous nous concentrerons sur les acteurs non institutionnels. Par là nous entendons, les acteurs qui ne sont pas des institutions de l’Union et qui agissent de manière organisée contre les discriminations envers les personnes LGBT+. Ce sont par exemples les organisations issues de la société civile. Enfin, nous nous poserons la question des méthodes mobilisés par ces acteurs et tenterons de savoir si celles-ci sont les mêmes au niveau européen qu’elles peuvent l’être au niveau national. Nous reviendrons sur ces éléments dans la sous-section qui suit qui vise à expliciter nos hypothèses de recherche.

En ce qui concerne le cadre spatio-temporel de notre recherche, nous nous limiterons au cadre de l’Union européenne et de ses Etats membres, même si nous sommes conscients que d’autres acteurs de la lutte contre les discriminations auxquelles font face les LGBT+ existent comme le Conseil de l’Europe ou encore l’Organisation des Nations Unies. Nous restreindrons notre analyse à l’émergence de la question LGBT+

sur la scène européenne, c’est-à-dire la fin des années 1980, à nos jours.

1.4.2. Explication des hypothèses

Pour répondre à notre problématique, nous formulons trois hypothèses qui structureront notre réflexion durant notre partie empirique (partie 3 de cette étude). La lutte contre les discriminations LGBT+ est un sujet à l’échelon européen puisque, nous l’avons vu en ouverture de ce mémoire, la Commission européenne se penche sérieusement sur le sujet. Il ne fait donc aucun doute que, dans une certaine mesure, la thématique des discriminations contre les LGBT+ a pris une dimension européenne. Mais il nous importe de savoir dans quelle mesure et pourquoi. Partant du constat que les domaines de prédilection de l’Union européenne sont surtout l’économie, le monétaire et le commerce, des thématiques aux accents plus sociaux, voire sociétaux, sont, selon nous, reléguées au second plan. Cette réflexion nous amène à la formulation de notre première hypothèse :

H1 : Le traitement de la lutte contre les discriminations LGBT+ au niveau européen est limité.

Si cette hypothèse s’avère valide, elle implique que si les Etats membres restent des acteurs importants de cette lutte contre les discriminations, il existe des acteurs institutionnels à l’échelon européen qui agissent aussi en ce sens, qui se mobilisent en faveur de la lutte contre celles-ci. Mais ces acteurs ne sont pas les seuls impliqués. D’autres acteurs agissent en parallèle de l’éventuelle mobilisation institutionnelle. Ce qui nous amène à notre seconde hypothèse qui porte sur ces acteurs non institutionnels :

103 Voir le point 1.1.4 de cette recherche.

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H2 : Les acteurs non institutionnels qui luttent contre les discriminations LGBT+ sont les mêmes au niveau européen qu’au niveau national.

Cette hypothèse, si elle est validée, montre que le fait qu’une thématique soit investie par l’échelon européen n’entraîne pas forcément un changement des acteurs. Et finalement cela montrerait que peu importe l’échelon de gouvernance dans lequel on se place, les différents acteurs prenant part aux échanges et à l’élaboration de mesures sont les mêmes. Toutefois, nous nous interrogerons aussi sur les méthodes de ces acteurs104. Le niveau européen appelle-t-il des modes d’action particuliers ? Notre troisième hypothèse sera donc la suivante :

H3 : Les acteurs non institutionnels de la lutte contre les discriminations LGBT+ intervenant au niveau européen adoptent des méthodes spécifiques à ce nouvel échelon de gouvernance.

Si cette hypothèse est vérifiée, on pourra alors parler d’une forme d’européanisation dans le sens ou les moyens utilisés par les acteurs de la lutte contre les discriminations LGBT+ vont être amenés à s’adapter à l’échelon européen, la scène européenne appelant à des méthodes différentes par rapport aux méthodes plus traditionnelles utilisées dans les Etats membres.

1.4.3. Méthodologie adoptée

Pour tenter de répondre à notre problématique et tester nos hypothèses, nous adopterons une approche qualitative. En effet, une approche quantitative n’est pas adaptée à notre étude car nous nous intéressons surtout aux rôles des acteurs, à leur organisation, à leurs méthodes, à l’émergence de politiques nouvelles sur la scène européenne et non à des dynamiques qui pourraient être chiffrées et faire l’objet d’analyses statistiques. Toutefois, nous n’excluons pas de recourir à certaines données quantitatives qui ponctuellement peuvent offrir un éclairage intéressant sur un des aspects de notre étude. Par exemple, nous serons amenés à mobiliser des données issues des Eurobaromètres pour mieux comprendre les opinions publiques européennes et le rôle qu’elles peuvent jouer.

Nous mobiliserons pour notre recherche des rapports officiels issus des institutions européennes, des publications et rapports issus des organisations que nous serons amenées à étudier. Nous nous baserons aussi, quand cela est possible, sur la littérature scientifique déjà existante. Nous pourrons aussi être amenés à nous pencher sur des articles de presse qui peuvent montrer un point de vue différent de celui constaté dans les rapports officiels.

Nous tâcherons donc d’identifier le rôle joué par les institutions européennes dans la lutte contre les discriminations des personnes LGBT+ : quelles sont leurs positions et quelles sont les actions mises en place. Nous tenterons aussi d’identifier les autres acteurs de la lutte contre les discriminations au niveau européen. Nous verrons qui ils sont, comment ils s’organisent et quelles actions ils entreprennent pour promouvoir la non-discrimination des personnes LGBT+. Nous nous attacherons en particulier aux modes d’action qu’ils privilégient pour pouvoir comparer ceux-ci avec les modes d’action mobilisés à l’échelon national. Est-ce que les méthodes sont des méthodes dites « traditionnelles » ou bien le contact avec les institutions européennes va amener les acteurs non institutionnels de la lutte contre les discriminations LGBT+ à adapter leurs méthodes pour devenir par exemple plus professionnels et s’organiser sous la forme de groupes d’intérêt.

Ces recherches faites, nous serons à même de confirmer, invalider ou nuancer nos hypothèses de travail.

Le cadre de notre analyse ainsi posé, il convient de replacer la lutte contre les discriminations LGBT+ à l’échelon européen dans un contexte plus général de lutte contre toutes les formes de discriminations à l’échelle de l’Union. La deuxième partie qui suit sera donc consacrée à l’étude des mesures juridiques et politiques mises en place à l’échelon européen pour lutter contre les discriminations ainsi qu’à la réalisation d’un état des lieux sommaire des discriminations en Europe.

104 Par « méthodes » des acteurs nous entendons ici des modes d’actions.

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