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Cadre législatif concernant l’élevage d’insectes pour la consommation humaine

PARTIE I : SITUATION ACTUELLE DE L’ENTOMOPHAGIE ET DE

C. CADRE LÉGISLATIF ACTUEL POUR L’ÉLEVAGE D’INSECTES

2. Cadre législatif concernant l’élevage d’insectes pour la consommation humaine

La législation de l’Union Européenne semble aujourd’hui être le principal frein à la généralisation d’une production d’insectes en Europe. Cependant, avec la pression des différents organismes œuvrant dans ce domaine, celle-ci a récemment évolué et il est à prévoir qu’elle évoluera dans un sens plutôt en faveur de cette production dans les prochaines années. Cette évolution ne pourra se faire que sur la base de

30 recherches scientifiques approfondies notamment en termes de risque sanitaire encouru par la population (FAO et al., 2013).

a. Évolution de la législation européenne sur l’entomophagie

Jusqu’au 31 décembre 2017, c’est le règlement (CE) 258/97 qui encadrait la mise sur le marché d’insectes pour la consommation humaine. Les insectes et dérivés d’insectes étaient alors considérés de manière implicite comme « novel food » (« nouvel aliment ») : il s’agit d’aliments n’ayant pas été consommés dans des proportions significatives dans l’Union Européenne avant 1997. Cette production était donc soumise à autorisation avant mise sur le marché après l’instruction d’un dossier qui devait notamment présenter les risques liés à cette production. Le dossier était d’abord étudié au niveau d’un Etat, en France par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), qui prenait une décision communiquée par la suite à la Commission Européenne et autres états membres. Si la décision était remise en cause par un Etat membre, l’EFSA (Agence Européenne de la Sécurité des Aliments) était alors saisie par la Commission pour une évaluation complémentaire préliminaire à la décision d’autorisation ou de non autorisation. L’autorisation était délivrée nominativement au pétitionnaire (ANSES, 2015; Note de service DGAL, 2017).

Depuis le 1er janvier 2018, la loi européenne a évolué et la production d’insectes pour l’alimentation humaine est maintenant encadrée par le nouveau règlement (EU) 2015/2283. Les insectes sont désormais considérés comme « novel food » mais de manière explicite. La procédure est simplifiée : la demande d’autorisation (avec justification de l’innocuité de la denrée) se fait directement à la Commission Européenne (et non plus au niveau de l’Etat), celle-ci pouvant toujours saisir l’EFSA pour un avis préalable à la décision finale. L’autorisation européenne, si elle est donnée, deviendra « générique », donc ne sera pas seulement nominative pour le pétitionnaire. Il existe désormais une liste de l’Union sur laquelle s’inscriront les « nouveaux aliments » au fur et à mesure des autorisations données : la mise sur le marché sera alors uniquement possible pour des produits inscrits sur cette liste. La DGCCRF reste l’autorité compétente pour la mise en application de ce règlement en France (Note de service DGAL, 2017).

31 Une fois l'autorisation européenne de mise sur le marché obtenue, l’entreprise agroalimentaire devra déclarer son activité au titre du règlement sanitaire pour la consommation humaine (CE) n°852/2004 et de l'article R. 233-4 du Code rural et de la pêche maritime. Les règlements (CE) n° 178/2002 et 852/2004 rendent obligatoires la mise en place d’un plan de maîtrise sanitaire. Cependant, les insectes ne relevant d'aucune section de l'annexe III du règlement (CE) n°853/2004, leur mise sur le marché ne nécessitera pas dans ces conditions d'agrément sanitaire.

Actuellement, aucune demande dans le secteur de la production d’insectes n’a été acceptée par cette procédure au niveau européen. Cependant, certains états prennent la liberté d’instaurer une politique de tolérance vis-à-vis de certaines espèces et de certains produits dérivés au niveau national. En effet, des producteurs commercialisent déjà des insectes en France et dans d’autres pays en Europe, ce qui oblige les Etats à prendre des décisions pour une meilleure gestion de cette production, alors que la législation européenne ne reconnaît pas encore ce type d’élevage comme « autorisé ».

b. Évolution de la législation française sur l’entomophagie

Si une politique de tolérance a été mise en place dans certains pays de l’Union, ce n’est pas le cas en France où il est officiellement interdit de produire et de vendre des insectes dans le cadre d’une consommation humaine.

Suite à l’avis favorable de la FAO concernant le développement à une échelle mondiale de la production d’insectes (FAO et al., 2013) et la demande d’études scientifiques approfondies sur le sujet, l’ANSES a produit un rapport en avril 2015 : l’agence développe les différents points pouvant présenter un risque dans l’utilisation des insectes en alimentation humaine. Cette étude conclut qu’il ne pourra y avoir de consommation d’insectes autorisée que lorsque des études plus poussées sur les risques encourus auront été menées (ANSES, 2015).

En attente d’autorisations européennes ou d’une politique de tolérance appliquée en France, la production et la commercialisation d’insectes pour l’alimentation humaine restent limitées dans le pays car non autorisées réglementairement. Les organisations d’éleveurs et différents acteurs du secteur

32 militent pour une évolution de la loi et notamment la Fédération Française des Producteurs Importateurs et Distributeurs d’Insectes (FFPIDI) aide à l’élaboration de dossiers solides pour être soumis à la Commission Européenne.

c. Évolution de la législation en Belgique et dans d’autres pays européens

En Belgique, une politique de tolérance a été appliquée avant le 1er janvier 2018 avec constitution d’une liste positive de 10 espèces d’insectes pouvant être produits et vendus pour la consommation humaine (12 étaient alors sur le marché), sur un avis commun de l’Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaîne Alimentaire (AFSCA) et du Conseil Supérieur de la Santé (CSS) en 2014, après étude des risques potentiels (AFSCA and CSS, 2014). Chaque opérateur de la filière doit être enregistré auprès de l’AFSCA et obéir à des règles sanitaires précises, avec contrôle des intrants, des conditions d’élevage, du traitement et de la conservation des produits avant distribution pour la consommation.

Un prolongement de cette tolérance est possible après la parution du nouveau règlement européen de janvier 2018 pour toute autorisation concernant les espèces et les formes de produits précédemment autorisées. Ainsi, la production et la vente pour l’alimentation humaine des dix espèces suivantes est tolérée dans certaines conditions et sous certaines formes clairement définies (AFSCA and CSS, 2014; Reverberi, 2017) :

- 2 espèces de grillons (Acheta domesticus et Gryllodes sigillatus), - 2 espèces de criquets (dont Locusta migratoria)

- 3 espèces de vers de farine (dont Tenebrio molitor et Alphitobius diaperinus) - 2 espèces de teignes (Galleria mellonella et Achroia grisella)

- 1 espèce de ver à soie (Bombyx mori).

Comme la Belgique, d’autres pays européens ont instauré une politique de tolérance afin de développer et encadrer la production et la commercialisation d’insectes pour l’alimentation humaine au niveau de l’état :

- les Pays-Bas (depuis 2014, avec le producteur majeur en Europe Krecafood), - la Finlande (depuis 2017, avec l’entreprise Fazer),

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D. PRODUCTEURS ET DISTRIBUTEURS D’INSECTES AUJOURD’HUI