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Partie 1 : Analyse des contextes

3.3 Cadre d’enseignement

Le cadre de travail était composé d’une équipe éducative soudée85, d’apprenants au niveau hétérogène et surtout d’objectifs d’enseignements précis.

3.3.1 Une équipe éducative soudée

Dans la mesure où j’ai collaboré avec mes collègues afin de mettre en place une méthodologie d’apprentissage dans la formation, pour faciliter la suite de l’analyse, je présente la structure de l’équipe éducative dans laquelle j’ai eu la chance d’exercer86

.

 Mme Huang Xiulian, ancienne secrétaire du parti communiste au sein de l’université, responsable du cours d’interprétariat, du français scientifique.

 Mme Huang Xiaoxuan fût la directrice du département de français pendant 10 ans et fût ma collaboratrice lors de mon arrivée. Elle s’occupait des cours de grammaire.  M. Yang Linfey, directeur du département de français depuis 2011. Docteur en

histoire de la littérature française, diplômé de l’université d’excellence Zhong Da. Il donnait des cours de littérature française et de traduction écrite.

85 La collaboration et la coopération entre équipe pédagogique est rare en Chine : Valérie Gaelazzi rapporte qu’une grande majorité de lecteurs se plaint du manque de communication professionnelle et que les équipes pédagogiques sont peu « interactives sur le plan professionnel » (2006, citée par Perche, 2011, p.188).

 M. Yang, professeur d’université, ancien guide touristique, chargé d’enseigner le français du tourisme, les cours d’audition et grammaire avancés.

 Mme Lu, professeure d’université, docteure en littérature française, diplômée de l’université d’excellence de Shanghai, proposait des cours d’audition, de lecture.  Mme Li, en formation de FLE lors de ma présence, doctorante, élaborait des cours de

lecture, d’oral, de grammaire pour les deux premières années.  M. Xin, doctorant, était chargé du français de la presse.

Je tiens également à mentionner M Huang, fondateur, avec Mme Pinot, du cours de traduction orale en binôme, retraité de l’université mais toujours actif, il est auteur d’un manuel destiné à la pratique de l’oral et de la traduction (2011) conseillé aux étudiants.

A ces enseignants responsables des différentes matières, il faut rajouter deux « enseignants » très importants qui ne donnent jamais de cours ! M. X : sorte de professeur principal de la classe. Il ne donne aucun cours de français et ne parle pas français non plus. Il s’occupe officiellement de gérer les problèmes « psychologiques » des étudiants. Il interroge également (surtout) ceux-ci sur le déroulement des cours et plus particulièrement ceux du professeur étranger. Il est généralement à la base des initiatives des questions politiques posées par les étudiants (relatives à la souveraineté des îles Senkaku/Diayu, au Tibet, au Xinjiang, à Taïwan, etc.) Il est supervisé dans cette tâche par M. Y, chef du département des langues étrangères. Ces deux personnes sont des membres importants du parti communiste au sein de l’université. Ils convoquent régulièrement le délégué de la classe (membre du parti lui aussi) afin de s’assurer que les professeurs remplissent bien leur rôle. Les enseignants étant bien sûr évalués par les étudiants. Généralement, les lecteurs français s’assurent du soutien des apprenants en leur octroyant des bonnes notes. Si le lecteur peut donner de la face de par son statut, la note fournie même mauvaise est acceptée. Pour l’anecdote, Mme Pinot avait par exemple recalé l’intégralité de la promotion car elle estimait le niveau insuffisant. Ces mêmes étudiants la remercient de sa sévérité (à traduire par son sérieux).

Ces membres du corps éducatif vérifient également que l’enseignant réalise bien une prestation professorale en visionnant les caméras de vidéo-protection. Lors d’une activité théâtrale où j’avais déplacé tout le mobilier, l’enseignant (surveillant ?) est venu vérifier ce qui se tramait et est entré dans la salle de cours afin de questionner un étudiant. Rassuré, il est parti en me serrant chaleureusement la main.

Enfin, des inspecteurs du parti communiste viennent contrôler pendant les cours que les enseignants ne se contentent pas de diffuser des vidéos. Le cours de traduction orale en binôme a eu les honneurs de la visite de l’inspecteur général de l’éducation de la province du

Guangxi. Il a d’ailleurs réellement apprécié ce cours et a noté que cette méthodologie pourrait éventuellement se généraliser. Ce contexte collégial illustre parfaitement l’importance du contexte général et éducatif présenté précédemment dans lequel évolue les principaux acteurs : les apprenants.

3.3.2 Un groupe d’apprenants hétérogènes

L’année scolaire étudiante débute en septembre. Le premier semestre se termine généralement entre fin janvier et début février, tout dépend de la date fixée par le gouvernement, en appui sur le calendrier lunaire. Le second semestre débute en mars et se termine fin juin. Les étudiants de Benke spécialité littérature française de l’université ont 4 années d’études. Un étudiant commençant sa formation en 2015 appartient donc à la « promotion 2015 ». Les deux premières années sont destinées aux apprentissages des fondamentaux. Le niveau, au terme de ces deux années, selon les étudiants et les universités, varie entre A1 et C1 (aucune étude sérieuse n’a été menée sur ce point, je me base uniquement sur la conférence proposée lors du séminaire des lecteurs à Pékin où une très brève étude portant sur une dizaine d’universités arrivait à ce résultat, une thèse serait en préparation sur cet aspect, on prendra donc mes informations avec extrêmement de précaution. On note toutefois le considérable écart qui peut exister au sein d’une même classe). En 3e

et 4e années, lors de la phase d’approfondissement les étudiants auront ce fameux cours d’interprétariat sur les semestres 6 et 7. Le semestre 8 (second semestre de la quatrième année) étant consacré à la rédaction d’un mémoire de fin d’études en français portant sur différentes thématiques87. Lorsque j’aborderai la partie 3 je

ferai souvent référence aux promotions 2009 et 2010, celles avec lesquelles j’ai pu mener un projet sur mes 3 années de présence. Je synthétise dans le tableau ci-dessous le nombre d’apprenants et les années de promotion.

87

L’université des Minorités nationales étant spécialisée en littérature, les sujets de mémoire devaient porter sur la littérature ou la civilisation française. Pour ne citer qu’un exemple, j’ai supervisé un sujet portant sur l’utilisation des mythes dans la bande dessinée franco-belge comparée à la représentation des mythes dans les « manhua ». Même si le travail fourni fût très moyen, un sujet portant sur la bande dessinée et le « manhua » est extrêmement porteur et devient un riche objet de recherche universitaire.

Tableau 1 : Nombre d’apprenants par promotion

Promotion 2008 2009 2010 2011 2012

Nombres d’apprenants 24. 20 18 33 30

Etudiants issus des

minorités nationales88 10 5 8 7 n.c

1er année Mme Pinot Mme Pinot M Dubreuil M Dubreuil M Dubreuil

2e année Mme Pinot M Dubreuil M Dubreuil M Dubreuil

3e année M Dubreuil M Dubreuil M Dubreuil

4e année M Dubreuil M Dubreuil

Les apprenants des promotions 2008, 2009 et 2010 ont bénéficié d’un cours de traduction orale ou interprétariat en binôme. Dans celui-ci j’ai tenté de réinvestir les compétences acquises lors de mon parcours estudiantin et professoral en proposant notamment une approche actionnelle afin de répondre en partie aux objectifs de la mission.

3.3.3 Les objectifs de ma mission d’enseignant volontaire

En dehors des objectifs du volontariat, recruté comme enseignant de français, j’avais également une mission professionnelle à mettre en œuvre : enseigner à des apprenants chinois, les rendre actifs et favoriser leur autonomie afin qu’ils s’insèrent au mieux dans le monde professionnel. Concrètement, mes tâches consistaient à animer les cours :

 d’oral,

 de français du commerce,  « d’audition »,

 de recherches documentaires (appelé « informatique » dans le curriculum chinois),  de civilisation française,

 de littérature française (master),  d’expression écrite,

 de traduction orale en binôme avec un professeur chinois.

Cela représentait un volume officiel de face à face pédagogique de 14 heures. Dans la réalité, les cours duraient souvent une heure et demie car, tout comme le faisait Mme Pinot, je les prolongeais bénévolement et avais environ 21 heures de face à face pédagogique89.

88 Source : document officiel de recensement des nationalités des étudiants (non joint). La nationalité est en effet mentionnée sur la carte d’identité des résidents chinois.

89

Je supervisais également les étudiants de master, corrigeais les mémoires de Benke et aidais mes collègues dans leurs recherches. Ces activités professorales ne rentrent pas dans la présente analyse.

Bénéficiant des habitudes installées par Mme Pinot, je rencontrais chaque semaine Mme Huang Xiaoxuan (ancienne responsable du département de français de l’université des Minorités nationales du Guangxi en 2010) afin de planifier une progression commune des apprentissages. J’étais également chargé de concevoir une progression cohérente s’adaptant aux profils des apprenants en proposant aux enseignants différents supports (cours de lecture ou de presse). Je concevais également les sujets d’examens.

Comme je l’ai souligné précédemment, ma posture de volontaire impliquait d’autres missions. J’étais également chargé de rendre plus actifs et autonomes les étudiants/apprenants/citoyens du monde/acteurs sociaux. Le profil du poste précise :

Le candidat doit être capable de s’intégrer avec souplesse dans un contexte d’enseignement différent et faire preuve d’écoute et de diplomatie. Il doit respecter les règles du pays et les conditions de son contrat et s’abstenir de faire de la propagande religieuse, politique ou philosophique.

J’étais donc à la fois un enseignant pendant les face à face pédagogiques (les apprenants me vouvoyaient pendant ces heures) mais également un acteur social dans la mesure où j’étais un francophone totalement isolé90. Mon quotidien devenant alors sujet d’actes langagiers (là les apprenants devaient me tutoyer). J’avais donc une double casquette : l’enseignant/lecteur et le volontaire/ma personne. Profitant de cette « ubiquité dichotomique » je mettais à profit les différents cours, la collaboration entre enseignants et mes connexions avec le monde social pour façonner des activités langagières respectant le contexte d’apprentissage et « les règles du pays ». La prise en compte « des contextes » et les objectifs de ma mission (rendre actifs les apprenants) s’est traduit par la mise en place d’une approche actionnelle. Un cadre théorique détaillé pourra préciser davantage les attentes des didacticiens sur l’approche actionnelle et donc donner des clefs d’analyse affinées de ma pratique.

90

En dehors de mes contacts réguliers avec le consulat et les enseignants de Canton, je n’ai rencontré aucun occidental pendant 2 ans : les étudiants et mes collègues ont ainsi été mes uniques interlocuteurs.