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Exposition aux pesticides liés aux activités agricoles et incidence des hémopathies malignes de l’enfant

IV. C Comparaisons aux données de la littérature

Des études d’incidence trouvaient une association entre l’incidence des hémopathies malignes de l’enfant et la surface agricole totale, notamment l’étude texane de Carozza et al. de 2008, qui rapportait une association positive et statistiquement significative pour les LAL, les LAM, les LH et les LNH variant de 1,3 (LAL) à 2,1 (LNH et LH). L’étude de Booth et al. plus récente (2015) trouvait une association positive mais statistiquement non significative avec les LAL et n’étudiait pas les lymphomes. Ces études utilisaient le même type de données que notre étude, c'est-à-dire issues de recensements agricoles. Cependant les articles publiés n’étaient pas très précis sur la définition de ce qu’ils nommaient « total cropland ». Il n’est pas certain que cela corresponde tout à fait à notre définition de la Surface Agricole Utilisée, qui comprenait à la fois les terres arables (dont les jachères), les cultures permanentes, les surfaces toujours en herbe et les jardins familiaux des agriculteurs. Ainsi les comparaisons avec ces études

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sont complexes, même s’il est peu probable que la définition diffère grandement entre l’Europe et les Etats-Unis. Par ailleurs deux autres études américaines utilisant le même type de données ne retrouvaient pas d’associations avec un indicateur de « surface agricole totale » (Walker et al., 2007 ; Thompson et al, 2008).

Les études s’appuyant sur des données d’occupation des sols trouvaient également des résultats contrastés. Deux études notaient une association positive entre la surface agricole totale et certaines hémopathies malignes (Carozza et al., 2009 ; Gomez-Barroso et al., 2016), mais l’une des deux études ne présentait pas de résultat significatif (Carozza et al., 2009). La dernière étude sur ce type de données ne montrait pas d’association avec les LA (Malagoli et al., 2016) et n’étudiait pas d’autres types de cancers. Ces trois études manquaient par ailleurs de puissance statistique avec très peu de cas exposés pour certains sous-types de cancers. Même si ces données n’étaient pas de même nature que les données déclaratives des recensements agricoles, une étude (pas encore publiée) du département santé-environnement de Santé Publique France trouvait que globalement les données d’occupation des sols de Corine Land Cover (base utilisée par l’étude de Gomez- Barroso et al. en 2016) estimaient correctement le fait agricole dans son ensemble, en comparant les surfaces estimées avec la SAU totale issue des données du recensement agricole (De Crouy-Chanel et al., poster 2015). En revanche l’étude montrait que le

manque de précision de la base Corine Land Cover (25 hectares) pouvait aboutir à des surestimations ou sous-estimations lorsqu’on regardait l’activité agricole par groupe de cultures spécifiques.

Dans notre étude, nous ne trouvions pas d’association avec la vigne, l’arboriculture et les fourrages. Aucune étude d’incidence fondée sur les données de recensements agricoles n’étudiait l’exposition aux vignes ou à l’arboriculture. En revanche l’étude de Carozza et al. de 2008 trouvait des associations positives et statistiquement significatives entre la culture du maïs et l’incidence des LAM, des LH et des LNH, ainsi qu’entre la culture de l’avoine et l’incidence des LAL et des LNH. L’étude de Booth et al. n’étudiait pas les lymphomes mais trouvait une association entre l’incidence des LAM et la culture d’avoine. Il n’est pas aisé de nous comparer à ces études car nous n’avions pas les mêmes groupes de cultures. Dans notre base, la culture de maïs pouvait être tantôt classée dans la catégorie céréales, tantôt dans la catégorie fourrages, selon l’usage qui était fait de la production des parcelles.

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Les études utilisant les données d’occupation des sols et étudiant des cultures spécifiques trouvaient des résultats assez hétérogènes en se fondant sur des catégories de cultures très agrégées. L’étude espagnole de Gomez-Barroso et al. trouvait des associations entre « des cultures irriguées et des cultures hétérogènes » et l’incidence des hémopathies malignes. Ces nomenclatures de la base Corine Land Cover recouvrant des cultures très diverses, il était difficile d’interpréter ces résultats. Par ailleurs, l’étude espagnole ne trouvait pas d’association avec la catégorie « vignes », mais montrait une association entre la culture d’oliviers et l’incidence des LA. L’étude de Malagoli et al. qui portait uniquement sur les LA observait une association positive avec la proximité de terres arables mais statistiquement non significative.

Nous observions une incidence plus élevée de LH dans les cantons ayant une intense activité céréalière par rapport aux autres cantons. Comme cela a été souligné plus haut, il est difficile de comparer nos résultats avec l’étude de Carozza et al. de 2008, qui trouvait des associations positives et statistiquement significatives entre la culture du maïs et l’incidence des LH, car le maïs peut être classé en céréales ou en fourrages dans notre base.

Nous trouvions une association entre l’activité agricole en oléagineux et l’incidence des LAL et des lymphomes de Burkitt. L’étude de Carozza trouvait une association entre le soja et l’incidence des LAM, des LH et des LNH. Cependant, la culture de soja est minoritaire parmi les oléagineux en France par rapport à la culture du colza ou du tournesol. Les autres études ne trouvent pas d’association avec des cultures pouvant entrer dans la catégorie « oléagineux ».

Dans cette étude, une association inverse entre une activité intense maraîchère/en cultures industrielles et l’incidence des LNH sans les Burkitt a été mise en évidence. L’étude de Booth et al. trouvait une association positive et statistiquement significative entre l’incidence des LAL et la culture de betteraves sucrières ainsi que la culture d’haricots secs. Les autres études, d’incidence ou cas-témoins utilisant des données d’occupation des sols, ne trouvaient pas d’association avec ce type de cultures.

Ainsi, il était difficile de comparer nos résultats aux autres études du fait des différentes catégories de cultures considérées et du fort niveau d’agrégation des cultures dans notre étude. En outre, les différences entre pays en termes de pratiques culturales et

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de systèmes agricoles rendent les comparaisons délicates. IV.D Conclusions

Cette étude préliminaire mettait en évidence une association positive et statistiquement significative au niveau des cantons entre le pourcentage de la surface d’un canton consacré à la culture des oléagineux et l’incidence des LAL et des lymphomes de Burkitt, qui n’était pas modifiée après prise en compte de l’activité céréalière, mais semblait plus forte dans la deuxième période de l’étude (2002-2013). Les oléagineux regroupent principalement la culture du colza et du tournesol en France, même si d’autres oléagineux comme le soja sont également cultivés. Une incidence plus élevée de LH dans les cantons ayant une activité céréalière intense a été observée, cette association semblait stable dans le temps. L’association n’était plus statistiquement significative après ajustement sur les oléagineux, mais gardait le même ordre de grandeur.

Une association négative statistiquement significative était retrouvée entre l’incidence des LNH-sans Bu et l’activité maraîchère ainsi que l’activité de cultures industrielles, ces deux dernières catégories étant spatialement corrélées et contenant des cultures communes.

Ces résultats sont à approfondir avec des données plus détaillées du recensement agricole, et en ajustant sur d’autres facteurs contextuels. La construction de profils de pratique culturale sera également envisagée.

Par ailleurs la deuxième partie du projet GEOCAP-AGRI, fondée sur une étude cas-témoins individuelle sur l’ensemble de la population métropolitaine, qui combinera à la fois des données d’occupation des sols comme la base européenne Corine Land Cover, et la base du Registre Parcellaire Graphique et des données issues du recensement agricole, permettra de construire un indicateur plus local de la présence d’activité agricole. Cette étude mettra en parallèle de l’indicateur de proximité des cultures les adresses géolocalisées des cas et témoins du programme GEOCAP (un peu plus de 20 000 cas de cancers et 60 000 témoins entre 2002 et 2013).

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