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Le côte sénégalaise est l'une des zones les plus productives du monde en raison de la présence de remontées des eaux profondes (upwellings) riches en éléments nutritifs (Romeo et al., 1999). La région de Dakar, est située dans la zone des alizés de l’Afrique de l'Ouest, vents permanents qui soufflent de la terre vers la mer et qui poussent les eaux côtières de surface vers le large. Ce manque d'eau en surface est compensé par des eaux profondes qui remontent en créant un peu au nord de Dakar et en Mauritanie, un upwelling très puissant. Ces eaux remontées du fond de la mer sont plus froides que les eaux de surface et sont très riches en sels nutritifs assimilés par le phytoplancton qui est ensuite consommé par le second maillon de la chaîne alimentaire représenté par le zooplancton (comme par exemple les copépodes). Le zooplancton est ensuite lui-même mangé par les poissons. Les zones d'upwelling sont des zones de pêches formidables. Le noyau de l'upwelling de la côte nord-ouest de l'Afrique est situé à moins de 50 km de la côte de Mauritanie et s'étend au sud jusqu'au Nord du Sénégal. Même si l'industrialisation n'a pas atteint un niveau très élevé par rapport aux pays développés, la pollution côtière est un problème inévitable en particulier dans la péninsule de Dakar qui concentre plus de 80% des industries et plus de 25% de la population du pays. La concentration des activités industrielles et de la population sur le littoral de Dakar peut provoquer une dégradation de la qualité du milieu aquatique et engendrer des risques sanitaires chez les populations locales. En effet, la plupart des eaux usées domestiques et industrielles sont déversées directement dans la mer. Ces rejets anthropiques permanents contribuent à la dégradation environnementale et écologique des côtes de Dakar. Cependant, peu de données sur la qualité chimique des eaux et des organismes marins comestibles sont disponibles. Le manque de données relatives à la teneur en contaminants des eaux côtières du Sénégal demeure alors un problème préoccupant pour ces zones productives et soumises à des pressions anthropiques croissantes.

En coopération avec des collègues de l’Equipe FEBEPI du LOG-UMR 8187 et avec le Laboratoire de Toxicologie et d’Hydrologie de l’Université Cheikh Anta Diop (Dakar au Sénégal), les études sur les polluants organiques, tels que les PCB, les HAP et les Me-HAP présents dans les sédiments, sont effectuées dans trois sites le long de la côte de Dakar (Figure III-17). Le mercure total est aussi étudié afin de compléter les niveaux de contamination globale. Il s’agit de la première évaluation de la qualité du sédiment et des organismes représentatifs du réseau trophique local de Dakar. Les poissons et les invertébrés restent la principale source de protéines pour la population. Mais peu d’études se sont focalisées sur la

qualité de ces organismes comestibles. Pour pallier à ce manque de données, 62 micropolluants sont recherchés dans les sédiments, et dans les organismes comestibles à savoir : une espèce de macro-algues (Ulva lactura), deux espèces d’invertébrés (moules : Perna perna et crevettes : Penaeus kerathurus), et quatre espèces de poissons (rougets gris: Mugilcephalus, tilapia Sarotherodon melanotheron, poissons plats Soleasenegalensis et sardines Sardinella aurita). Ces deux invertébrés et ces quatre espèces de poissons ont été choisis parce qu'ils représentent une grande importance économique et écologique dans ces zones côtières.

Figure III-17: Les organismes étudiés et les trois sites d’études : (A) Soumbedioune : site dominé par des rejets d’eaux domestiques (zone urbaine) et rejets hospitaliers et automobiles, (B) Yarakh : site à proximité d’activités industrielles avec prédominance d’industries alimentaires, et (C) Rufisque : site à proximité de la SAR (Société de Raffinage Africaine et une cimenterie)

Les niveaux de contaminations de Σ16HAP, Σ18Me-HAP et les Σ28PCB mesurés dans les sédiments au long des côtes de Dakar étaient 197±240 µg/kg ps dans la gamme de 2-636, 11±8 dans la gamme de 3-31, et 58±81 µg/kg ps dans la gamme de 4-333 µg/kg ps, respectivement. Les concentrations individuelles des HAP et Me-PAH détectées à la station Soumbédioune étaient d’un ordre de grandeur plus faible par rapport à une étude précédente rapportée par Ndiaye et al. (2012). Les PCB ont été détectés également à une concentration inférieure. Cependant, il n'y a pas de données sur la contamination organique rapportée pour Yarakh et Rufisque. Parmi ces trois sites d'échantillonnage, Yarakh était le moins contaminé par les Σ16HAP (18 µg/kg ps) et les Σ28PCB (12 µg/kg ps). Le site Rufisque (site C) est le plus contaminé par les HAP et PCB ; les Σ16HAP et Σ28PCB y sont détectés à 420 et 127 µ g/kg ps respectivement (Figure III-18). Les concentrations de Σ16HAP et Σ28PCB mesurées à Rufisque étaient 23 fois et 11 fois supérieures à celles du site B (Yarakh) et étaient 2 et 4 fois plus élevées que celles détectées au site A (Soumbedioune). Les teneurs élevées de HAP et PCB détectées à Rufisque sont probablement dues à la proximité de la Société de Raffinage Africaine et de la cimenterie.

Figure III-18: Les concentrations moyennes de Σ16HAP, Σ18Me-HAP, les Σ28PCB, les PCBi, les PCB-DL et les mercures totaux dans les sédiments prélevés à Soumbedioune, Yarakh et Rufisque (n≥5) (Net et al., 2015b)

Soumbedioune Yarakh Rufisque

C

o

n

c

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n

tr

a

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n

(

µ

g

/k

g

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)

0 200 400 600 HAP-total Me-HAP-total PCB-total PCBi PCB-DL Hg-total

Soumbedioune Yarakh Rufisque

0 20 40 60

Les risques écotoxicologiques liés à ces micropolluants organiques sont évalués et basés sur différentes approches, le détail des informations est disponible dans Net et al. (2015b). Les résultats montrent que les sédiments côtiers de Dakar ont des effets biologiques indésirables peu probables sur les écosystèmes aquatiques. Globalement, malgré une forte influence des activités urbaines et industrielles le long du littoral de Dakar, la contamination des sédiments par les HAP, Me-HAP et les PCB a été détectée à des niveaux modérés. Ceci est probablement dû à de forts niveaux de marées qui renouvellent rapidement les masses d’eau sur la côte et en conséquence, les processus de sédimentation ne sont pas favorisés. En effet, le littoral autour de Dakar est appelé microtidal, l'amplitude des marées varie entre 0,5 m (période de morte eau) et 1,6 m (lors des vives eaux ou grandes marées) (Ruffman et al., 1977). Cela suggère que les rejets urbains et industriels du littoral pourraient être alors rapidement dilués ou transportés vers le large.

Les concentrations de ces 62 polluants organiques quantifiées dans les organismes comestibles permettent d’estimer les risques pour la santé publique. La législation de l'Union Européenne a établi des niveaux maximaux autorisés dans les produits aquatiques pour différents composés toxiques, dont certains HAP, PCB et mercure. Les concentrations de HAP, PCB et de mercure obtenues en µ g/kg ps (poids sec) sont convertis en µg/kg de poids humide afin de les comparer avec les valeurs guides. Selon la pesée de masse avant et après séchage, les facteurs suivants ont été appliqués pour obtenir les concentrations en poids humide: 0,23 pour le muscle de Mugilcephalus, Sarotherodon melanotheron, Solea senegalensis et les tissus comestibles de Perna perna, 0,30 pour le muscle de Sardinella aurita et 0,26 pour Penaeus kerathurus. Les teneurs mesurées comparées aux valeurs limites sont présentées dans le tableau III-1 ci-dessous. Les informations détaillées sont disponibles dans Net et al. (2015b). Pour toutes les espèces, les concentrations de mercure et de PCB ne montrent pas de concentrations dépassant les limites fixées par l'Union Européenne. En ce qui concerne les HAP, les valeurs limites proposées concernent les poissons et crustacés fumés (Journal Officiel de l'Union européenne, 2011). Aucune norme sur les poissons frais n’a été fixée pour les HAP. Dans notre étude, le niveau limite (30 µg/kg de poids humide) n’a été dépassé que dans un échantillon de sardine avec une concentration de tissu musculaire de 34 µg/kg de poids humide. En ce qui concerne les PCB, les HAP et le mercure, sur la base de la législation européenne, les espèces étudiées présentent de bonnes qualités pour la consommation.

Compounds Maximum admissible content (µg/kg wet weight)

Mussel Fish Crustacean Reference

BaP, BaA, BbF, Chr 30 30* 30* UE N° 835/2011 3.4-20 (8) 0.2-4.3 (1.1)1 8 – 34(19)2 3.2-18 (10.1)3 1.8-3.2 (2.7)4 8-12 (10) This work PCB: 28, 52, 101, 138, 153, 180 75 75 75 UE N° 1259/2011 0.7-12 (6) <LOQ-12 (5)1 <LOQ2 7-10 (8.5)3 <LOQ-27 (6)4

<LOQ This work

Total mercury 100-500 500-1000 100-500 UE N° 466/2001/2006 9-17 (12) 3-101 (34)1 11-38 (21)2 9-30 (22)3 4-18 (7)4 7-12 (9) This work

* produits fumés; 1sole; 2sardine; 3tilapia; 4mullet

Table III-1: Σ4PAHs, Σ6PCBs et le mercure total mesurés dans ce travail (valeur minimale-maximale et la valeur moyenne dans les parenthèses) comparées aux valeurs minimale-maximales admises (Net et al., 2015b).

Même si les résultats montrent que l'impact de ce type de pollution en zone côtière de Dakar est modéré, il est urgent d'adopter des stratégies adéquates de contrôle de la pollution dans cette zone avant que le problème ne devienne irréversible étant donné la forte densité de population et les rejets permanents des effluents urbains et industriels, dans la plupart des cas sans traitement approprié. En effet, la plupart des eaux usées urbaines et industrielles sont rejetées directement dans le littoral et peuvent conduire à une dégradation environnementale et écologique importante des zones côtières. De plus, la marée est relativement importante sur ces côtes conduisant aux transports importants de polluants vers le large. Une attention particulière doit être portée aux niveaux des produits chimiques dans les organismes marins comestibles consommés par la population locale. Les poissons et les invertébrés marins sont la principale source de protéines pour la population de Dakar. Même si les résultats montrent que l’accumulation en PCB, HAP et en mercure dans ces espèces comestibles marines, ne dépassent pas les seuils admissibles, étant donné le peu de données disponibles sur un sujet si important, il est souhaitable de mener davantage d’études avant de conclure définitivement.