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La céramique issue des fosses d’habitat

Dans le document Les enceintes néolithiques à pseudo-fossé (Page 89-101)

quarante-trois structures (dont deux probablement protohistoriques) ont livré de la céramique pouvant être attribuée à la seconde moitié du Néolithique moyen (Bischheim et Bruebach-Oberbergen). Il s’agit le plus souvent d’ensembles très modestes, comptant tout juste suffisamment d’éléments pour permettre une attribution large à la période.

La céramique décorée compte 56 individus, répartis dans 26 structures. Il s’agit malheureusement le plus souvent de petits fragments laissant ignorer la struc- ture des décors.

La céramique lisse est assez mal représentée avec une quinzaine de formes iden- tifiées seulement. Il s’agit de bouteilles (fig. 54, n° 4), d’écuelles basses à bord encoché (fig. 55, n° 4), de vases à profil sinueux (fig. 56, n° 5) et de gobelets affectant la même forme que les individus décorés (fig. 57, n° 7). Le corpus de comparaison est peu étoffé avec une petite trentaine de vases exploitables pour tout le Bischheim rhénan. Les vases à panse globulaire, épaulement et col évasé (Jeunesse et al. 2004, fig. 62, n° 5 ; fig. 64, n° 12 ; fig. 65, n° 6 ; fig. 75, n° 7 ; fig. 77, n° 1, 7) sont assez fréquents. Les lèvres sont le plus souvent enco- chées ; leurs formes évoquent celles des récipients portant des décors réduits. Le fond de ces vases à profil en S peut être arrondi, mais également formé par une base plate à ressaut (fig. 57, n° 11 ; Jeunesse et al. 2004, fig. 77, n° 1). Les bou- teilles, attestées à cinq reprises dans les fosses d’habitat de Duntzenheim, sou- vent limitées au seul col, sont plutôt rares. Le seul exemplaire complet connu, celui de Hüde Dümmer, en Basse-Saxe (Jeunesse et al. 2004, fig. 80, n° 3), est la réplique presque parfaite de l’exemplaire de la fosse 3104 (fig. 54, n° 4) de Duntzenheim. Les écuelles basses à bord encoché, rencontrées dans quatre ensembles de Duntzenheim, ont été recensées à urmitz et Schwalheim (ibid., fig. 72, n° 1 ; fig. 78, n° 19-20).

Les formes décorées mises au jour à Duntzenheim sont des Kugelbecher à panse globulaire ou ovoïde et fond arrondi. Deux grands types doivent être distin- gués : le premier rassemble les gobelets, souvent de petite taille, présentant une panse globulaire et un col haut subvertical ou très légèrement évasé (fig. 56, n° 1 et 3). La hauteur de ce dernier confère aux gobelets une allure plus ou moins élancée. La seconde catégorie regroupe les individus offrant des formes plus écrasées et des cols davantage ouverts (fig. 58, n° 9). Il s’agit également souvent de récipients de taille un peu plus importante.

Les décors Bischheim rhénan et Bruebach-Oberbergen s’organisent sur trois registres distincts :

– le registre médian, constitué par une bande horizontale, se développe sur l’épaule du récipient ;

– le registre inférieur constitué d’éléments accrochés sous la bande et se répétant sur toute la circonférence de la panse ;

– le registre supérieur, constitué de segments verticaux posés sur le décor du registre médian.

Les vases portant des décors réduits, très fréquents à Duntzenheim (fig. 54, n° 9 ; fig. 57, n° 4 ; fig. 58, n° 5) se caractérisent par un registre médian inva- riablement constitué par une bande horizontale étroite composée de rangées d’impressions réalisées au poinçon simple, au peigne à deux dents, ou encore à l’aide d’une spatule. Ce décor est éventuellement complété par des segments verticaux accrochés (registre inférieur) ou posés (registre supérieur) sur la bande horizontale. Ces segments sont le plus souvent disposés de part et d’autre des boutons (simples, géminés ou triples), qui interrompent régulièrement le registre médian (fig. 58, n° 5 ; fig. 59, n° 4).

On note également à Duntzenheim un décor réduit original composé par une frise horizontale continue de boutons disposés au niveau du plus grand diamètre de la panse (fig. 56, n° 6). Ce décor, issu d’un ensemble Bruebach, trouve un parallèle en milieu Bischheim à urmitz (Jeunesse et al. 2004, fig. 71, n° 16). Paarmi les motifs recensés à Duntzenheim (fig. 60), les ensembles attribués au Bischheim rhénan sont les plus nombreux. Les techniques décoratives font appel à l’impression séparée réalisée à l’aide d’un poinçon simple ou d’un peigne à deux dents mal séparées (Doppelstich) et, de manière beaucoup plus intensive, aux impressions réalisées selon la technique du pointillé-sillonné et impliquant des poinçons simples, des peignes à deux dents et, pour les décors réduits déjà évoqués, des spatules. Aux côtés des vases à décor réduit qui constituent la plus grande part du corpus, apparaissent quelques décors plus complexes que l’on qualifie de « décors évolués ».

Les frises de triangles suspendus remplis de lignes obliques, thème caracté- ristique du Bischheim, apparaissent dans trois ensembles. Dans deux cas, ces triangles sont accrochés à une bande composée de lignes horizontales pointillées- sillonnées alternant avec des rangées, continues ou interrompues, d’impressions ovales (fig. 56, n° 1 ; fig. 58, n° 3). Le vase de la fosse 3142 (fig. 58, n° 9) porte un décor minimaliste, réduit à des triangles espacés, accrochés à une bande composée de deux lignes incisées ; on peut le rapprocher d’un décor observé à Sierentz (Jeunesse et al. 2004, fig. 59, n° 8).

Le décor en panneau de la structure 3134 (fig. 58, n° 3) est, sauf erreur, iné- dit dans le corpus Bischheim rhénan : il s’agit d’un décor du registre inférieur, associé à des triangles suspendus et composé d’au moins quatre lignes verticales alternant avec des rangées d’impressions ; ce panneau évoque un peu certains décors BORS (Jeunesse et al. 2004, fig. 30, n° 6), mais la bande qui compose le registre médian est tout à fait caractéristique du Bischheim.

Le Kugelbecher de la fosse 3150 mérite que l’on s’y arrête un instant (fig. 55, n° 7) : le registre médian, composé d’un ruban horizontal rempli d’une rangée interrompue d’impressions, est une figure assez fréquente (ibid., fig. 64, n° 6 et 11 ; fig. 66, n° 3), ce qui n’est pas le cas du motif du registre inférieur où l’on peut reconnaître de longs panneaux verticaux tirant un peu vers le triangle. Nous connaissons deux exemples seulement de triangles très étirés remplis de rangées horizontales d’impressions, à Monsheim (ibid., fig. 70, n° 1) et urmitz (ibid., fig. 71, n° 15), en Rhénanie-Palatinat. La même région a par ailleurs livré

plusieurs décors de panneaux étroits, également remplis de rangées horizontales d’impressions, à Insheim (ibid., fig. 64, n° 3), Monsheim (ibid., fig. 70, n° 13) et Berghausen (ibid., fig. 58, n° 1). Ces données sont sans doute insuffisantes pour identifier ici une production du Palatinat (d’autant que ces panneaux sont également connus en contexte Bischheim occidental, notamment à Berry-au- Bac ; Dubouloz et al. 1984), mais l’originalité de ce motif au sein du corpus alsacien devait être soulignée. Il n’est pas exclu bien sûr que Duntzenheim entre- tienne des relations avec les groupes du Palatinat voisin, groupes dont l’aire d’extension méridonale –nous le verrons en étudiant le site de Schwindratzheim – atteint peut-être la rive nord de la Zorn : un autre décor, dont la répartition était jusqu’ici limitée à la Rhénanie-Palatinat (Bischheim, Kärlich, urmitz) et à la Wetterau (Schwalheim) (Jeunesse et al. 2004, carte fig. 56), fait en effet une discrète apparition à Duntzenheim : il s’agit du segment vertical occupant le registre supérieur sur le vase à décor réduit de la fosse 3134 (fig. 58, n° 5). Les décors composés de frises superposées de triangles disposés en quinconce, observés à deux reprises à Duntzenheim (fig. 54, n° 5-6 ; fig. 61, n° 1), sont raris- simes en contexte Bischheim rhénan : on ne connaît que deux vases portant ce motif, à Niederamstadt en Hesse (ibid., fig. 81) et à Christnach, au Luxembourg (ibid., fig. 72, n° 6). Sur le récipient de Niederamstadt, de grande taille, on note deux frises de triangles séparées par des rangées horizontales d’impressions ; ce décor, qui occupe le registre médian, est complété par des segments verticaux. à Christnach, les triangles superposés, qui apparaissent également sur un grand récipient, participent d’un décor complexe faisant appel à d’autres motifs. Dans les deux cas, on le voit, il ne s’agit pas de décors uniquement composés par des damiers de triangles, mais de constructions élaborées où les frises superposées – limitées à deux – ne sont qu’un des éléments du décor. Les deux tessons de la fosse 3107 appartiennent probablement à un vase portant ce type de décor : on y observe bien deux frises superposées de triangles, mais également une frise pro- bablement composée par des couples de segments obliques affrontés (exemple à Gatersleben, tombe 3, ibid., fig. 83, n° 1).

Le vase de la structure 1014 (fig. 61, n° 1) offre un intérêt particulier : il s’agit d’un gobelet à panse ovoïde et col évasé, portant un décor composé de trois frises superposées de triangles disposés en damier ; ce décor occupe toute la panse du récipient et n’est associé à aucun autre motif. Ce thème est, jusqu’ici, étranger au répertoire du Bischheim rhénan. On pourrait proposer d’identifier ici un vase BORS, groupe où les damiers de triangles sont bien attestés, tout en faisant remarquer qu’à de très rares exceptions près (Schmitt 1974), il s’agit de frises de triangles debout et que ces dernières apparaissent toujours sur des récipients de grande taille et, de surcroît, invariablement associées à d’autres motifs. L’attribution de ce vase au style du Bischheim occidental tel qu’il appa- raît dans le Bassin parisien nous paraît être une bonne alternative (Lefranc et al. 2012b). Les damiers de triangles qui apparaissent à Berry-au-Bac (Dubouloz 1991), Givry (Michel, Tabary-Picavet 1979), à Chassey-le-Camp (Thevenot 2005) et à Koslar en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Lüning 1979) possèdent, comme quelques autres motifs du Bischheim occidental, leurs pendants incisés ou gravés en milieu chasséen et leur introduction dans le répertoire Bischheim du Bassin parisien peut être mise à l’actif d’un processus de métissage entre les deux entités ; la belle série Bischheim occidental de Chassey, en Saône-et-Loire, témoigne assez bien de ces interactions. quant à l’ensemble de Koslar 10, il s’agit d’un assemblage de trois composantes occidentales – Chasséen, Bischheim et Noyen/MK0 – qui annonce l’expansion à venir du Michelsberg I en Rhénanie, puis dans le sud de la plaine du Rhin (Jeunesse et al. 2004).

à Duntzenheim, il est impossible de décider s’il s’agit une importation occi- dentale en milieu indigène Bruebach ancien ou d’un mobilier attribuable à une discrète occupation BORS ancien succédant à l’horizon Bruebach ; néanmoins, la récente découverte d’un bel ensemble mixte Bruebach ancien/Bischheim occi- dental sur le site de Rosheim « Rittergass » (Lefranc et al. 2012b) nous autorise à considérer comme plausible la première proposition.

Le groupe de Bruebach-Oberbergen est représenté par le mobilier issu de quatre structures (st. 1021, 3131, 3175 et 3176). Les décors recensés n’apportent rien de nouveau à notre connaissance du style céramique de ce groupe épiroessé- nien : on retrouve à Duntzenheim les caractères les plus saillants du style dont le principal est l’exécution du registre médian à l’aide d’une spatule utilisée selon la technique de l’impression pointillée-sillonnée. Cette bande spatulée est presque systématiquement renforcée, vers le bas, d’un nombre variable de rangées d’impressions et, vers le haut, de très caractéristiques impressions ovales (fig. 56, n° 3 ; fig. 59, n° 10 et 13). Ce registre médian est complété – bien que cela n’appa raisse pas sur tous nos exemplaires, très fragmentés – par des segments verticaux se développant sur la panse et/ou sur le col du gobelet. Deux individus issus de la fosse 3175 et le microvase de facture grossière de la fosse 3176 (fig. 59, n° 10 et 21) illustrent ce thème. On pourra les comparer, pour la structure du décor, avec les exemplaires de Sasbach (Dehn, Dieckmann 1985), Oberrotweil (Gallay 1970), Achenheim (Jeunesse et al. 1998), Rosheim « Rosenmeer » (ibid.), Wittenheim « Rue de la Forêt » (Lefranc et al. 1997), Ensisheim THK (Lefranc, Jeunesse 2001), Schwiebberdingen (Jeunesse et al. 2004) ou encore Schötz (ibid.).

Parmi les autres décors, on note un triangle suspendu à une bande spatulée (fig. 59, n° 13), motif Bischheim toujours présent (par exemple à Rosheim « Rosenmeer », Jeunesse et al. 1998) et un motif de large panneau (fig. 56, n° 9), thème également Bischheim (Jeunesse et al. 2004, fig. 66, n° 16 ; fig. 70, n° 14 et carte fig. 55) qui apparaît encore en contexte Bruebach ancien (Jeunesse et al. 1998).

Pour ce qui est des techniques décoratives, on note pour trois individus l’emploi de peignes à deux et à trois dents. L’emploi du peigne à deux dents est fréquent au Bruebach-Oberbergen ancien ; le peigne à trois dents est un peu plus rare, mais cependant bien attesté. On notera au passage que l’un des décors réalisés au peigne est un décor interne (fig. 56, n° 10).

L’apparition du peigne à quatre dents et la généralisation du peigne à trois dents marquent l’étape récente du Bruebach-Oberbergen. Les ensembles attribués à cet horizon, contemporains du BORS de Basse-Alsace, ne sont aujourd’hui connus que dans la région du Sundgau, à Bruebach Rixheimerboden (Voegtlin et al. 1990), Balschwiller Heckenfeld et Burnhaupt-le-Bas Spechbachstraeng (Jeunesse 1994).

Les ensembles de Duntzenheim, marqués par des réminiscences Bischheim et par l’absence de peignes à plus de trois dents, doivent être attribués, comme tous les ensembles de Basse-Alsace, au Bruebach-Oberbergen ancien.

st. 3100a st. 3100c st. 3104 st. 3107 8 9 1 2 3 4 5 6 7 0 5 cm

st. 3100a st. 3100c st. 3104 st. 3107 8 9 1 2 3 4 5 6 7 0 5 cm

st. 3144 st. 3148 st. 3150 1 2 3 4 5 6 7 0 5 cm

st. 3126 st. 3131 8 9 10 11 1 2 3 4 5 6 7 0 5 cm

st. 3113 st. 3120 st. 3122 8 9 10 11 1 2 3 4 5 6 7 st. 3118 0 5 cm

st. 3137 st. 3138 st. 3142 8 9 1 2 3 4 5 6 7 st. 3134 0 5 cm

st. 3147 st. 3175 st. 3176 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 0 5 cm

Fig. 60 : Duntzenheim « Frauenabwand » : typologie des décors. © P. Lefranc, Inrap.

Bischheim rhénan

Bruebach-Oberbergen

registre médian registre inférieur

registre médian registres inférieur et supérieur

1 2 3 4 5 6 7 8 9 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 1 2 3 4 5 1 2 registre supérieur

8 9 1 2 3 4 5 6 7 st. 1021 st. 1014 st. 1018 st. 1016 0 5 cm

Dans le document Les enceintes néolithiques à pseudo-fossé (Page 89-101)