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Le bruit ambiant sous-marin est le bruit persistant caractéristique d’un endroit donné dans l’océan. Il est le résultat d’une superposition de différentes sources sonores venant de différentes directions à différentes amplitudes et contenus fréquentiels. Les sources composant le bruit ambiant incluent, par exemple, le bruit généré par la pluie ou celui généré par les vagues et les sons émis par les animaux marins. Il exclut les bruits occasion-nels qui peuvent être considérés comme des interférences comme le passage de bateaux proches de la zone de mesure. Par contre, le bruit émis par plusieurs navires localisés à différents endroits dans l’océan est parti intégrante du bruit ambiant sous-marin.

Ce n’est qu’au début de la deuxième guerre mondiale que les scientifiques se sont intéres-sés à l’étude et à la mesure du bruit ambiant sous-marin. Pendant cette guerre des mines acoustiques ont été mises au point et une connaissance précise des niveaux sonores du bruit ambiant a été nécessaire pour fixer les niveaux seuils pour leur déclenchement. En 1962, Wenz contribue de manière significative à la caractérisation du bruit ambiant sous-marin. Il traite différents enregistrements et discute de l’origine des sources constituant le bruit de fond. La figure 2.4 (Tasker et al.,2010) donne un résumé des résultats et conclusions formulés par Wenz (1962) sous forme spectrale incluant les niveaux sonores et les sources composant le bruit ambiant en eau profonde.

Dans le but de bien expliquer les différentes sources qui caractérisent le bruit ambiant sous-marin, la courbe de Wenz (1962) peut être divisée en 4 bandes spectrales bien distinctes (1-10 Hz, 10-100 Hz, 0,1-20 kHz, > 20 kHz). En général, les sons de basses fréquences ont le potentiel de se propager sur de longues distances de la source (voir Section 2.1.3 pour plus d’informations). Par conséquent, le bruit ambiant dans cette bande spectrale est le résultat de la sommation des bruits à basses fréquences à travers une large zone océanique. À l’inverse, les sources de hautes fréquences ne contribuent au bruit ambiant que sur des zones très limitées en raison de leur plus grande atténuation. Dans les eaux profondes le bruit ambiant sous-marin dans la bande spectrale comprise entre 1 et 10 Hz est principalement dû à la turbulence océanique et aux perturbations sismiques (Hildebrand,2009). Entre 10 et 100 Hz, cette bande spectrale est principa-lement caractérisée par le bruit émis par le trafic maritime lointain (Urick,1984) avec sa plus grande contribution entre 20 et 80 Hz. Le niveau du bruit ambiant est plus élevé dans les régions à fort trafic maritime. Par contre, à l’hémisphère sud, où il y a généra-lement moins de navires les niveaux du bruit ambiant sont inférieurs d’au moins 20 dB (Cato,1976). Le bruit dans cette bande spectrale devient dépendant de la vitesse du vent dans les régions éloignées des voies maritimes. En plus du trafic maritime, des activités anthropiques tels que l’exploration sismique peuvent augmenter le bruit ambiant d’une dizaine de dB (Shooter et al., 1982). Toutefois, le caractère impulsif du bruit généré fait que son apport au niveau sonore du bruit ambiant est limité dans le temps. D’un autre côté, le son généré par les animaux marins peut être une composante importante du

CHAPITRE 2. ÉTAT DE L’ART

Figure 2.4 – Spectre du bruit ambiant caractérisé par la présence de diverses sources sonores (Tasker et al.,2010; Wenz,1962).

bruit ambiant dans certaines régions de l’océan. Plusieurs animaux marins sont connus pour leur capacité à produire du son qui peut couvrir une large bande spectrale allant de quelques hertz à des centaines de kilohertz. Le son émis est généralement de courte durée sous forme de pulsations sonores mais souvent répétés dans le temps. Par exemple, les poissons produisent du son à basses fréquences de différentes manières (stridulation, utilisation des muscles au niveau de la vessie natatoire) avec une énergie sonore maximale comprise dans une gamme de fréquence entre 50 et 2 000 Hz (Zelick et al.,1999). En groupe, les poissons peuvent augmenter le bruit ambient de 20 dB dans la bande spectrale entre 10 et 100 Hz à certaines heures de la journée et périodes de l’année (Holt,2002).

Entre 100 Hz et 20 kHz, le bruit ambiant dépend de la vitesse du vent et de l’état de la mer (Urick,1984). Les processus physiques à l’origine de cette dépendance ont été moins étudiés mais on pense que le bruit d’écoulement causé par le vent au niveau de la surface, les vagues et la formation des bulles contribuent au bruit résultant. Par exemple, les vagues au niveau de la zone intertidale peuvent élever le niveau du bruit ambiant de plus de 20 dB à quelques mètres de la zone de déferlement (Wilson Jr et al.,1985). Les précipitations peuvent élever le niveau sonore du bruit ambiant dans une gamme de fréquence comprise entre 500 Hz et 15 kHz (Nystuen et Farmer,1987). Généré dans l’atmosphère, le tonnerre transmet aussi du son dans l’eau sous forme d’impulsion d’énergie concentrée dans les basses fréquences. Des mesures dans l’océan d’un son produit par un tonnerre généré à une distance de 5 à 10 km de l’hydrophone montrent une augmentation de 15 dB par rapport au bruit ambiant dans une gamme de fréquences comprise entre 50 et 250 Hz (Dubrovskiy et Kosterin,1993). Dans des conditions favorables de propagation, cette énergie produite par le tonnerre peut se propager sur de longues distances dans l’océan.

Les bruits anthropiques peuvent avoir un effet local sur le bruit ambiant en raison de leur forte atténuation dans cette bande spectrale. Les sonars génèrent une puissance acoustique significative qui peut atteindre les 235 dB re 1µPa (Hildebrand, 2009). Le bruit généré par les petits bateaux (bateaux de pêche, bateaux de plaisance) peut constituer quant à lui une composante importante et continue du bruit de fond dans certaines régions côtières (Hildebrand,2009). Dans d’autres régions, le bruit généré par les crevettes pistolets vivant en colonies peut dominer et augmenter de 20 dB le bruit ambiant. Ces crevettes sont connues pour leur capacité à produire un puissant jet d’eau avec une énergie acoustique avoisinant les 190 dB re 1µPa (Au et Banks,1998).

Au-dessus de 20 kHz, le bruit thermique généré par le mouvement aléatoire des molécules d’eau contribue de manière significative au bruit ambiant sous-marin (Mellen,1952).

Variabilité du bruit ambiant. Dans la zone intertidale où les huîtres sont

particulière-ment présentes, le bruit ambiant est 5 dB plus élevé qu’en pleine mer (Wenz,1961). Le bruit généré par le vent domine le bruit ambiant sur toute la bande spectrale en l’absence du trafic maritime local. Le trafic maritime lointain ne contribue pas au bruit ambiant en raison de la forte atténuation des ondes acoustiques due aux interactions avec le fond marin. Toutefois, dans les zones avec un trafic maritime dense à très dense, comme dans les ports et les voies d’arrivée et de sortie des ports, le bruit des navires domine toujours dans la gamme des basses fréquences (Browning et al.,1982).

Le niveau sonore du bruit ambiant dans l’océan est variable dans l’espace et dans le temps. Ces changements peuvent être de courtes durées comme ceux induits par les vagues déferlantes ou de longues durées comme ceux causés par les changements climatiques ou les activités humaines. Dans la zone intertidale, ces changements sont plus prononcés étant donné l’activité plus dense et intense dans les eaux proches des côtes. Le bruit

CHAPITRE 2. ÉTAT DE L’ART

ambiant en zone intertidale peut avoir des caractéristiques sonores et une variabilité bien différente que dans les eaux profondes. Wenz (1961) a observé une variabilité diurne du niveau sonore de 1 à 5 dB entre 45 et 900 m. Des variations des niveaux sonores ont également été observées suivant les saisons en fonction de l’activité de la faune présente. On peut penser que ces changements et variations sonores pourrait être un déclencheur de certaines activités physiologiques chez les animaux vivant dans la zone intertidale.