• Aucun résultat trouvé

Brosses de polymères neutres

L’étude des chaînes greffées à une surface est un sujet d’intérêt croissant. Les brosses de polymères sont constituées de chaînes greffées à une surface par une de leur extrémité. Le greffage peut être réversible ou permanent et peut adopter de nombreuses géométries en fonction de la nature de la surface. Notre étude se limitera à la description d’un système où un nombre Np de chaînes de polymères composées

de N monomères sont greffées irréversiblement à une surface plane.

Le paramètre caractéristique d’une brosse de polymères est la densité de greffage ρa, qui est l’inverse de la surface moyenne disponible pour chaque chaîne. Lorsque

cette densité est faible, les chaînes sont assez éloignées les unes des autres pour qu’elles n’interagissent pas entre elles. Les chaînes sont alors dans un régime dit champignon (figure 2.2 a). Lorsque la densité de greffage ρadevient supérieure à une

densité limite ρ∗a, les chaînes commencent à interagir entre elles et les chaînes s’orga- nisent en brosses (figure 2.2 b) en raison des forces de répulsions entre les monomères. La densité de greffage limite ρ∗aest égale à R−2 avec R la distance bout-à-bout de la chaîne de polymères en l’absence de solvant. Pour une chaîne dans un bon solvant, la distance bout-à-bout de la chaîne suit la prédiction de Flory [44] et R ∼ bN3/5 avec N le nombre de monomères et b la distance moyenne entre deux monomères reliés. Dans ces conditions, la densité de greffage limite est donnée par ρ∗a∼ b−2N−6/5, et les chaînes vont s’étendre afin de limiter les interactions stériques entre les monomères. La structure est caractérisée par sa hauteur verticale h qui correspond à l’épaisseur de la brosse de polymères. La hauteur h est généralement largement supérieure au rayon R de la chaîne non perturbée [59].

2.2.1 Lois d’échelle

L’épaisseur d’une brosse de polymères neutres (figure 2.3 a) évolue linéairement avec le nombre de monomères N . Ce comportement est très différent de celui d’une chaîne de polymères libre dans un bon solvant. Comme nous l’avons vu précédem- ment, la distance entre les extrémités d’une telle chaîne évolue proportionnellement à N3/5. Pour les polymères neutres, les lois d’échelle permettant de relier la densité de greffage et la nature du polymère avec l’épaisseur de la brosse ont été mises au point par Alexander [8] et de Gennes [59, 60].

Figure 2.2 –Différentes conformations de chaînes de polymères greffées à une surface par une extrémité. (a) conformation en champignon (ρ−1/2a > R) et (b) conformation en brosse

(ρ−1/2a < R).

La contribution principale de l’énergie libre d’un polymère est due à la réponse élastique de la chaîne, cette perte d’énergie libre s’exprime par

Fe'

ρah2

N b2, (2.23)

où ρa est la densité de greffage du polymère sur la surface, h la hauteur de la brosse et b la distance entre deux monomères reliés. La seconde contribution de l’énergie libre est quant à elle due aux répulsions stériques entre les monomères. Cette contribution est donnée par

Fv2 ' v2h

 ρaN

h 2

, (2.24)

où v2est le deuxième coefficient du viriel. L’énergie libre totale est donc la somme de ces deux contributions, l’une attractive (équation (2.23)) et l’autre répulsive (équa- tion (2.24)) :

Figure 2.3 –Représentation schématique des différents systèmes de brosses de polymères étudiés en présence de solvant : (a) brosse de polymères neutres, (b) brosse de polyélectro- lytes, (c) brosse de polyélectrolytes en présence de sel et (d) brosses de polyélectrolytes en interaction.

F = Fe+ Fv2. (2.25)

La pression partielle étant donnée par la relation π = −(∂F/∂h)T ,N, les deux

composantes de cette pression sont donc :

πe' − ρah N b2, (2.26) πv2 ' v2  ρaN h 2 . (2.27)

Sachant que la minimisation de F implique πe = −πv2, la hauteur de la brosse

peut alors s’écrire

h ' N b ρav2

b 1/3

. (2.28)

Cette relation linéaire par rapport au nombre de monomères N traduit la forte élongation des chaînes de polymères. Lorsque la densité de greffage devient trop faible, c’est-à-dire lorsque ρa < ρ∗a ' b−2N−6/5, la hauteur devient proportionnelle

à N3/5. En effet, les chaînes adoptent alors une conformation très proche de celle d’une chaîne idéale dans un bon solvant.

La relation (2.28) est en accord avec les travaux de de Gennes [59] qui considère la chaîne de polymères comme une succession de billes de monomères. La relation proposée par de Gennes est la suivante

h ' N ρ(1−ν)/2νa (2.29)

avec ν l’exposant introduit par Flory [44].

Ces approches permettant d’estimer la hauteur d’une brosse de polymères sup- posent que toutes les chaînes de polymères adoptent la même conformation avec le même étirement. Cependant, les résultats de nombreux travaux démontrent que le profil de densité des chaînes de polymères décroît de façon plus ou moins nette de la surface à l’extrémité des brosses de polymères. Il n’empêche que les comportements prédits par ces lois ont été largement vérifiés par des résultats expérimentaux [10], des modèles plus complexes [61] ou des simulations [18, 62].

2.2.2 Interaction entre deux brosses

La stabilisation de particules colloïdales contre la floculation [4, 5, 63, 64] en solution est généralement rendue possible lorsque deux brosses de polymères entrent en contact, ce qui explique l’intérêt porté aux brosses en interaction. En effet, cette stabilisation stérique est obtenue par l’adsorption forte de polymères sur les parti- cules colloïdales. Dans le processus qui gouverne l’adsorption, la chimie du polymère peut se révéler importante pour étudier les propriétés dispersantes d’une huile de lubrification et par conséquent améliorer les processus de récupération.

De nombreux travaux expérimentaux se sont concentrés sur la mesure de la force de surface entre deux brosses en interaction [10, 11, 65]. Le comportement des brosses de polymères a également été caractérisé par le biais de lois d’échelle [8, 66] et de théories basées sur une approximation de champ autocohérent (SCF de l’anglais self-consistent field ) [67, 68]. Ces modèles permettent de prédire la configuration des chaînes de polymères ainsi que les profils de forces de brosses comprimées. Ces prédictions sont généralement en très bon accord avec les résultats expérimentaux obtenus avec des dispositifs à force de surface [65].

Une question très importante dans l’étude de ces systèmes est la caractérisation de l’interpénétration des chaînes de polymères des deux brosses. Les lois d’échelle et les théories basées sur des approximations de champ autocohérent supposent que cette interpénétration n’existe pas. Cette question a été résolue en partie grâce à la simulation moléculaire [62], conduisant à l’établissement d’une loi d’échelle reliant l’interpénétration à la compression du système. L’utilisation de la méthode de dy- namique des particules dissipatives a également permis de mettre en évidence que l’interpénétration était, pour une distance de séparation donnée, fonction de la den- sité de greffage ρa [28].

L’étude de ces systèmes soumis à une contrainte extérieure de cisaillement a été très active durant ces dernières années car la présence d’un revêtement de brosses de polymères neutres peut réduire considérablement la friction entre deux surfaces [3, 69, 70, 71]. Les interactions complexes qui ont lieu lorsque les brosses entrent en interaction expliquent la diminution du coefficient de friction. Il a été prouvé que cet effet est fortement modifié par les caractéristiques des brosses de polymères en inter- action [31, ?, 33]. Les applications dans le domaine de la santé sont potentiellement nombreuses [6, 7], essentiellement dans l’espoir d’augmenter la biocompatibilité et la biolubrification des matériaux.

Documents relatifs