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Bref historique des pêcheries d’hier à aujourd’hui

Dans le document RAPPORT FINAL (Page 28-32)

La trame historique de la pêche artisanale et traditionnelle au Québec met en lumière un chassé-croisé de relations entre des espèces marines et leur milieu naturel, entre des engins de capture et des pêcheurs dont la pratique est étroitement liée aux familles et aux communautés côtières. Des enjeux contemporains s’y greffent, liés à la santé des milieux marins et à la sécurité alimentaire de la planète.

Avant l’arrivée des Européens : subsistance, transhumance et partage

Chasseurs-cueilleurs-pêcheurs, les Autochtones pratiquent dans l’estuaire et dans le golfe du Saint-Laurent une pêche alimentaire de subsistance. Les ressources marines sont consommées fraîches ou boucanées pour la conservation. Connaisseurs des comportements des ressources marines et terrestres, celles-ci dictent les déplacements des familles dont la transhumance s’appuie sur une pêche extensive, non spécialisée.

La tradition orale et les échanges plutôt que la propriété prévalent dans le partage intergénérationnel des savoirs et savoir-faire ainsi qu’une division des tâches hommes / femmes.

17e et 18e siècles: d’une pêche de subsistance au début de la pêche commerciale

Aux 15e et 16e siècles, la pêche est le premier attrait des Européens dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent. Français et Basques appliquent des connaissances ancestrales dont certaines remontent au paléolithique. Leurs bateaux transportent d’abord une grande quantité de sel pour conserver les poissons éviscérés (la morue salée appelée morue verte). Par la suite, ils favorisent le salage et le séchage, un moyen de conservation, plus économique et plus efficace. Au 17e siècle, les Mi’gmaqs seraient parmi les premiers autochtones à commercer avec les Européens comme ils l’ont sans doute fait antérieurement avec les pêcheurs basques et bretons. Les méthodes de pêche en Nouvelle-France vont certes

s’appuyer sur des pratiques amérindiennes mais de façon non exclusive : elles empruntent aussi aux pêcheurs d’outre Atlantique.

Le « contact » avec les Européens va profondément bouleverser le mode de subsistance et l’organisation sociale des Autochtones. Le commerce du phoque tout particulièrement modifie le mode de vie des nomades amérindiens qui font commerce avec les postes de pêche. Ils abandonnent leur cycle annuel de déplacement sur lequel repose leur mode de subsistance traditionnel pour résider sur la côte à l’année plutôt que de s’enfoncer en forêt en saison froide. Toutefois, la division des tâches hommes/femmes reste une caractéristique importante chez les Autochtones et les Euroquébécois.

Quant aux colons de la Nouvelle-France, qui souvent ne possèdent pas de tradition maritime, ils deviennent pêcheurs par nécessité. En contact avec les Autochtones, ils apprennent à connaître les meilleurs sites de pêche et installent des fascines sur le bord du fleuve.

Sur fond d’alliances et de mésalliances, les ambitions commerciales des puissances française et anglaise se profilent dans le portrait historique de la pêche pratiquée dans l’estuaire et le golfe.

Au 19e siècle : essor et déclin

Les pêcheries commerciales aux phoques, à la morue et à l’anguille sont en croissance. Des villages naissent et la vie quotidienne est rythmée par ces activités. Les caprices du marché et les impératifs commerciaux des marchands-entrepreneurs et des compagnies tout comme la diminution des ressources, bien avant l’arrivée des chalutiers, ont un impact sur les activités de pêche traditionnelle. Bien que la pêche commerciale génère des revenus importants pour les commerçants, les conditions de vie des groupes autochtones et des communautés de pêcheurs, dont le mode de vie a été rattaché aux ressources marines pendant des millénaires ou des générations, ne s’améliorent pas. À la fin du 19e siècle, plusieurs activités artisanales et traditionnelles auront régressé.

Entre 1900 et 1950 : la pêche, source précaire et secondaire de revenus

Dans une entente historique, Ottawa cède à Québec la gestion des pêches maritimes (1922).

Avec le déclin des activités des marchands-entrepreneurs, la pêche sera davantage une source secondaire de revenu après l’agriculture et la foresterie. Les pêcheurs commencent à posséder leurs propres agrès et à préparer la morue séchée à leur compte alors que naissent les premières coopératives de pêcheurs dont la durée est souvent éphémère. Naît en 1938 l’École supérieure des pêcheries affiliée à la Faculté d’agriculture de l’Université Laval installée à Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Jusqu’au milieu des années 1950, on pense que la mer est inépuisable bien que des biologistes évoquent déjà une surexploitation. L’arrivée des premiers chalutiers au début des années 1950 aura un impact majeur sur la richesse marine et sur les pêches artisanales et traditionnelles.

Des années 1950 à l’an 2000 : commercialisation, modernisation et centralisation

La pêche artisanale, les villages côtiers et tout un mode de vie sont en déclin, disparus sinon menacés. Malgré l’avènement du chalut-senneur sur les côtes québécoises au début des années 1950, plusieurs méthodes de pêche traditionnelle sont encore vivantes comme les pêcheries fixes, les lignes traînées, les lignes dormantes et les filets maillants. Au tournant des années 1960, le Bureau d’aménagement de l’Est du Québec élabore une stratégie de pêche statuant que la petite pêche côtière et les ateliers artisanaux produisant du poisson salé/ séché ont fait leur temps : «The closure of all unproductive and low value fisheries», écrit-on. Priorité est donnée à la pêche semi-hauturière et à l’usinage de produits congelés.

Dans les années 1970 et 1980, le gouvernement fédéral démantèle des structures fédérales de recherche dont celle de Grande-Rivière mais il crée une zone canadienne de pêche exclusive de 200 milles marins (1977). Retour du pendule : on a trop pêché. Le hareng, le sébaste et la morue sont en baisse de population. On se tourne à nouveau vers des produits salés-séchés tout en intensifiant la pêche aux mollusques et crustacés. Le gouvernement du Québec paie des pêcheurs pour aller en Scandinavie apprendre de nouvelles techniques de pêche à l’anguille. Au début des années 1980, une crise éclate. Le ministre fédéral des

Pêcheries dénonce l’entente de 1922 et rapatrie unilatéralement à Ottawa la gestion des activités en mer. Arbitre du partage entre les provinces, le fédéral impose des quotas, statue sur les saisons et les zones de pêche. Mais on ne réussit pas à assurer la reproduction de toutes les espèces malgré l’adoption d’un Loi sur les pêches (1985). Quant au gouvernement du Québec, il assure principalement la gestion de la pêche sportive et commerciale en eau douce et l’aquaculture.

Du milieu des années 1980 au milieu des années 1990, les poissons de fond restent importants mais on diversifie les captures et on augmente les prises de crevettes et de crabe des neiges. Dans les années 1990, la communauté scientifique sonne l’alarme alors que les technologies explosent tout comme la professionnalisation du métier de pêcheur. D’ailleurs, en raison d’une clause grand-père adoptée en 1993, les pêcheurs actifs avant cette date ne sont pas tenus de suivre diverses formations. Il y a donc séparation entre les pêcheurs d’avant et d’après 1993.

En 1994, près de la moitié des stocks de poissons de fond de l’Atlantique canadien dont la morue, la plie canadienne et grise, le sébaste sont fermés à la pêche. Dans la foulée du Sommet de la Terre de Rio (1992), un Code de conduite canadien pour une pêche responsable est édicté (1998) qui implique l’utilisation de méthodes de pêche sélectives et non destructrices.

Les années 2000 : vers une éco-responsabilité

D’importants changements marquent les années 2000. L’artisan-pêcheur et sa cellule familiale élargie sont marginalisés comme acteurs économiques. En 2016, l’économie des pêches québécoises repose sur trois espèces, le crabe des neiges, le homard et les crevettes alors que le buccin, le concombre de mer ou la mye commune prennent de l’importance, au détriment des poissons de fond dont la quantité des stocks est devenue marginale, pour le commerce.

Aujourd’hui, de nombreux groupes de défense de l’environnement font appel aux consommateurs et les orientent vers des produits éco-responsables, invitant ainsi les décideurs et les acteurs de la pêche, de la transformation et de la distribution à adopter des pratiques conformes à la notion de pêche durable.

Dans le document RAPPORT FINAL (Page 28-32)