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Chapitre 1 : Problématique

1.5 Bref aperçu de l’enseignement du français dans l’espace francophone

L’enseignement du français au Québec se fait dans un contexte sociolinguistique particulier. En effet, seule province francophone d’Amérique du Nord, le Québec connait une influence relative de l’anglais qui est la langue dominante de cet espace géographique.

Dans un tel contexte, l’enseignement du français présente plusieurs enjeux, dont celui de la sauvegarde de la langue et de la culture. Par ailleurs, l’autre particularité qu’il convient de soulever, c’est qu’au Québec l’enseignement du français est marqué par une grande

utilisation des manuels de maisons d’édition privées qui déterminent en très grande partie ce que les élèves font dans tous les volets de l’enseignement (lecture, écriture, oral, grammaire, littérature) (Simard et al., 2010, p. 25). En outre, à l’instar des autres pays de la francophonie, le Québec a connu plusieurs mouvements qui ont fait évoluer l’enseignement du français à divers moments charnières. En témoignent les différentes réformes et les différents programmes (1980/1981 ; 1995 ; 2003 ; 2007 ; 2009) qui ont, jusqu’à présent, jalonné l’histoire de l’enseignement du français.

Dans la foulée des mouvements de rénovation de l’enseignement du français qui traversent l’ensemble de la francophonie, le programme québécois de 1980 suit la tendance en ce sens qu’il propose essentiellement une approche fonctionnelle qui rompt avec l’approche traditionnelle jusqu’alors en vigueur. L’enseignement grammatical, autrefois au centre de l’enseignement du français, est mis au service du développement des capacités communicationnelles des élèves. Les programmes par compétences (1995 ; 2003 ; 2006 ; 2007), sans remettre totalement en cause l’approche fonctionnelle, préconisent un enseignement de la langue comme un système dont les élèves doivent comprendre et maitriser le fonctionnement. Ces programmes font aussi progressivement une place à l’enseignement littéraire puisque dès 1995, les textes littéraires sont réhabilités dans la classe de français au motif que la culture est un fondement de la discipline français.

D’ailleurs les programmes de 1995, 2003 et 2007 prescrivent un nombre d’œuvres complètes à lire durant l’année scolaire. En somme, on passe d’un enseignement instrumental du français à un enseignement centré sur la culture et la maitrise du fonctionnement textuel, même si le transfert ne s’est pas fait automatiquement avec les nouveaux programmes.

Le dernier programme2 de l’école québécoise pose un principe fondateur : la langue et la culture sont les deux dimensions essentielles de la classe de français. Il précise en effet que

« dans un contexte scolaire ouvert sur le monde, l’élève participe à des activités en français et lit des œuvres francophones d’ici et d’ailleurs […]. Il développe sa sensibilité à l’égard de la langue et de la culture » (MELS, 2009, p. 6). Ce programme repose sur l’idée que

2 Il s’agit du programme du secondaire puisque notre recherche s’intéresse à l’enseignement du français au

l’enseignement du français devrait aider l’élève à acquérir une maitrise de la langue qui lui permet de s’adapter à une grande diversité de situations. Ce programme propose donc trois compétences à développer :

 lire et apprécier des textes variés ;

 écrire des textes variés ;

 communiquer oralement selon des modalités variées.

En définitive ce programme, comme celui de 1995 et les suivants, privilégie un travail systématique sur la langue, sans faire de ce dernier une compétence, et une ouverture à la sensibilité et à la diversité des textes qui constituent le répertoire culturel. Une attention beaucoup plus soutenue est accordée aux dimensions syntaxiques et textuelles, renforçant ainsi les bases jetées dans le programme de 1995. De plus, dans ces grandes orientations, ce programme invite les enseignants, dans leur pratique, à tisser des liens entre les différentes composantes de la discipline pour donner plus de sens et de pertinence aux différents apprentissages sans toutefois leur proposer des pistes d’action pour y parvenir.

1.5.2 L’enseignement du français et ses finalités en Suisse romande

En Suisse romande, alors que certains cantons comme ceux de Fribourg, du Valais et de Berne sont bilingues, d’autres comme ceux de Genève, de Vaud, du Jura et de Neuchâtel sont unilingues français. Ces particularités linguistiques ont rendu l’histoire de l’enseignement du français en Suisse romande parfois complexe en raison du statut qu’a la langue dans différents lieux d’une même sphère culturelle (Simard et al., 2010, p. 48). De plus, en raison des particularités3 politiques et linguistiques de la Suisse, le français jouit du même statut que les autres langues officielles : l’allemand et l’italien.

Par ailleurs, la Suisse comme les autres pays de la francophonie a connu différents moments clés en ce qui a trait à l’enseignement du français. Il y a eu de nombreux débats sur l’enseignement du français dans les années 1930. On parlait même de crise du français, car les enseignants avaient de nombreuses difficultés à la fois avec les savoirs à enseigner et les démarches à mettre en œuvre. C’est dans ce contexte qu’émerge, plus tard, notamment vers les années 1970, l’idée de rénovation de l’enseignement du français. Dans

3 Nous n’aborderons pas cette question dans le cadre de notre réflexion.

leur ouvrage, principale référence de l’enseignement du français en Suisse romande, Besson et al. (1979) font des propositions qui visent à conférer une dimension communicationnelle à l’enseignement du français et à promouvoir un enseignement de la langue basé sur l’observation. Ces auteurs proposent alors quatre grandes finalités à l’enseignement du français : savoir parler, savoir écouter, savoir écrire et savoir lire.

L’ensemble des démarches proposées repose essentiellement sur l’idée que la maitrise du français, langue première, passe nécessairement par le recours à des situations de communication aussi proches que possible de celles que les élèves rencontrent dans la réalité de leur vie (p. 43). Ces propositions donnent alors une impulsion à l’enseignement du français dans l’ensemble de la Suisse romande. En 2006, la Conférence intercantonale de l’instruction publique (CIIP) de la Suisse romande et du Tessin4 s’inscrit dans la continuité du travail de Besson et al. (1979) en reprenant les grandes lignes de celui-ci dans son document d’accompagnement des enseignants. Ce document rappelle d’abord les trois finalités5 de l’enseignement du français :

 apprendre à communiquer/communiquer ;

 maitriser le fonctionnement de la langue/réfléchir sur la langue ;

 construire des références culturelles (p. 9).

En plus de ces finalités, la CIIP (2006 ; 2010) édicte quatre grands principes qui devraient orienter l’enseignement du français en Suisse romande :

 une nécessaire articulation des trois finalités de l’enseignement du français ;

 un ancrage de l’apprentissage du français dans la production et la compréhension de textes de genres divers ;

 une prise en compte de français comme langue de scolarisation et langue d’intégration ;

 une dimension transversale de l’enseignement du français.

À la lumière de ces orientations, nous retenons que :

1. la principale finalité de l’enseignement du français en Suisse romande est de conduire les élèves à la maitrise du fonctionnement textuel ;

4 Désormais CIIP.

5 Le document précise clairement que les trois finalités n’ont pas une importance équivalente. Il qualifie la

2. l’enseignement du français en Suisse romande comprend deux grands volets : la langue et la littérature ;

3. l’enseignement du français devrait s’appuyer sur la maitrise des genres textuels ;

4. l’enseignement du français devrait articuler les composantes et les finalités de la discipline.