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Une brève histoire de SUD-rail

Dans le document Les syndiqués en France, 1990-2006 (Page 32-34)

II. La percée de SUD : l’exemple de SUD-rail

1. Une brève histoire de SUD-rail

Cette organisation a été constituée en janvier-février 1996, lorsque deux importants syndicats parisiens de la FGTE-CFDT – Paris-Sud-Est et Paris-Saint-Lazare – ont lancé un mouvement de désaffiliation et de création de syndicats SUD57. Ces organisations

étaient hostiles au « recentrage » mis en œuvre par la CFDT depuis la fin des années 1970 et rejetaient l’attitude de la direction confédérale lors des mouvements sociaux de l’automne 1995 (avec pour déclencheur des questions concernant la restructuration du transport ferroviaire et, plus globalement, le plan Juppé de réforme de la Sécurité sociale, qui semblait mettre en cause les régimes spéciaux de retraite, dont celui des cheminots). Sans doute, convient-il d’évoquer aussi un phénomène générationnel. Les promoteurs du futur SUD-rail – fidèles au socialisme autogestionnaire dont la CFDT s’est un temps réclamé – appartiennent également à une même génération : celle qui a suivi immédiatement mai 1968, a commencé à travailler dans les années 1970, s’est reconnu dans un certain « gauchisme », à relier à la crise du communisme et à la conversion du PS en gauche de gouvernement.

A la suite de l’automne « chaud » de 1995, quelque 700 adhérents du syndicat CFDT Paris-sud-est décident de se désaffilier de la confédération, le 26 janvier 1996,

56 Voir notamment : Coupé (A.), Marchand (A.), Syndicalement incorrect. SUD-PTT, une aventure

collective, Paris, Syllepse, 1998 ; Sainsaulieu (Y.), La contestation pragmatique dans le syndicalisme autonome. La question du modèle SUD-PTT, Paris, L’Harmattan, 2000.

57 Paccou (F.), op. cit., 2006, p. 7 et 11-13. Sur les origines « parisiennes » de SUD-rail, voir également :

Vargaftig (G.), « Recomposition syndicale » à la SNCF ? Création d’un nouveau syndicat issu de la CFDT : SUD-rail à Paris-Saint-Lazare, mémoire de DEA de science politique, Université de Paris I, 1997. Plus largement, sur l'histoire du syndicalisme cheminot : Grassart (P.), Recoura (Ch.), Cheminots en lutte, Paris, L’Harmattan, 1996 ; Chevandier (Ch.), Cheminots en lutte ou la construction d’une identité (1848-2001), Paris, Maisonneuve et Larose, 2002.

pour fonder un syndicat SUD. C’est le dénouement de toute une histoire qui a débuté dans les années 1980 (voir encadré I.4). Le 8 février 1996, à Paris-Saint-Lazare, ce sont plus de 400 cédétistes qui quittent la CFDT. La même histoire se répète dans plusieurs « régions » SNCF, à Clermont-Ferrand, à Rouen, à Nancy-Metz, à Chambéry… Chaque fois, un noyau de quelque 100 à 200 adhérents démissionnent de la CFDT et crée une nouvelle organisation qui convainc quelques non-syndiqués – et parfois des adhérents ou anciens de la CGT – de les rejoindre. A Clermont-Ferrand, ces non-syndiqués représenteraient même la moitié des 170 adhérents du Syndicat SUD, créé le 1er février

1996.

Encadré I.4 : Aux origines de SUD-rail58

« Il y avait deux syndicats CFDT combatifs, le syndicat CFDT Saint-Lazare et le syndicat Paris-Sud-est (…). Ces deux-là faisaient un peu la pluie et le beau temps en termes de luttes sociales sur l’Ile-de-France (…). On sentait, depuis 1988, depuis le congrès confédéral de Strasbourg, [que l’on avait] de plus en plus de difficultés à agir dans une CFDT. En même temps, on avait la liberté de parole, on écrivait ce qu’on voulait, personne nous ennuyait, mais entre l’image d’une CFDT nationale qui devenait de plus en plus réformiste, syndicat de compromis social (…) et l’image qu’on essaie de construire, de développer, on faisait régulièrement le grand écart et cela devenait un peu pénible (…) parce que ça amputait une partie du boulot qu’on faisait. Donc c’était un peu pesant. On a vécu le départ de CFDT-PTT en 1988. Entre 1989 et 1995, on avait des contacts réguliers avec les gars des PTT, on les voyait régulièrement (…). Parallèlement à ça, on voyait que l’évolution de la CFDT allait être très difficile. On voyait qu’on ne gagnerait jamais. Et, à côté, la CGT se construisait une image de syndicalisme de service (…). Et il y a eu 1995 (…) et le secrétaire général [de la CFDT] qui condamne la grève, les cheminots et son équipe CFDT du coin (…). On avait déjà fait une association qui s’appelait l’association des moutons noirs (…) pour mettre du fric de côté au cas où ça explosait partout, car on s’attendait à être viré (…). On était quasiment sûr de faire basculer le syndicat (…). Tout ça s’est conclu, fin janvier 1996, par un premier congrès de syndicat, qui est le syndicat de Paris-sud-est, qui annonce sa désaffiliation de la CFDT et qui annonce son affiliation comme syndicat SUD. »

Une coordination nationale de ces syndicats est mise en place lors d’un congrès constitutif à Villeneuve-Saint-Georges, le 27 avril 1996. Il substitue la dénomination SUD-rail à celle de SUD-cheminots. Cela doit permettre d’ouvrir ce regroupement syndical à toutes les catégories de personnel – statutaire ou non – qui travaillent à la SNCF et dans ses filiales. Dix régions SNCF sont représentées (sur 23). Environ 2 000 adhérents sont comptabilisés. Un collectif de direction est mis en place, jetant les bases d’une nouvelle fédération syndicale (intégrée de plein droit au sein du Groupe des dix, devenue depuis lors l’Union syndicale Solidaires).

Un processus de prise de décision relativement lourd est mis en place : nécessité de majorité qualifiée des deux tiers des adhérents et des syndicats. Cela doit assurer la participation de tous et éviter une césure entre les « mandatés » dans des postes de responsabilité et la « base ». Cette conception d’une nouvelle démocratie syndicale se veut en rupture avec les pratiques de délégation qui caractériseraient les autres

organisations. La fédération valorise également la « lutte ». Un long contentieux commence pour la reconnaissance de la représentativité au sein de la SNCF. Après 130 procès engagés par les directions régionales de la SNCF, de la CGT, de la CFDT ou de FO – parfois toutes ensemble –, la fédération SUD-rail obtient la reconnaissance de sa « représentativité » en mai 1997. Un second congrès constitutif a lieu à Lyon, en mars 1997. Il permet d’intégrer les nouveaux syndicats SUD constitués depuis le printemps 1996.

En octobre 2000, la fédération tient un nouveau congrès (officiellement son 2ème).

Elle revendique alors quelque 4 600 adhérents. Lors des élections professionnelles, elle s’est hissée au troisième rang des fédérations de cheminots, derrière la CGT et la CFDT. Mais la fédération connaît une « crise » interne dans la période qui suit et son développement plafonne. Des divergences se creusent concernant l’agenda de l’organisation et les priorités d’action. Querelles intestines et rivalités de personne s’exacerbent. Le bureau fédéral ne parvient plus à fonctionner à compter de l’automne 2002.

En juin 2003, le congrès de Toulouse tente de réinstaller une dynamique collective. Le mode de fonctionnement des instances fédérales est redéfini. SUD-rail tente également de rallier la nouvelle vague de démissionnaires de la CFDT. Mais – comme on l’a vu – les responsables des cheminots CFDT sont plutôt tentés de se tourner vers la CGT, même si, pour nombre de militants, il s’agit finalement de rejoindre un syndicat contre lequel les sections CFDT se sont souvent construites. Une partie des cédétistes préfère finalement SUD-rail, dans une dizaine de régions SNCF. La fédération gagne au moins 1 400 adhérents entre 2003 et 2004. Parmi eux, le nombre d’ex-cédétistes peut être évalué à un millier environ (alors qu’au même moment la fédération CGT des cheminots évoque le ralliement de 600 ex-cédétistes)59. Si l'on tient compte du fait que,

sur un effectif de 10 000 cheminots cédétistes60 avant cette crise, environ 7 000 à 8 000

ont mis fin à leur adhésion, on peut estimer que 5 à 6 000 anciens syndiqués sont perdus pour le syndicalisme.

Dans le document Les syndiqués en France, 1990-2006 (Page 32-34)