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5. Crétacé Supérieur

5.6 Le Bouclier Touareg

Le Bouclier Touareg montre deux séries sédimentaires, rattachées au début du Crétacé Supérieur : les grès de Sérouénout, discordants sur le socle au cœur du bombement actuel, et les calcaires d’Amguid, en marge Nord du Hoggar. Voici une description, aussi détaillée que possible, de ces séries malheureusement peu documentées dans la littérature.

a- Les grès de Sérouénout :

La série de Sérouénout, décrite par Bordet (1953), se trouve dans le terrane du même nom, dans la partie LATEA du socle du Bouclier Touareg (Figure I.29). Elles sont peu connues et ont été peu étudiées depuis. Il s’agit de dépôts fluvio-lacustres reposant directement sur le socle panafricain. Lorsqu'elle est complète, la série mesure environ 350 m, mais aucun changement de faciès (ou réduction d'épaisseur) indiquant le bord du bassin de sédimentation n’est visible (Bordet, 1953 ; Aït Hamou, 2000). D’après ces deux études, la partie la plus basse, au NE, serait à une altitude inférieure à 1100 m, tandis que la partie la plus élevée, au Sud-Ouest, atteindrait 1750 m. Nous avons superposé les cartes géologiques disponibles sur Google Earth afin de relever les altitudes manuellement (Figure I.30). Si nous n’obtenons pas les mêmes valeurs (la précision demeure moindre que des mesures de terrains), on peut

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néanmoins constater qu’il y a un soulèvement général relevant la partie Sud-Ouest (donc vers le centre topographique actuel du Hoggar), ce qui était déjà suggéré par les précédentes études.

Figure I.29 – Carte géologique simplifiée de la région de Sérouénout, d’après Lefranc et Guiraud (1990). 1 : socle indifférencié ; 2 : Cambro-Ordovicien ; 3 : grès de Sérouénout ; 4 : volcanisme cénozoïque ; 5 : dunes ; 6 : alluvions.

Le socle Panafricain sous-jacent est arasé, relativement aplani, bien qu’il soit mentionné que la base de la série est dans certains endroits « isolée entre des failles ou remplissant d'anciennes vallées » (Bordet, 1953). D’après ce même auteur, dans la partie Sud-Ouest seulement, la base serait formée par un conglomérat à gros galets de quartz. La plus grande partie de la série serait toutefois formée par un grès pélitique irrégulier, mal cimenté, rouge ocre ou blanc, passant localement à des quartzites (300m); au-dessus vient une formation silicifiée formée de silex et jaspes jaunes ou rouges (environ 50m), puis quelques mètres de calcaire fin, blanc ou rouge, probablement lacustre mais sans fossiles.

Des coulées basaltiques semblables à celles émises par le Djebel Taharaq à l’Eocène- Oligocène (voir paragraphe 6 suivant) recouvrent en de nombreux points la série sédimentaire. Il y aurait également, interstratifiés dans les grès, des sills associés à la mise en place d’intrusions durant le Cénozoïque (Aït Hamou, 2000). Dans la partie Sud-Ouest, les grès et les basaltes sus-jacents ont été affectés par d'importants effondrements qui se développent visiblement à la faveur de failles normales, disloquant la zone en compartiments basculés (Aït Hamou, 2000). Etant donné qu’ils affectent beaucoup plus les grès que les laves, il est proposé qu’ils soient contemporains de la phase de remplissage du bassin, et qu’ils aient continué à rejouer ensuite. Toujours d’après cette étude, de manière plus générale de nombreuses failles

47 fragmentent la série en compartiments parfois basculés; les pendages pouvant atteindre localement 30° et les rejeux pouvant atteindre 100 m.

Bordet (1953) décrit un gisement où les fragments de bois sont abondants, parfois de grande taille et bien conservés. Un échantillon choisi parmi les autres a été déterminé comme Protopodocarpoxylon Rochii. D’abord considérée comme cénomanien (Bordet, 1953), des travaux plus récents considèrent plutôt un âge crétacé inférieur (Lefranc et Guiraud, 1990 ; Philippe et al., 2003).

Figure I.30 – Altitude des grès de Sérouénout, projetées sur un axe S-N (en haut) et W-E (en bas). Les altitudes sont en mètres, les positions en degrés ; les données proviennent de Google Earth.

b- Les calcaires d’Amguid :

Dans le Nord du Hoggar, encadré par des zones de cisaillement panafricaines N-S, se trouve le bassin d’Amguid, très peu étudié. Kilian (1930) décrit là un affleurement de calcaire, reposant sur le socle Précambrien, où il trouve un exemplaire d’ammonite Calycoceras naviculare en mauvais état. D’après Busson et al. (1999), ce fossile témoignerait d’un âge Cénomanien. D’après Perret (1938), 500 à 600 m de Crétacé seraient déposés ici.

c- Paléogéographie du Bouclier Touareg au Crétacé Supérieur : synthèse

Au Crétacé Supérieur, les bassins environnants du Bouclier Touareg sont envahis par la mer, tandis que les apports détritiques diminuent et les fossés continuent de s’effondrer. Des jonctions entre la Téthys et l’Atlantique (ou au moins les bassins d’Iullemeden et du Tchad) seraient possibles, à l’Ouest du Bouclier Touareg (Tanezrouft-Tilemsi) comme à l’Est (Fossés du Ténéré). Au Cénomanien, la mer s’avance même jusque sur le socle du Hoggar, où sont déposés les calcaires d’Amguid.

1000 1200 1400 1600 1800 24 24.1 24.2 24.3 24.4 24.5 24.6 24.7 24.8 1000 1200 1400 1600 1800 7 7.1 7.2 7.3 7.4 7.5 7.6 7.7 A lti tu d e ( m ) A lti tu d e ( m ) S N W E

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En ce qui concerne les dépôts gréseux du Hoggar (série de Sérouénout), en l’attente de datations précises, il n’est pas possible de les attribuer directement à cet épisode de remontée générale du niveau marin. Si on se réfère aux morceaux de bois que cette série contient, qui semblent traduire un âge crétacé inférieur selon les dernières études, alors il existe une certaine contradiction entre le fait que le Hoggar ait été, au Crétacé Inférieur, à la fois un bombement de socle alimentant en éléments détritiques les bassins périphériques (voir paragraphe 4 sur le Crétacé Inférieur) et une zone permettant la sédimentation de cette série gréseuse. Il semblerait donc plus cohérent avec le contexte global de considérer un âge Cénomanien pour ces grès, la mise en place d’une sédimentation dans le Hoggar étant alors plus en phase avec une avancée de la mer dans les bassins (marquée par les dépôts d’Amguid) et un recul des dépôts détritiques à proximité des zones encore émergées comme le centre du Hoggar. Quoi qu’il en soit, il semblerait donc qu’après avoir probablement été un haut topographique durant le Crétacé Inférieur, le Hoggar s’affaisse et devient accessible aux sédiments. Cette étape interviendrait au plus tôt à partir de la fin du Crétacé Inférieur, au plus tard à partir du Cénomanien.

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