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Des bornes d’âge discutables d’un point de vue épidémiologique

2.2 Les mesures nationales ciblent mal les besoins

2.2.3 Des bornes d’âge discutables d’un point de vue épidémiologique

2.2.3.1 Pour une part non négligeable de mineures, le premier rapport sexuel intervient avant 15 ans

[92] On estime à environ 25 000 le nombre de personnes qui, à chaque génération, entrent dans la sexualité avant l’âge de 15 ans34. Les données épidémiologiques tendent par ailleurs à montrer que les grossesses précoces à ces âges existent, même si elles sont très marginales : ainsi, on recense en 2013 plus de 750 IVG sur des mineures de moins de 15 ans35 ; on dénombre par ailleurs 131 naissances chez des mères de moins de 15 ans36.

[93] Le dispositif de gratuité en pharmacie et de tiers payant systématique sur la part assurance maladie obligatoire en consultation et pour les analyses biologiques n’est accessible qu’aux mineures de plus de 15 ans, et ce alors même que le dispositif de secret est, lui, garanti à l’ensemble des mineures quel que soit leur âge. Outre le fait que ce décalage entre les deux dispositifs est générateur d’une complexité administrative qui se reporte directement sur les personnes concernées, il n’a pas grand sens dans la pratique. En effet, les mineures de moins de 15 ans ont par définition encore moins d’autonomie financière que les mineures de 15-17 ans.

[94] Le recours à la contraception des moins de 15 ans est difficile à estimer dans la mesure où les enquêtes Fécond de l’Inserm ou le baromètre santé de l’Inpes ne concernent pas les moins de 15 ans. Tout au plus peut-on estimer d’après la consommation de contraceptifs des assurées du régime général (hors SLM) qu’environ 1 % des assurées de 12 à 14 ans ont bénéficié du remboursement d’un contraceptif en 2014 (cf. pilule, implant, stérilet), soit entre 10 000 et 15 000 filles de 12 à 14 ans chaque année qui représentent moins de 100 000 euros de dépenses pour l’assurance maladie obligatoire.

[95] Une extension du dispositif de gratuité aux mineures de moins de 15 ans serait bénéfique en termes de santé publique et permettrait d’aligner les dispositifs visant à renforcer la confidentialité et la gratuité

Recommandation n°6 : Aligner les bornes d’âges fixées aux dispositions visant à assurer la gratuité sur celles de la disposition concourant au secret, à savoir un accès ouvert à l’ensemble des mineures.

33 Observatoire régionale de santé – Rhône Alpes, novembre 2011.

34 Voir détails en annexe 1.

35 Données Drees. Etant donné les modalités de collecte, il est vraisemblable que cette statistique sous estime la réalité.

36 Source Insee, bilan démographique 2013. L’âge correspond à l’âge révolu, et non à l’âge atteint dans l’année.

2.2.3.2 Les enjeux de santé publique se concentrent sur les jeunes majeures

 Une sortie du dispositif à 18 ans qui pose question

[96] Le dispositif de gratuité en pharmacie et de tiers payant systématique sur la part assurance maladie obligatoire en consultation et pour les analyses biologiques ainsi que la garantie de secret n’est plus garantie au jour du 18ème anniversaire de l’assurée.

[97] Ce basculement à 18 ans dans le régime de droit commun pose question en termes de santé publique. En effet, à 18 ans, plus des trois quart des jeunes sont encore scolarisés37. La grande majorité est dans le secondaire, l’âge moyen au baccalauréat en France étant supérieur à 18 ans38. En d’autres termes, une élève qui atteint l’âge de 18 ans par exemple en cours d’année de terminale perd du jour au lendemain le bénéfice du régime de secret-gratuité. Or il n’y a pas de raison de penser que l’autonomie financière de cette élève et son besoin de confidentialité vis-à-vis de ses parents ait changé. A 18 ans, la très grande majorité des jeunes restent ayant droit de leurs parents39. Il est donc probable qu’une mineure souhaitant conserver le secret modifiera à ce moment-là ses pratiques contraceptives afin de ne pas les rendre visibles de ses parents sur les décomptes de l’assurance maladie. Le risque d’une diminution du recours à la contraception, sans modification concomitante des pratiques sexuelles, accroît dès lors la probabilité d’une grossesse non désirée, les phases de changement des pratiques contraceptives étant souvent à l’origine d’accident de contraceptifs (cf. habitudes nouvelles à prendre avec un autre contraceptif).

[98] Il serait donc souhaitable d’accorder a minima la date de sortie du dispositif avec le moment où les jeunes acquièrent une autonomie réelle vis-à-vis de leurs parents. Les jeunes pouvant, dans la plupart des cas, être ayant droit de leurs parents jusqu’à la veille de leur 20ème anniversaire40, il serait pertinent d’étendre les dispositifs de gratuité et de confidentialité aux jeunes de 18 et 19 ans.

 Des besoins forts chez les 20-24 ans

[99] Le recours à l’IVG est beaucoup plus élevé chez les 18-24 ans qu’entre 15-17 ans ( plus de deux fois plus élevé pour les 18-19 ans et plus de trois fois élevé pour les 20-24 ans – cf. tableau ci-dessous). A cela s’ajoute le fait que les IVG connaissent une baisse forte chez les 15-17 ans ce qui n’est pas le cas des 20-24 ans.

37 Données 2010, Eurostat (in Scolarisation et les jeunes quittant prématurément le système d'éducation et de formation,

http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/School_enrolment_and_early_leavers_from_education_and_training/fr.)

38 Bloch D., Chamonard D., Hoquaux C., « Les parcours scolaires et l’âge des bacheliers », Éducation & formations – n°

60 – juillet-septembre 2001.

39 Pour ceux qui ont leur baccalauréat au cours de leur 18ème année, c’est seulement à l’approche de leur 19 ans en moyenne qu’ils basculent dans le régime étudiant.

40 Certains régimes offrent la possibilité d’être ayant droit jusqu’à un âge plus tardif : par exemple, Assemblée Nationale et Sénat (21 ans), Personnel du port autonome de Bordeaux (21 ans), Enim – régime social des marins (21 ans), SNCF (28 ans).

Tableau 6 : Evolution du nombre d’IVG en France entre 2011 et 2013

Total IVG 2011 2012 2013 2011/2013

Nombre d'IVG pour 1000 femmes de chaque tranche âge

Moins de 15 ans 898 880 767 -14,6% nd

15-17 ans 12 464 11 691 11 168 -10,4% 9,5

18 et 19 ans 18 272 16 843 16 410 -10,2% 21,6

20 à 24 ans 56 410 55 178 56 711 0,5% 29,5

25 à 29 ans 48 982 48 799 52 733 7,7% 26,2

30 à 34 ans 39 569 40 844 44 099 11,4% 21,0

35 à 39 ans 29 757 29 087 30 811 3,5% 15,0

40 à 44 ans 13 463 13 696 14 703 9,2% 6,4

45 à 49 ans 1 413 1 352 1 432 1,3% 0,6

50 ans ou plus 343 335 488 42,3% nd

Age inconnu 786 858 1 162 47,8% nd

Total 222 357 219 563 230 484 3,7% 15,6*

Source : Drees, calcul des ratio par les auteurs, France entière. * ratio sans les moins de 15 ans, les plus de 50 ans et les âges inconnus.

[100] Par ailleurs, la controverse relative aux pilules de 3ème génération intervenue fin 2012-début 2013 semble avoir eu un impact très différencié selon l’âge des jeunes femmes. Ainsi tandis que la consommation de pilules chez les femmes de 15-17 ans est resté stable (avec comme décrit un report vers les pilules de 2ème génération), la consommation des femmes de 20 à 22 ans paraît avoir fortement chuté. Dans le même temps, les implants et stérilets ont augmenté pour toutes les tranches d’âge mais dans une proportion bien moindre pour les 20-24 ans que pour les 15-17 ans41. Tableau 7 : Taux d’évolution entre 2012 et 2014 des consommations de contraceptifs

remboursés par les assurées du régime général (hors SLM) entre 2012 et 2014

Pilules Implant Stérilet

15-17 ans -0,4% 20,7% 75,5%

18-19 ans 5,7% 18,9% 69,1%

20-22 ans -10,2% 4,5% 46,0%

Source : Données Cnamts, base DCIR ; calculs des auteurs.

[101] Ces différents éléments convergent pour laisser penser que la priorité de santé publique devrait être les jeunes majeures - et particulièrement ceux entre 20 et 24 ans - plutôt que les mineures.

Recommandation n°7 : Etendre, dans la mesure des capacités financières disponibles, les dispositifs d’accès gratuit et confidentiel à la contraception au-delà de 18 ans.

41 Pour nuancer ces évolutions, noter que la consommation de stérilets chez les femmes de 17 ans assurées au régime général était en volume environ dix fois inférieure à celle des femmes de 22 ans en 2012. Il serait par ailleurs plus fiable de calculer l’évolution des pratiques en suivant des cohortes dans le temps ce qui permettrait de repérer les changements de pratique des mêmes individus.