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BOOM SECTORIEL PÉTROLIER ET MALAISE HOLLANDAIS EN IRAN

Chapitre 3

Introduction

onséquences de l'augmentation des prix des produits pétroliers, de nombreuses études du milieu des années 70 ont été réalisées sur les effets et les résultats du boom pétrolier dans un secteur qui produit des biens échangeables (marchandises exportables). Ce sujet est alors dénommé « la maladie hollandaise » pour la première fois. Ce nom est issu de l'expérience des Pays-Bas, acquise au cours des années 60 avec la découverte du gaz naturel et les hauts revenus que son exportation procure130.

En effet, à la suite de la découverte d’un énorme gisement de gaz naturel en 1959, l'économie des Pays-Bas a prospéré grâce aux recettes en devises provenant de l’exportation massive de ce gaz. La demande globale a aussi augmenté. En outre, des différences significatives entre le prix des éléments et l'indice des prix se sont produites dans les différents secteurs ; l'affaiblissement des secteurs des biens échangeables et le renforcement des secteurs des biens non échangeables en sont la conséquence. Ainsi, les recettes liées aux exportations ont conduit les Pays-Bas à une « désindustrialisation »131. Plus tard, grâce aux études, il est prouvé que la « maladie hollandaise », en tant que phénomène de « désagriculturisation »132, a causé l'affaiblissement de ce secteur dans les pays en voie de développement exportateurs de pétrole, tandis que l'industrie, grâce au soutien des gouvernements, en est moins frappée.133 A ce stade, nous devons souligner que l'emploi de ce terme, pour décrire une telle situation économique, est un peu équivoque. Il est préférable de le remplacer par « le boom économique dans le secteur des biens échangeables »134. L'apparition de cette « maladie » ne concerne pas seulement la découverte et l'exploitation des ressources naturelles, cela peut aussi advenir par divers facteurs tels que :

130

The Dutch Disease, The Economiste, novembre, n° 26, 1977, , pp. 82-83, Corden WM, Neary JP.

131Elle se traduit généralement par une baisse de la part du produit intérieur brut correspondant au

secteur de l’industrie.

132Elle se traduit généralement par une baisse de la part du produit intérieur brut correspondant au

secteur de l’agriculture.

133CORDEN W. Max, NEARY J. Peter, Booming Sector and De-Industrialization in a Small Open Economy, The

Economic Journal, 1984, The Economic Journal n°92, 1982, 825–848.

134 Daniel, P. 1985. "Problèmes d'ajustement consécutifs aumal néerlandais" in Afrique subsahérienne, de la

crise auredressement, production minière en Afrique subsahérienne., O.C.D.E.

- L'augmentation exogène des prix internationaux des biens échangeables (cas de l'OPEP)135,

- Le développement technique dans le secteur des biens échangeables (cas du Japon et de l'Irlande)136,

- L'augmentation de l'aide étrangère aux pays en voie de développement (cas du Ghana)137,

- La découverte de nouvelles ressources naturelles (cas de l'Angleterre et des Pays- Bas)138.

De plus, le boom à l'exportation des valeurs mobilières de la Suisse dans les années 70, qui a conduit au renforcement réel du Franc suisse, est une sorte de « maladie hollandaise ». Cette dernière se retrouve toujours dans l'économie de divers pays. En 1859, et après la découverte d'or en Australie dans les années 50, Cairns139 a été le premier à étudier les effets économiques de ce phénomène sur les différentes industries de ce pays. Il a cru que l'élévation rapide des salaires puis l'augmentation des prix de production, étaient les conséquences de cette découverte. Cela a réduit les avantages de l'Australie dans la concurrence internationale, le niveau de transfert des biens échangeables dans les secteurs qui restaient stagnants a aussi diminué. Cela constitue l’axe principal de la « maladie hollandaise ».

Considérant la manière d'agir des pays riches avec leurs ressources naturelles, nous constatons que cette aubaine peut être à la fois créatrice et destructrice. Par exemple, pour un pays développé comme la Norvège, le revenu de l'exportation du pétrole est un don qui aide la prospérité économique et au bien-être de ses habitants140. Au contraire, cette richesse dans les pays moins développés tels que le Nigéria, l'Irak, le Venezuela, l'Argentine,

135

T.L. Karl, The paradox of plenty: oil booms and petro-states University of California Press, Berkeley, CA (1997)

136 Cline, William R. and Sidney Weintraub (eds.) (1981) Economic Stabilization in Developing Countries. Washington: The Brookings Institution.

137

EBERHARDT Markus, TEAL Francis, « Le Ghana et la Côte d’Ivoire : une inversion des rôles », International Development Policy | Revue internationale de politique de développement 2010, p. 38 138SACHS Jeffrey, WARNER Andrew, The curse of natural resources, European Economic Review, 2001, p. 25.

139

Australian gold rush in the 19th century, first documented by Cairns in 1859,

140 Brunstad, Rolf Jens and Jan Morten Dyrstad. (Jan., 1997). “Booming Sector and Wage Effects: An Empirical Analysis on Norwegian Data.” Oxford Economic Papers, Vol. 49, No. 1, pp. 89-103

etc. est un désastre qui affaiblit leurs rôles économique et politique. Michael Ross, dans une autre étude, indique que les États qui possèdent de riches réserves de ressources naturelles n'ont pas beaucoup envie de mettre en place des constitutions démocratiques et des gouvernances raisonnables dans leurs pays141.

En Iran aussi, un grand nombre d’autorités économiques et politiques croit que les recettes pétrolières affaiblissent la performance économique et influencent négativement la structure politique du pays.

Dans de ce chapitre, nous allons expliquer la nature de la maladie hollandaise, les manières de l'identifier dans l'économie et ses symptômes dans l'économie de l'Iran. Puis, quelques solutions destinées à l’amoindrir ou à l’éliminer vont être présentées. Ces solutions sont en fait des procédés et des stratégies convenables pour bénéficier au mieux de la manne des revenus pétroliers.

3-1 Le phénomène de « dutch desease » : Concept et mécanismes

La maladie hollandaise apparaît quand les revenus commerciaux d’un pays augmentent considérablement à la suite du boom dans un secteur producteur de biens d'exportation (souvent les ressources minérales tels que le pétrole et le gaz), le boom serait une manne car il augmente la richesse de ce pays et améliore la balance des paiements. Cependant, et bien que l'augmentation du revenu national et l’amélioration de la balance des paiements restent convenables, certaines parties peuvent être affectées négativement, de sorte que la production et la rentabilité dans les secteurs échangeables diminuent. Cette réduction dans le domaine des productions des industries s'appelle la « désindustrialisation »142 et, dans le domaine des produits émanant de l'agriculture, la « désagriculturisation »143.

141 Ross, Michael L. (2001): Does Oil Hinder Democracy?, in: World Politics, 53 (April), pp. 325-361.

correspondant produit intérieur brut

du Elle se traduit généralement par une baisse de la part 142

au secteur industriel.

correspondant produit intérieur brut

Elle se traduit généralement par une baisse de la part du 143

. agricole au secteur

Le taux de change réel, obtenu par rapport aux prix des biens non échangeables à ceux des biens échangeables, est un outil qui peut nous montrer l’effet du boom inattendu de l'exportation des ressources naturelles (le pétrole dans le cas de l’Iran), sur la compétitivité économique du pays au niveau international. L’augmentation du prix des biens non échangeables par rapport à celui des biens échangeables se réalise selon deux processus :

- Dans le premier cas, assumer qu'on est dans le cas d'un petit pays, de sorte qu'il ait un compte de capital et une balance des paiements très équilibrés. Dans ce cas, l'augmentation soudaine des exportations de minéraux cause un excédent de la balance. Cet excédent augmente soit la valeur des devises à l'étranger, soit les prix intérieurs (en pesant sur les mécanismes monétaires). Cela dépend du système de taux de change du pays. Finalement, à cause de chacune des augmentations mentionnées, le taux de change réel et le prix des biens non échangeables par rapport à celui des biens échangeables augmentent ;

- Dans le deuxième cas, la hausse des recettes en devises augmente les revenus nationaux et la demande des biens échangeables et non échangeables. Considérant les faiblesses qui existent au niveau du marché intérieur, les gouvernements répondent, à court terme, en se mettant à importer pour combler le fossé entre l'offre et la demande et contrôler l'inflation. Bien entendu, cette importation correspond seulement aux biens échangeables, tandis que les biens non échangeables tels que les constructions, les routes… n’importent pas, l’offre en biens non échangeables étant constante à court terme. C'est pour cela que l'augmentation de l'offre, grâce à l'importation, fixe le prix des biens échangeables au niveau ou il était déjà. Au contraire, la hausse de la demande des biens non échangeables résulte d’une augmentation de leur prix. Donc, le résultat ultime des deux phénomènes précédents est l'augmentation relative du prix (la rentabilité) des biens non échangeables et le développement de ce secteur.

En supposant que l'exportation soit une fonction décroissante et l'importation une fonction croissante du taux de change réel, l'augmentation de ce dernier réduira l'attrait de l'exportation des minéraux chez les producteurs. De plus, cette augmentation du taux de change réel144 s’arrête à la diminution des frais intérieurs liés aux importations qui, à son tour,

144 Il convient de rappeler les définitions respectives du taux de change réel (TCR) et du taux de change effectif réel (TCER). L’indice du taux de change réel (TCR) se définit comme suit :

a pour effet d’augmenter le nombre des importations et peut nuire aux biens similaires produits au niveau national.

3-1-1 L'expérience hollandaise

À la suite de la découverte de grands gisements de gaz naturel pour la première fois aux Pays-Bas dans la région de Slochteren dans les années 60, la devise hollandaise a été fortement appréciée. Ceci, causé partiellement par l'augmentation de la valeur nominale, a conduit principalement à une hausse des salaires nominaux. Par cette augmentation, les industries d'exportation des Pays-Bas, sous la pression des hausses de salaires, ont réduit le volume de leurs exportations. D'un autre côté, l'augmentation des prix relatifs des biens non échangeables a orienté les éléments de production, tels que la main-d’œuvre et les investisseurs, vers les secteurs des services et de la construction. Par ce transfert et au cours des dix ou quinze années suivantes, les principales industries hollandaises ont disparu et les Pays-Bas ont perdu de leur compétitivité à l’international. Dans cette situation et afin de résister à la croissance non planifiée de la balance des comptes courants, causée par l'exportation du gaz naturel et par la diminution de l’exportation de cette source d'énergie, quelques solutions ont été adoptées pour employer l'excédent du compte capital. Malgré tout, la valeur de la monnaie nationale des Pays- Bas florin a finalement augmenté.

Bien entendu, le gouvernement, en adoptant des solutions destinées à contrôler l'entrée des capitaux, a aussi diminué le taux d'intérêt et préparé, ainsi, le champ des transferts de capital vers l'extérieur. De cette manière, il est parvenu à réduire peu à peu, puis à arrêter

TCR = (Pi/Pd)(R/R0) ; où :

Pi : indice des prix des biens internationaux (biens échangeables) à l’étranger ; Pd : indice des prix domestiques dans le pays considéré ;

R0 : le taux de change nominal de la période de base ; R : le taux de change nominal bilatéral.

Le TCR est un indicateur utile des comparaisons bilatérales de taux de change et de prix. Son inconvénient est qu’il n’englobe pas l’ensemble des relations commerciales d’un pays. C’est pourquoi on définit un indice de taux de change effectif réel (TCER) :

TCER = (Pi/Pd).n

où n est l’indice du taux de change effectif nominal, ce dernier étant la moyenne pondérée des indices de taux de

change nominaux. Lorsque le TCER s’apprécie (c’est-à-dire baisse), cela signifie, en l’absence de variation du taux de change effectif nominal, que les prix domestiques montent plus vite qu’à l’étranger. Ceci équivaut à une perte de compétitivité de l’économie et la balance commerciale se dégrade.

(Voir article publié dans "Revue du Chercheur,(2013), pp 1-13, BELLAL Samir Université de Guelma, Dutch disease et désindustrialisation en Algérie, une approche critique.)

l'augmentation du prix du florin. Cependant, la hausse qui s'est produite au niveau des salaires nominaux, a encore augmenté la distance entre les valeurs nationales et étrangères du florin et, par conséquent, sa valeur réelle est devenue beaucoup plus élevée que sa valeur nominale. À cet égard, le gouvernement, dans l'attente de réduire les coûts industriels et ceux de l'unité de travail, a fait des tentatives pour créer un champ adéquat pour les négociations sur les salaires, mais ces tentatives, contrairement à ce que l'on pensait, ont abouti à la hausse des coûts. De plus, les dépenses courantes du gouvernement ont créé un grand déficit budgétaire ; pour gérer ce problème, il a recouru à l'emprunt et à la hausse des impôts, mais cette action a accéléré l'augmentation des salaires et a permis, ainsi, à la « maladie hollandaise » de s’étendre.

3-1-2 L’expérience de l'Angleterre

Kay et Forsyth145 sont deux économistes dont le rapport expérimental, sur les effets de la découverte du pétrole dans la mer du Nord sur l'économie anglaise, est considéré comme le fondement des questions liées à la désindustrialisation en Grande-Bretagne. Selon ce rapport, quand une partie de la balance des paiements est considérablement améliorée par un boom pétrolier, on doit s’attendre à une crise dans une autre partie de la balance. Ainsi, à long terme un équilibre est créé.

En Angleterre, les industries manufacturières possèdent une part plus grande que celle des autres secteurs économiques dans la production des biens échangeables, donc les effets compensatoires exercent une mauvaise influence sur les industries manufacturières et réduisent leur partage dans l'économie. Ce phénomène s'appelle « la désindustrialisation »146.

À l'instar de l'expérience des Pays-Bas, l'augmentation du taux de change réel est ici aussi le mécanisme qui a provoqué ce changement de structure. D'ailleurs, plus l'augmentation du taux de change réel dépend de l'augmentation du taux de change nominal, plus la rentabilité des recettes pétrolières pour le pays est réduite.

145

FORSYTH P. J., KAY J. A., The economic implications of North Sea oil revenues, Fiscal studies, vol.1, july, 1980.

correspondant au produit intérieur brut

Elle se traduit généralement par une baisse de la part du 146

. secteur industriel

Ces deux auteurs, émettant l'hypothèse que tous les secteurs économiques ont potentiellement un même degré de rentabilité, ont conclu par leurs calculs qu’une augmentation de 5,5% de la production, qui est le résultat d'une augmentation de 10 millions de livres dans la valeur ajoutée du secteur pétrolier, aboutira à une diminution de 9,8% des biens que les industries manufacturières anglaises produisent. A cet égard, l'activité des secteurs de distribution et des services n’augmente que de 4,1%. Au contraire, le boom pétrolier mène au développement du secteur des biens non échangeables. Quant à la construction et les organismes gouvernementaux, deux secteurs non échangeables traités par cette évolution, ils subissent chacun une augmentation de 8%.

Les auteurs indiquent qu’un pourcentage de diminution dans les productions manufacturières correspond à la destruction de 70.000 emplois. Pour résoudre ce problème, ils proposent d’investir suffisamment de recettes excédentaires dans les capitaux nationaux.

3-2- Le modèle central de la « maladie hollandaise » : l'effet des dépenses et l'effet de transfert des ressources

Dans le modèle classique147 de la « maladie hollandaise », on considère une petite économie ouverte, divisée en trois secteurs : le secteur en plein essor, le secteur qui produit des biens échangeables au niveau international et le secteur qui produit des biens non échangeables pour lequel le prix est déterminé par l'offre et la demande intérieure. Les hypothèses principales de ce modèle sont :

1- Tous les biens sont produits pour la consommation finale,

2- Le modèle considère seulement les variables réelles et néglige les variables monétaires, 3- Il n'y a pas désordre sur le marché du travail et les facteurs de production, les salaires réels sont tout à fait flexibles,

4- La main-d’œuvre et le capital fixe sont les facteurs qui sont mobiles entre les différentes parties.

147 CORDEN W. M., NEARY J. P., Booming sector and de-industrialisation in a small open economy, Economic

La « maladie hollandaise » apparaît avec l'augmentation des revenus d’un secteur en plein essor. Dans le modèle classique de la maladie, quand un secteur se développe, il influence toutes les autres parties de l'économie par deux manières : l'effet de transfert des ressources148 et l'effet des dépenses149.

L’effet de transfert des ressources (figure n°13) : apparaît lorsque surgit un boom sectoriel. À la suite de ce boom, le produit marginal du travail augmente dans le secteur concerné, de sorte qu’à salaire constant en termes de biens échangeables, la demande de main d’œuvre dans ce secteur croît, d’où un transfert de main d’œuvre vers celui-ci. C’est ce que Corden et Neary (1982) appellent « l’effet de transfert des ressources ».

Sur le marché des biens, l’effet de déplacement des ressources engendre une diminution de la production des services et des produits manufacturés. Un excès de demande dans les secteurs produisant ces derniers va s’en suivre. Le taux de change réel va s’apprécier pour éliminer l’excès de demande dans le secteur des biens non-échangeables, ce procédé influe indirectement l'industrie et l'affaiblit. Généralement, l'effet de transfert des ressources dans le modèle classique affaiblit l'industrie directement ou indirectement

148 Cet effet a peu de chance de se produire dans le cas d’une aubaine, à moins de considérer que celle-ci va à son tour provoquer un boom dans un secteur productif.

149

L’effet de dépense définit quant à lui le transfert de la main-d’œuvre du secteur en retard vers le secteur des biens non commercialisables. En effet, suite à l’augmentation des revenus salariaux dans le secteur en plein boom, la demande de biens non commercialisables (donc domestiques, type services) augmente fortement, alimentant ainsi l’inflation et la demande en main d’œuvre de ce secteur.

Produit marginal du