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Y a-t-il de bonnes ou de mauvaises finances locales de la même façon qu’on parle

Le mauvais commerce caractérise le fait qu’un territoire exporte essentiellement des matières premières ; le bon commerce a trait à l’exportation de produits plus diversifiés, notamment des produits finis, de sorte à bénéficier des effets du multiplicateur de valeur ajoutée liés au processus d’industrialisation, et dont les conséquences sont l’amélioration de la maîtrise technologique, la création d’emplois mieux rémunérés, la diversification des activités économiques, l’apparition d’une classe moyenne ayant un pouvoir d’achat suffisant pour enclencher le cercle vertueux de la diversification de l’économie, etc.

Sous l’angle des recettes, on admet que plus les ressources propres sont élevées par rapport au montant total des ressources des collectivités locales, plus le niveau d’autonomie des finances locales est assuré ; plus la part des impôts et taxes parmi les ressources propres est élevée, plus l’autonomie financière des collectivités locales a un caractère soutenable.

Sous l’angle des dépenses, on considère que plus la part des dépenses de fonctionnement est importante dans le total des dépenses des collectivités locales, moins ces dernières ont une capacité d’autofinancement et des marges de manœuvre pour investir et assurer la promotion du développement local. Sur cet aspect, l’expérience africaine montre une situation très contrastée avec d’un côté du spectre, l’Egypte où il n’y a pas de taxes et impôts propres, et où l’essentiel des ressources des collectivités locales viennent des impôts partagés avec l’Etat et des transferts de l’Etat, et de l’autre côté, la Zambie où l’essentiel des ressources est constitué des taxes et impôts propres, la moyenne africaine des ressources des collectivités locales étant distribuée comme suit :

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45% de taxes et impôts propres ; 2% de taxes et impôts partagés avec l’Etat ; 33% de transferts inconditionnels de l’Etat ; 20% de transferts conditionnels de l’Etat.

Répartition des dépenses dans les budgets locaux (2007)

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a) Le pouvoir fiscal des collectivités locales

De manière générale, on observe que plus de 50%

des revenus des collectivités locales d’Afrique pro-viennent des transferts de l’Etat ou des ressources partagées avec l’Etat. D’où l’importance d’une réflexion globale sur le partage des finances publiques entre Etat et collectivités locales. Le par-tage des finances publiques se fait généralement à travers trois modalités : (a) La reconnaissance d’un

La reconnaissance d’un pouvoir fiscal aux collectivités locales prend deux formes principales :

- La définition par la loi des impôts et taxes propres aux collectivités locales (par exemple foncier bâti et non bâti ; patente ; taxe professionnelle ; taxe d’édilité).

- La fiscalité partagée entre l’Etat et les collectivités locales (centimes additionnels sur les impôts d’Etat ; ou partage du produit de l’impôt collecté nationalement et dont la part qui leur revient est répartie entre les collectivités locales selon des critères préétablis).

Au Nigéria, une partie de la TVA est reversée aux collectivités locales selon les critères suivants : 50% du montant distribué équitablement aux collectivités locales, 30 % suivant le chiffre de la population et 20%

suivant la contribution de la collectivité au niveau de la collecte de la TVA. En République Démocratique du Congo (RDC), la Constitution prévoit d’allouer aux provinces 40% des impôts nationaux collectés sur leur territoire. Au Gabon, l’Etat transfère aux collectivités locales 9% de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) collectés sur leurs territoires respectifs. Au Maroc, les collectivités locales reçoivent environ 30% du montant total de la TVA collectée au niveau national. Dans le cas de ce dernier pays, la part revenant aux collectivités locales comprend deux parties : 70% sont répartis entre collectivités suivant des critères préétablis et négociés en principe entre Etat et collectivités locales ; 30% sont mis en œuvre au profit des collectivités locales à l’initiative de l’Etat pour couvrir les dépenses transférées par l’Etat (15%), les projets intercommunaux (10%), et les dépenses exceptionnelles et conjoncturelles (5%).

Jean-Pierre Elong Mbassi pouvoir fiscal propre aux collectivités locales alliée ou non à la pratique de la fiscalité partagée entre Etat et collectivités locales ; (b) Les dotations de l’Etat aux collectivités locales (transferts non conditionnels) ; (c) Les crédits affectés par l’Etat aux collectivités locales pour une utilisation précise (transferts conditionnels).

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44 b) Les transferts inconditionnels

c) Les transferts conditionnels

Il s’agit essentiellement des fonds de dotation, de pratique très courante. Les fonds de dotation représen-tent en moyenne le tiers des ressources des collectivités locales (40%). Ces fonds permetreprésen-tent à l’Etat de réguler le système de financement local et d’assurer la péréquation entre collectivités compte tenu de leurs dotations différenciées, ainsi que d’équilibrer les comptes des collectivités locales, en apportant notam-ment un soutien aux petites collectivités.

L’Afrique du Sud est le pays africain qui a poussé le plus loin la question des transferts inconditionnels.

La constitution prévoit de répartir équitablement (equitable share) le revenu national entre Etat et collecti-vités locales. L’Intergovernmental Fiscal Act de 1997 prévoit que la loi fixe chaque année le partage des revenus entre Etat, Provinces et Collectivités locales, en fonction des priorités budgétaires définies par le gouvernement. Les provinces bénéficient d’une part équivalente à celle de l’Etat (40% chacun), le reste (soit 20%) allant aux collectivités locales. Ce système est appliqué à la moitié des transferts. L’autre moitié est allouée pour le financement des investissements d’infrastructures municipales, mais sa répartition est assurée par l’Etat pour éviter le risque de dérives clientélistes.

Les effets de la crise et les tensions qu’elle produit sur les finances publiques ont cependant pour consé-quence l’orientation à la baisse des transferts inconditionnels, ce qui laisse envisager des difficultés futures pour les finances locales si l’on n’en modifie pas profondément la structure.

Cette forme de transfert semble privilégiée par les Etats, en ce que les transferts conditionnels permettent de mieux canaliser les efforts des collectivités pour la mise en œuvre des politiques nationales. L’exemple typique de l’Afrique du Sud où la moitié du revenu national est alloué par l’Etat aux investissements muni-cipaux illustre bien cette tendance. On peut aussi ranger dans cette catégorie les facilités accordées aux collectivités par les Etats pour la conclusion d’accords de partenariat public/privé dans le domaine de la mise en place d’équipements et d’infrastructures ou de la fourniture des services de base aux populations.

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En conclusion, répondre à la question de savoir si l’on est en face de bonnes ou mauvaises finances locales revient en réalité à se poser la question de la réforme des finances locales pour une plus grande autonomie financière des collectivités locales, condition sine qua non pour l’amélioration de la gouvernance de ces collectivités. L’appréciation générale de la situation en Afrique est que les finances locales sont actuellement mauvaises car l’Etat garde les ressources et les impôts les plus ren-tables et les plus faciles à collecter, et délègue aux collectivités les ressources les moins rentables et les plus difficiles à collecter. Les faibles performances de la fiscalité locale ont ainsi conduit de nombreux pays à envisager d’autres solutions, comme l’adossement de la collecte des impôts locaux sur le rendement de la fiscalité nationale. C’est ce qu’on appelle le principe de dérivation. Ce principe

s’applique notamment pour le partage de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). L’application de ce prin-cipe apporte une amélioration incontestable dans la capacité de mobilisation des ressources au profit des collectivités locales.

Ces avancées indéniables sont pourtant diverse-ment appréciées par les collectivités locales. Cela est dû en grande partie à la relative opacité qui entoure la connaissance du niveau des ressources à partager et les modalités de partage de ces ressources. D’où des demandes répétées des autori-tés locales, que CGLU-A soutient, visant à mettre en place des mécanismes paritaires pour la gestion des ressources partagées entre l’Etat et les collecti-vités locales, ce qui implique aussi une mise à niveau des collectivités locales par rapport à l’information fiscale.

3. Y a-t-il un niveau optimal d’organisation des finances publiques permettant