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Chapitre 1 : analyse des données

1.1 Analyse des activités réflexives favorisant une meilleure prise en compte de la biographie langagière

1.1.1 Le bonhomme des langues

Elisabeth VERDIER – Mémoire de MASTER 2- Didactique du Français Langue Etrangère – juillet 2017 TROISIEME PARTIE : éclairages sur l’appropriation d’une langue seconde à travers la pratique d’un journal de bord sommaire

Chapitre 1 : analyse des données

1.1 Analyse des activités réflexives favorisant une meilleure prise en compte de la biographie langagière

Muriel Molinié, pour expliquer ce qu’est la biographie langagière, appelée aussi « récits de vie plurilingue », met l’accent sur deux finalités : « la biographie langagière désigne désormais toute production langagière de l’apprenant lui permettant d’une part, de valoriser les apprentissages qu’il a réalisés dans le domaine des langues et cultures au contact des autres, et d’autre part, de développer son répertoire plurilingue, pluriculturel »62. Cette notion est définie dans le Guide pour la recherche en didactique des langues et des cultures :

« Biographie langagière (BL) : outil privilégié d’une didactique du plurilinguisme, la BL repose sur la

capacité de l’individu à relater les éléments constitutifs de son expérience dans les domaines linguistique et culturel. En contexte didactique, la réalisation de BL développe, chez l’apprenant de langues, la conscience selon laquelle ses apprentissages linguistiques gagnent à être reliés les uns aux autres, en diachronie (dans son histoire), et en synchronie (à un moment T de son répertoire culturel). La BL développe la capacité du sujet du langage à construire du sens à partir des composantes disparates de sa propre identité linguistique et culturelle, en interaction avec d’autres, et à développer son répertoire plurilingue, pluriculturel »63.

Cette approche s’appuie sur les parcours et mobilités plurilingues des apprenants et est complémentaire du journal de bord puisqu’il est lui-même un récit de vie. Il favorise l’exploration de son histoire tout en étant ancré dans la chronologie des séances d’écriture au quotidien. C’est la raison pour laquelle j’ai mis en place des activités langagières tout au long de l’année, en particulier le travail sur les silhouettes autour des langues ainsi que trois dessins réflexifs.

1.1.1 Le bonhomme des langues

62 Op.cit., p. 45, in Introduction. 63

53 Elisabeth VERDIER – Mémoire de MASTER 2- Didactique du Français Langue Etrangère – juillet 2017 La séance sur l’activité du bonhomme des langues a été réalisée en classe sur une 1h le 3 février 2017. L’écriture du journal de bord était bien installée, sachant que le démarrage s’est fait en décembre, une fois le dispositif tablettes efficient. Nous avions travaillé sur les présentations, les goûts et les émotions, sur le lexique du corps et chacun avait situé son pays sur une carte. L’objectif était de prendre la mesure des langues qui circulent en soi et avec les autres, après quelques mois en France pour la plupart. Je souhaitais sortir de la phase où ils étaient davantage centrés sur leurs propres parcours. Après avoir fait le tour des langues de la classe, je leur ai demandé de faire le point sur leurs propres langues en les représentants sur un bonhomme. La consigne était : « montre sur un bonhomme où tu mettrais les langues ». Cette tâche les installe dans une posture réflexive en résonnance avec celle qui est convoquée dans le journal de bord. Pour le réaliser, ils ont eu le choix entre le dessiner ou le créer à la tablette. Je les ai sentis impatients d’ouvrir leur « book » et de la manipuler. Tous ont d’ailleurs travaillé avec le numérique. Je me suis volontairement écartée le temps de la réalisation pour laisser libre cours à leurs échanges sur leurs travaux ou bien pour s’entraider dans la réalisation. Puis, ils ont pris la main (correspond à une manipulation sur la tablette pour basculer l’écran de leur tablette sur celui projeté au tableau, avec une borne apple TV) chacun à tour de rôle pour projeter leur création. Pendant cet échange, je suis restée attentive aux réactions face à la découverte des langues des autres et où ils avaient placé le français. Un élève n’a pas souhaité le montrer : il avait placé seulement le russe sur son cœur… Le but de la synthèse collective était de leur faire prendre conscience de leur répertoire langagier personnel et de s’ouvrir à celui des autres. Du fait de cet échange et de la durée courte de l’activité, je n’ai pas procédé à des entretiens individuels ensuite.

Parmi les réalisations, le premier exemple64 montre un bonhomme sans expression du visage, tandis que certains ont, soit choisi une bonhomme avec une figure, soit travaillé l’image avec une application qui permet de dessiner. Sans hésitation, cette élève a situé les langues avec l’objectif de remplir tout l’espace libre. Elle n’a pas souhaité mettre de couleurs. L’espagnol, le russe et l’anglais au niveau de la tête sont de taille plus grande ainsi que sur la partie haute du corps. La langue de « Valence » (je reprends sa façon de la désigner par le nom de la ville) apparaît à l’envers. Et le français dans tout cela ? Il est situé en petit sur la main qui lui sert à écrire et en bas dans les jambes. Dans son texte qui accompagne le bonhomme, elle donne l’impression de ne pas faire de liens entre l’école même si elle précise qu’elle parle un peu avec sa maman. J’ai remarqué qu’elle a un accent très prononcé en

54 Elisabeth VERDIER – Mémoire de MASTER 2- Didactique du Français Langue Etrangère – juillet 2017 espagnol, qu’elle tient à conserver. Durant deux mois après son arrivée, elle répondait systématiquement en espagnol ou dans un anglais mélangé à l’espagnol.

J’ai choisi l’exemple suivant65 à cause de ma surprise quand l’adolescente est venue d’elle- même me montrer son travail à mon bureau. Elle a pris l’initiative de choisir un téléphone comme « bonhomme » et a relié différentes parties aux langues. Au « cœur », elle a placé l’italien qui est sa langue parlée. Ses parents s’expriment en arabe et ont appris l’italien quand ils se sont installés en Italie. Elle comprend et « écoute » l’arabe mais le parle moins. Avec ses amis en France, elle discute en français, d’où la langue française placée à l’endroit où l’on parle au téléphone. Elle a ajouté qu’elle avait mis l’anglais sur le côté car elle l’apprend à l’école et que « c’est pour les séries et les musiques ».

Eveiller leur conscience pour ensuite interroger la place du français : telle était la finalité de cette première activité. Cette séance a été l’occasion d’échanger autour de leurs représentations et surtout de se rendre compte que le français occupait déjà une place parmi les autres. Ils ont montré beaucoup d’enthousiasme durant cette séance.