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Les boites à outils d’advocacy

Dans le document L'advocacy des bibliothèques (Page 39-44)

L’ALA est partie du constat que les institutions officielles n’étaient pas forcément les mieux placées pour instaurer des démarches d’advocacy à même de peser sur les politiques publiques. Le réservoir d’énergie se situe plutôt sur le terrain, où chaque jour, des bibliothécaires travaillent à fournir et améliorer des services essentiels aux membres de leur communauté. Ils sont souvent sincèrement passionnés par leur travail et ont accumulé au cours de leur activité des milliers de belles histoires qui illustrent la valeur

66 Geek the Library: A Community Awareness Campaign, Online Computer Library Center, [en ligne <

et l’importance des bibliothèques. Cependant, ils n’ont pas toujours l’opportunité de choisir une approche adaptée pour faire passer la richesse de leur message aux usagers, à leurs amis ou leurs familles.

C’est Camila Alire, la présidente de l’assocation de 2009 à 2010 qui est à l’origine de la notion de frontline advocacy – autrement dit, l’advocacy de ligne de front. Son initiative consiste à fournir tous ceux et celles qui agissent sur la « ligne de front », c’est à dire ceux qui travaillent en contact avec le public, des outils pour devenir des avocats de la cause des bibliothèques et des ambassadeurs de leurs valeurs, au quotidien. Pour ces professionnels qui travaillent dans les bibliothèques publiques ou universitaires ainsi que dans les écoles, l’ALA a travaillé à fournir des boites à outils dédiées à advocacy. Elle les a spécifiquement déclinés en fonction des publics qui fréquentent généralement ces différents types d’établissement.

Le kit d’advocacy s’adresse donc aux personnels de bibliothèque. Il se compose de deux grandes parties avec un moment explicatif et un moment opérationnel.

Moment théorique

L’exposé détaille les enjeux de l’advocacy de ligne de front : les bibliothèques ont besoin d’avocats en lien direct avec le public. Sans être démagogique, la boîte à outils explique qu’un usager peut fréquenter des années un établissement sans jamais rencontrer les cadres supérieurs, membres du conseil d’administrations, élus qui font que la lecture publique fonctionne au quotidien. Il rencontre en revanche l’agent, le bibliothécaire qui officie en banque de prêt ou de retour. C’est pourquoi il est important que ce soient également ces personnes qui portent le message des bibliothèques, en affichent les valeurs.

L’ALA développe un discours qui implique directement le lecteur du kit, afin de le rallier à l’effort d’advocacy. Parce qu’il est un membre du personnel de la bibliothèque, il la connaît mieux que quiconque. Qu’il soit en poste depuis six mois ou trente ans compte assez peu. Ce qui est essentiel en revanche du point de vue de l’advocacy, c’est la valeur du service rendu au public, ce sont les multiples connections sociales tissées avec des amis, des voisins, des collègues ou tout simplement avec la famille. Le bibliothécaire est un lien entre la bibliothèque qu’il représente par son travail et la communauté, la ville, la région dans laquelle elle s’intègre. En connaissant l’environnement extérieur de son établissement, il saura comment interagir efficacement avec lui et promouvoir la lecture publique.

Il est rappelé que sa contribution est d’autant plus précieuse que la situation économique actuelle des Etats-Unis est difficile. Alors que les Américains vont plus souvent à la bibliothèque pour profiter des ressources en accès libre et pour emprunter des documents, elles sont en même temps forcées de réduire leurs horaires d’ouverture, de licencier leur personnel ou parfois même de fermer. Si les réductions budgétaires semblent inévitables, leur ampleur reste encore sur la table de négociation. Les décideurs politiques écouteront les électeurs, mais encore faut-il que quelqu’un leur porte le message des bibliothèques et fasse entendre leur voix. C’est pour cette raison que chaque employé est invité à partager ce qui fait sa vision du métier et des valeurs qu’il véhicule à toutes les personnes qui l’entourent.

C’est après avoir fait un tour rapide des enjeux de l’advocacy de ligne de front que la boîte à outils en détaille les implications pratiques.

Moment pratique

En quoi consiste concrètement l’advocacy de ligne de front pour un bibliothécaire ? Sous cette appellation aux connotations militaires, se cache en fait deux démarches

simples, applicables au quotidien. C’est d’abord rappeler aux gens la gamme de ressources, d’activités et la valeur que la bibliothèque peut représenter pour eux. Ensuite, c’est véhiculer un certain message éthique autour de la lecture publique, prendre position par rapport à un événement ou un fait d’actualité qui concerne les bibliothèques. C’est une gymnastique quotidienne qui permet de s’améliorer et de détecter avec de plus en plus d’acuité les occasions de valoriser l’activité des bibliothèques sans que ce soit lourd, maladroit, ou encore déplacé. L’advocacy de ligne de front est facile d’usage car il amène des opportunités d’aider les usagers et ses proches, amis et connaissances. L’idée est de créer les occasions d’une rencontre entre les besoins pratiques des gens et les ressources de la bibliothèque. Le kit d’advocacy développé par l’ALA donne d’ailleurs quelques exemples pratiques :

• si un voisin songe à remplacer les fenêtres de sa maison mais qu’il a du mal à se retrouver dans la diversité de l’offre, le bibliothécaire peut simplement lui dire : « viens à la bibliothèque, nous avons beaucoup de livres de bricolage et de magazines d’aide à la consommation qui évaluent les marques et les produits entre lesquels tu hésites. » ;

• si un membre de la famille du bibliothécaire se retrouve au chômage, il peut lui faire savoir que la bibliothèque propose un accès gratuit aux sites de recherche de travail ainsi que des ateliers spécifiques pour améliorer son employabilité : aide à la création de curriculum vitae, conseils pour les entretiens d’embauche, formation à de nouvelles compétences… ;

• si d’aventure, un professionnel rencontre un nouvel arrivant dans la ville, il convient de s’assurer qu’il est au courant des activités que la bibliothèque dédie aux enfants et aux adultes ;

• si l’employé connaît personnellement des adolescents qui sont usagers réguliers de la bibliothèque, il doit les convaincre d’y amener ses amis et de leur faire découvrir tout ce qu’elle a à leur offrir.

On voit donc ici que l’objectif est d’amener des rencontres naturelles entre les membres de la communauté et la bibliothèque. Chacun peut y trouver une valeur tout personnelle susceptible de se transformer, en période de crise, en un soutien précieux.

Si l’advocacy de ligne de front se décline plutôt au niveau du personnel, de façon empirique et sur une base quotidienne, il ne se doit pas faire l’économie d’une planification et d’une vision plus stratégique. C’est le rôle des cadres des bibliothèques que d’amener cette vision plus générale. La direction a un vrai rôle à jouer en s’assurant que tous les membres du personnel comprennent :

• à quoi correspond l’advocacy de ligne de front, quel est son objectif et en quoi il est réellement important ;

• comment adapter les enjeux de cette pratique au contexte particulier de la bibliothèque ;

• comment et en quoi ils sont précieux à l’établissement ;

• comment et en quoi la bibliothèque est précieuse à la ville et à ses habitants; • en quoi une succession de petites actions positives réalisées par le personnel

amène un impact essentiel sur les usagers de la bibliothèque et les membres des la communauté.

Au delà de ces aspects de management, créer un plan d’advocacy de ligne de front implique que l’on ait défini des objectifs et une stratégie pour les atteindre, que l’on ait réfléchi au message à délivrer, à la manière de coordonner les efforts de chacun. L’ALA

met à disposition un document67 préétabli pour aider les cadres des bibliothèques à adopter directement les bons réflexes. Il se compose d’une série de questions qu’il convient de se poser avant de lancer la démarche :

• quel est le but de l’entreprise, quels sont les objectifs poursuivis ? ; • quels sont les moyens que l’on se donne pour les atteindre ? ;

• Quel est le message ? Il doit être particulièrement concis et percutant (quinze mots maximum) ;

• Sur quelles bases concrètes s’appuie ce message : informations spécifiques sur la bibliothèque, histoires vraies tirées du quotidien, anecdotes… ;

• Quel est la cible du message : usagers, non usagers, adolescents, adultes… ; • Qu’est-ce qui fait que le message pourrait concerner et donc intéresser

directement ces différentes cibles ? ;

• Quels seront les mediums qui véhiculeront le message ? En d’autres termes, quelles seront les occasions préétablies d’établir un contact privilégié avec les usagers ?

Formaliser une stratégie dans un document permet de prendre le temps de réfléchir au lieu de s’éparpiller dans toutes les directions. Ce temps de préparation aide à déterminer quels sont les meilleurs éléments dans l’équipe pour orienter et coordonner la démarche, quelle sera la méthode et les outils employés. Il constitue également l’occasion de détailler les opportunités pour chaque employé, à tous les niveaux de l’organigramme, de participer à cette démarche d’advocacy. Enfin, c’est l’occasion de prendre du recul et de replacer la bibliothèque dans son contexte : un simple tableau SWOT68 permet de dégager ses forces, ses faiblesses, ses opportunités et ses menaces. Cette analyse aidera à intégrer l’advocacy de ligne de front dans un cadre directeur indispensable à son efficacité.

Cette efficacité a d’ailleurs attiré l’attention de la Canadian Library Association puisqu’elle propose elle aussi une boite à outils d’advocacy similaire à celle lancée par Camila Alire lorsqu’elle était présidente de l’ALA.

L’exemple canadien

La boite à outil d’advocacy de la Canadian Library Association est une version quelque peu édulcorée de sa grande sœur américaine. Baptisée LAN !69, elle se présente sous la forme d’une page de présentation et d’un portail de ressources encore en chantier puisque certaines rubriques restent vides. La page d’introduction présente brièvement en quoi consiste la démarche d’advocacy, en quoi elle a besoin du soutien actif de chaque professionnel des bibliothèques. Sur le plan de la formation, elle marque une évolution intéressante et logique en s’ouvrant à tous : les ressources du programme, avant dispensées sous formes de conférences où les bibliothécaires devaient faire l’effort de se déplacer, sont désormais en accès libre via le portail. Elles se composent de trois rubriques :

1. un argumentaire général à propos des bibliothèques canadiennes qui rassemble

des faits remarquables sous forme de chiffres et de phrases-choc : quotable

67 Frontline advocacy plan, American Library Association, [En ligne]

<http://www.ala.org/ala/issuesadvocacy/advocacy/advocacyuniversity/frontline_advocacy/worksheets/worksheet_plan.doc> Consulté le 24 septembre 2011.

68 Strenghts, Weaknesses, Opportunities, Threaths, American Library Association. [en ligne]

<http://www.ala.org/ala/issuesadvocacy/advocacy/advocacyuniversity/frontline_advocacy/worksheets/worksheet_swot.doc> Consulté le 24 septembre.

69 Library Advocacy Now !.Canadian Library Association. [en ligne] < http://www.cla.ca/divisions/capl/advocacy/> Consulté le

quotes70. Par exemple : « il y a trois fois plus de bibliothèques publiques que de

restaurants McDonald’s au Canada. » ; « 100% des bibliothèques publiques offrent désormais un accès à Internet » ; « Statistiquement, les Canadiens qui fréquentent la bibliothèque sont plus nombreux que tous ceux qui jouent au golf, au hockey sur glace, au baseball et font de la natation cumulés ! » ;

2. Sur le mode du Storytelling, une page nommée Success Stories : encore en

chantier, elle devrait néanmoins rassembler des anecdotes que feraient remonter les professionnels des bibliothèques. Ces histoires seraient des exemples concrets sur le rôle important des établissements de lecture publique dans l’épanouissement personnel et professionnel des usagers ;

3. Une page de ressources pratiques qui renvoie sur des programmes extérieurs

comme la version canadienne de @yourlibrary, Library Lovers’Month et de sites de goodies (pin’s, badges et tee-shirts). Il est néanmoins regrettable que la plupart des liens soient brisés ou obsolètes, et conduisent le visiteur vers des erreurs 404 ;

4. Une liste de personnes ressources rompues aux techniques de l’advocacy : là

encore, il est dommage qu’elle ne s’accompagne pas de leurs coordonnées téléphoniques ou mail.

Mais la ressource essentielle du programme LAN ! est son training book, autrement dit son guide pratique71. Censé constituer une aide précieuse pour planifier et adapter des plans d’advocacy dans sa bibliothèque, il est depuis très récemment accessible en ligne.

L’exemple australien

Dans une forme sans doute plus aboutie que dans la version canadienne, l’Australian Library and Information Association propose une rubrique advocacy sur son site internet. Son grand mérite est de proposer directement une palette de ressources facilement accessibles et organisées par thèmes. Par exemple l’association édite annuellement un dossier de presse72 qui regroupe un aperçu des meilleures pratiques, des évènements ou des initiatives innovantes du monde des bibliothèques australiennes. Avec soixante exemples, ce dossier vise à mettre en valeur l’excellence dans le secteur de la lecture publique, à inspirer les professionnels, à les encourager dans leur prise d’initiative et enfin à générer des partenariats avec les différents acteurs dans la société. Les études de cas regroupées dans le dossier se rapportent pour la plupart à quatre grands thèmes éthiques de l’advocacy des bibliothèques :

- L’apprentissage et le développement de la lecture chez les enfants ; - La promotion de l’économie et de la citoyenneté numérique ;

- La santé et le vieillissement ; - La lutte contre l’exclusion sociale.

Le reste des études concernent la protection de l’environnement, les anecdotes provenant de familles d’usagers et le lancement de services innovants. Il est à noter qu’à l’instar des Etats-Unis, la démarche est participative : chaque membre de la profession est un avocat de la cause des bibliothèques, il est donc invité à partager et à faire remonter les bonnes pratiques via une adresse mail : advocacy@alia.org.au.

70 Quotable quotes Canadian Library Association. [en ligne] <http://www.cla.ca/divisions/capl/advocacy/quotes.htm> Consulté le

1er octobre 2011

71 Library Advocacy Now! A Training Program for Public Library Staff and Trustees. Canadian Library Association. [En ligne] <

http://www.cla.ca/divisions/capl/advocacy/lanworkbook.pdf> Consulté le 12 octobre 2011.

72 Public Libraires : a surprise on every page, Australian Library and Information Association, [En ligne]

L’exemple de Seattle : susciter le consensus

Dans le document L'advocacy des bibliothèques (Page 39-44)