I.4. Stratégie pour cibler les CSCs
I.4.2. Blocage de l'auto-renouvellement
I.4.2.1. Induction de la différenciation
Il a été démontré que les traitements conventionnels étaient efficaces sur les CCs
différenciées. En revanche, la SP des CSCs dédifférenciées résiste à ces traitements. La
thérapie de différenciation consiste donc à forcer les CSCs à se différencier et à perdre leur
32 des médicaments pro-différenciateurs pourrait avoir des implications thérapeutiques
prometteuses en diminuant la tumorigénécité des cellules (Massard et al., 2006).
Parmi la grande panoplie d’agents anticancéreux étudiés, seulement quelques-uns affectent la
différenciation des CSCs à savoir, l’AR, la BMP (Bone Morphogenetic Protein) et les agents
ciblant l’épigénétique tumorale. Le seul agent de différenciation utilisé dans la pratique
clinique est en fait l'AR. Ce composé est connu en tant que modulateur puissant de la
différenciation et de la prolifération cellulaire en se liant à son récepteur (RAR). L’acide
rétinoïque s’est ainsi avéré être un agent anti-tumoral puissant dans le traitement de certains
cancers. A titre d’exemple, la leucémie myéloïde aiguë est devenue une maladie curable grâce
à l’utilisation d’ATRA (all-trans-retinoic-acid) en association avec la chimiothérapie
conventionnelle (Ohno et al., 2003).
Alternativement, l’inhibiteur de l’histone déacétylase HDAC, SAHA (Suberoylanilide
Hydroxamic Acid) est connu pour entraîner la différenciation de plusieurs lignées de CSCs.
Par ailleurs, il a été décrit qu’in vitro, l'AR peut induire une différenciation dans plusieurs
types de cellules telles que les cellules embryonnaires, les tératocarcinomes ou les
mélanomes. Cependant, l’effet pro-différenciateur de l’ATRA est limité dans certaines
tumeurs solides, probablement en raison de la répression épigénétique du RAR1J& =.*0.;&
l’augmentation de RARß et l’activation des gènes situés en aval de celui-ci peut aider à
optimiser l'utilisation de l’acide rétinoïque dans le traitement des tumeurs solides (Connolly et
al., 2013). Ces stratégies fournissent donc des approches nouvelles et prometteuses pour
cibler les CSCs dans le traitement du cancer. La combinaison de plusieurs thérapies devrait à
terme permettre de forcer les CSCs à se différencier, à perdre leur capacité
d'auto-renouvellement. Cette multi-thérapie pourrait finalement avoir les avantages d'une efficacité
33 I.4.2.2. Ciblage direct de l’auto-renouvellement
Les voies de signalisation de régulation de l'auto-renouvellement, de la prolifération et de la
différenciation sont essentielles pour les CSNs. Cependant, l'activation aberrante ou le
dérèglement de ces voies clés peuvent conduire à la formation de CSCs. Les voies
extrinsèques de l'auto-renouvellement les plus importantes sont les voies Hedgehog, Notch et
Wnt/ß-catenin (cf. § 1.3.3.1.1). Par conséquent, ces voies de signalisation constituent une
nouvelle cible stratégique pour le traitement du cancer (Voir figure 8, Maugeri-Sacca et al.,
2011)
Figure 8 : Les stratégies pharmacologiques permettant de cibler les CSCs.
Les signaux d'auto-,(*-3O(22(@(*+& 9-@@(& U(':(H-:;& D-+9H& (+& 5*+61-caténine peuvent être contrecarrés par des agents moléculaires, à savoir les molécules de liaison au ligand, les antagonistes de récepteurs ou les inhibiteurs des effecteurs intracellulaires (d’après Maugeri-Sacca et al., 2011).
34 De plus, plusieurs facteurs intrinsèques régulent l’auto-renouvellement et la différenciation
des CSs pour maintenir leur pluripotence, en particulier les facteurs Oct4, Nanog et Sox2. La
dérégulation de ces facteurs entraîne la tumorigénicité (cf. § 1.3.3.1.2,). La surexpression de
ces facteurs de pluripotence, et en particulier le facteur Oct4, a été impliquée dans la
croissance, la formation de métastases et la pharmaco-résistance aux traitements
conventionnels dans de nombreux cancers. Les agents pharmacologiques anticancéreux
permettant de cibler l'activité d'Oct4 constitue donc une approche thérapeutique prometteuse
dans le traitement des tumeurs agressives, d’autant plus qu’Oct4 joue un rôle primordial dans
la dédifférenciation des cellules somatiques et la réactivité des CSCs (voir figure 9).
Figure 9 : Les réseaux de régulation d’Oct4.
Les voies de régulation de l’expression d’Oct4 constituent des cibles potentielles pour les composés pharmacologiques. Voir le détail des mécanismes de régulation d’Oct4 au § 1.3.3.1.2.1. La méthylation du promoteur d’Oct4 et les modifications spécifiques dans l’histone H3 peuvent également conduire à la répression d’Oct4 (d'après Sharif Tanveer, 2011)
35 I.4.3. Ciblage des marqueurs de surface des CSCs
Les marqueurs utilisés pour isoler les CSCs sont des cibles potentielles pour des thérapies
anticancéreuses. De nombreuses tumeurs expriment fortement le marqueur de surface CD133.
Son expression est notamment associée à une forte résistance aux traitements de
chimio-radiothérapie. Il a été démontré que la suppression de l’expression de CD133 par des shRNA
dans les mélanomes métastatiques entraînait une réduction de la croissance, de la motilité, et
donc de la capacité à former des sphères et des métastases. L’utilisation des anticorps
anti-CD133 pour traiter les mélanomes humains a ainsi montré un effet cytotoxique
dose-dépendant. De ce fait, le CD133 représente non seulement un marqueur de CSCs, mais
également une cible thérapeutique importante pour plusieurs types de cancers agressifs
exprimant le marqueur de surface CD133, notamment les mélanomes (Rappa et al., 2008).
L’ALDH constitue un marqueur d’identification des CSNs et CSCs. Il peut agir comme une
enzyme de détoxification des principes actifs médicamenteux. Son expression est associée à
une forte résistance aux traitements anticancéreux. Il a ainsi été montré que la SP de CSCs
ALDHhighCD44+ du cancer du sein est plus résistante aux traitements anticancéreux standards.
L’inhibition de l’activité de l’ALDH par ATRA ou DEAB (diethylaminobenzaldehyde), qui
est un inhibiteur spécifique de l’ALDH, sensibilise les CSs du cancer du sein aux traitements
(Croker and Allan, 2012).
De plus, les transporteurs d'efflux ABC sont surexprimés dans les CSNs afin de les protéger
des agents toxiques. Cette surexpression est également retrouvée dans les CSCs et explique
leur résistance aux thérapies anticancéreuses. Il a été démontré que l'utilisation des inhibiteurs
pharmacologiques de ces transporteurs permettait d'augmenter l'efficacité des protocoles de
chimiothérapie et permettait de réduire, par exemple, la tumorigénicité du cancer du poumon,
36 I.5. Le cancer de la peau
I.5.1. Généralités
L’incidence des cancers cutanés a augmenté au cours des dernières décennies. Actuellement,
environ 2 et 3 millions de cancers cutanés non mélanocytaires et 132000 mélanomes sont
enregistrés chaque année dans le monde. En France, 50000 cas de carcinomes et 7000
nouveaux cas de mélanomes sont diagnostiqués par an. Dans les pays où la population est
majoritairement blanche, l’incidence du cancer de la peau a doublé entre 2000 et 2015 selon
l’OMS. On pense également que 50% des personnes âgées de plus de 65 ans auront au moins
un cancer de la peau au cours de leur vie. En 2012, 167231 décès en France étaient imputables
à un mélanome et 9780 nouveaux cas ont été diagnostiqués. En France, les femmes ayant un
mélanome cutané représentent 52% des cas dépistés soit 5 086 patientes, ce qui classe ce type
de cancer au 11ème rang des cancers les plus fréquents (Les cancers en France Edition 2014)