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D) Corrélation entre STs de Blastocystis et pathogénicité

XI. – Traitement de la blastocystose

2. Blastocystis sp et le microbiote intestinal

Aujourd’hui, le microbiote intestinal, regroupant l’ensemble des micro-organismes du tractus digestif, est considéré comme un organe à part entière remplissant différentes fonctions qu’elles soient métaboliques, structurelles ou de protection (O’Hara et Shanahan, 2006). Au sein de ce microbiote, les bactéries sont les microorganismes majoritaires avec une prédominance de 3 phyla en l’occurrence les Bacteroidetes (Bacteroides et Prevotella), les Firmicutes (Ruminococcus et Faecalibacterium) et les Actinobacteria (Bifidobacterium) (Cheng et al., 2013 ; Bourlioux, 2014) (Figure A2A). Ce microbiote intestinal est dominé par des espèces bactériennes anaérobies strictes voir d’espèces extrêmement sensibles à l’oxygène. Cependant, des bactéries anaérobies facultatives comme les Enterobactéries sont trouvées mais en nombre relativement faible dans le microbiote adulte. On estime ainsi que cet écosystème intestinal est composé, chez un individu sain, de 1000 espèces moléculaires dont 60 à 70% seraient à ce jour non cultivées (Qin et al., 2010). De même qu’il existe des groupes sanguins, trois « entérotypes » ou signatures bactériennes intestinales, ont été identifiés chez l’Homme en 2011 par Arumugam et al. (Projet européen MetaHit : Metagenomics of the Human Intestinal Tract) principalement déterminés par l'abondance de certains genres bactériens. Ainsi, le Type 1 (ou enterotype Bacteroides) est caractérisé par de hauts niveaux de Bacteroides, le Type 2 (ou enterotype Prevotella) à peu de Bacteroides mais beaucoup de Prevotella et le type 3 (ou enterotype Ruminococcus) à un haut niveau de

Ruminococcus. Deux de ces entérotypes ont pu être reliés à deux types d'alimentation (Wu et

al., 2011): Bacteroides se développe chez les sujets dont l'alimentation est riche en viande et en graisse animale comme dans les pays occidentaux et Prevotella, à l'inverse, trouve son bonheur chez les sujets adeptes des repas très sucrés. L’enterotype Ruminococcus, quant à lui, apprécie les gros consommateurs d'alcool.

L’altération de la composition de cette communauté microbienne intestinale, appelée communément dysbiose, joue un rôle important au niveau de différentes pathologies associées, en particulier, à une inflammation chronique de l’intestin qu’elle soit d’origine métabolique ou infectieuse. Comme nous l’avons vu précédemment, le pouvoir pathogène de

Blastocystis sp. reste encore controversé malgré l’identification de molécules et mécanismes

impliqués dans la pathogénie du parasite (voir Figure 4 Article 1; Ajjampur et Tan, 2016). Cependant, il a été montré que la prévalence de Blastocystis sp. pouvait être élevée chez des sujets asymptomatiques et que le parasite pouvait coloniser un individu pendant plusieurs années sans pour autant entrainer de symptômes (Scanlan et Marchesi, 2008 ; Scanlan et al.,

A

B

Figure A2: Représentation de la répartition des communautés microbiennes intestinales

associées à un organisme sain et à l’inflammation du tractus gastro intestinal inférieur. (A) Arbre phylogénétique des bactéries résidant dans le côlon d’un individu sain. La proportion des différents phyla dans le microbiote intestinal total est précisée entre parenthèses. Les groupes, genres et espèces bactériennes qui peuvent être importants pour la santé humaine sont indiqués (Cheng et al., 2013). (B) Pathologies intestinales pour lesquelles une dysbiose a été observée (Winter et Bäumler, 2014).

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2014). Plus récemment, des études menées chez des sujets atteints du SII ou de rectocolite hémorragique (RCH) ont mis en évidence une prévalence de Blastocystis sp. plus faible chez ces sujets comparés aux patients d’une population contrôle ne présentant pas ces pathologies (Krogsgaard et al., 2015 ; Rossen et al., 2015). Il a également était montré que la prévalence de Blastocystis sp. était plus élevée chez les patients présentant une RCH chronique que chez ceux atteints de RCH aigüe (Petersen et al., 2013). Or, des études antérieures s’accordaient à dire que la prévalence de Blastocystis sp. était plus élevée chez les sujets SII (Stark et al., 2007 ; Boorom et al., 2008 ; Poirier et al., 2012). Au regard de l’ensemble de ces données qui pour certaines sont contradictoires, le lien entre Blastocystis sp. et certaines pathologies intestinales reste encore obscur. En outre, cela pose clairement la question de l’influence de la composition du microbiote de patients atteints de pathologies intestinales sur la colonisation par Blastocystis sp.

Depuis 2005, l’avènement des techniques de séquençage à haut débit (HTS) a permis le développement de la métagénomique et l’étude, entre autres, de la composition du microbiote intestinal humain. Dans ce cadre, le séquençage de génomes entiers (ou Whole-genome shotgun sequencing) reste encore aujourd’hui très coûteux et l’analyse de ces données n’est pas aisée en raison à la fois de la taille et de la structure complexe de ces génomes. Parallèlement, la métagénomique ciblée, aussi appelée métagénétique, s’est développée et se concentre sur un marqueur génomique informatif tel que l’ADNr 16S. Aujourd’hui, et grâce à l’utilisation de « séquenceurs de paillasse » (tels que les technologies Ion Torrent ou MiSeq), ces études de métagénétique sont devenues très répandues dans l’étude du microbiote bactérien. Au début de ma thèse, aucune association entre Blastocystis sp. et le microbiote intestinal n’avait été recherchée alors que l’étude de ce dernier en présence ou non du parasite permettrait d’évaluer l’impact éventuel d’une colonisation.

Pourtant, des études récentes tendent à démontrer l’impact des parasites entériques sur le microbiote intestinal. Ainsi, des modifications du microbiote caractérisées par une augmentation des bactéries gram négatif ont été mises en évidence chez des souris infectées par deux isolats de Cryptosporidium parvum (Ras et al., 2015). Cependant, les auteurs supposent que Cryptosporidium a un effet indirect sur le microbiote intestinal. En effet, il ne s’agirait pas d’une interaction parasite-microbiote à proprement parlé mais plus d’une modification de ce microbiote suite aux altérations de l’épithélium intestinal induites par le parasite. Toxoplasma gondii serait quant à lui responsable d’une dysbiose intestinale sévère puisque l’infection de souris C57BL/6 a permis d’identifier une diminution des Bacteroidetes et des Firmicutes aux profits des Proteobacteria (Raetz et al., 2013). Ce profil de microbiote

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est similaire à celui reporté pour les personnes atteintes du SII ou de maladies inflammatoires de l’intestin (MICI) (Figure A2B). Par contre, d’autres études mettent en évidence une corrélation entre la présence de parasites entériques et un microbiote intestinal « sain », comme pour Entamoeba spp. par exemple (Morton et al., 2015). Dans cette dernière étude, une comparaison de la composition du microbiote chez des sujets porteurs ou non d’Entamoeba spp. a été réalisée et a permis de conclure que la présence de ce parasite était corrélée à une augmentation de l’alpha-diversité avec notamment une augmentation des Ruminococcaceae et une diminution de Prevotella copri.

En ce qui concerne Blastocystis sp., une analyse rétrospective des données de métagénomiques issues du consortium MetaHIT et confirmées par une approche par PCR quantitative (qPCR) a permis de montrer que ce parasite était peu présent chez les personnes ayant un entérotype Bacteroides comparé aux personnes ayant un entérotype Prevotella ou un entérotype Ruminococcus (Andersen et al., 2015, Andersen et Stensvold, 2016). Ces auteurs ont également indiqué que l’entérotype Bacteroides était celui qui présentait le moins de diversité bactérienne. Ainsi, la présence de Blastocystis sp. serait corrélée à un microbiote intestinal présentant une diversité bactérienne importante. Il est cependant à noter qu’aujourd’hui, la notion même d’entérotype est remise en cause (Koren et al., 2013 ; Knights et al., 2014). En effet, plusieurs auteurs ne parlent plus d’entérotypes et de clusters bien distincts mais plutôt d’un gradient de communautés bactériennes entre les entérotypes

Bacteroides et Prevotella. Quoiqu’il en soit, toutes les données obtenues sur Blastocystis sp.

couplées à sa possible colonisation à long terme chez des personnes asymptomatiques (Scanlan et Marchesi, 2008 ; Scanlan et al., 2014), suggèreraient que sa présence ne serait pas associée au microbiote généralement observé chez les personnes atteintes de pathologies intestinales telles que les MICI ou le SII.

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