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CHAPITRE 2 REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.1 Le bioraffinage forestier

2.1.3 Bioraffinerie forestière intégrée aux usines de pâtes et papiers (BRFI)

2.1.3.1 Transformation des usines de pâtes et papiers en BRFI

La bioraffinerie a été identifiée comme étant l’un des moyens le plus prometteur pour les usines de pâtes et papiers afin de développer leurs activités et diversifier leurs revenus [16-18]. La transformation des usines de pâtes et papiers existantes en bioraffineries a été étudiée selon diverses perspectives et différentes stratégies d’implantation des technologies de bioraffinerie ont été proposées. L’une des stratégies de conversion des usines de pâtes en BRFI la plus étudiée consiste en l'intégration de technologies de bioraffinage qui utilisent les flux secondaires des usines de pâtes comme matière première. Parmi les stratégies de traitement proposées, on peut citer la création de valeur avant la mise en pâte (VPP) [1-4] et la nouvelle valeur à partir des liqueurs résiduaires [5]. Les procédés VPP consistent à séparer une quantité d’hémicellulose avant la cuisson des copeaux de bois et transformer cette hémicellulose en produits de valeur ajoutée. La nouvelle valeur des liqueurs résiduaires fait référence aux technologies de gazéification de liqueur noire ou de séparation de lignine de la liqueur noire.

D'un autre point de vue, Philips et al. [6] ont étudié la réorientation des usines de pâte non rentables en usines de production d'éthanol. Ceci peut être réalisé par la réutilisation maximale des équipements existants d’usines de pâtes dans un procédé de production d'éthanol.

Une autre stratégie d’implantation de la bioraffinerie intégrée et qui commence à recevoir un intérêt particulier est l’implantation dans les sites des usines de pâtes et papiers, des procédés parallèles de bioraffinage. Ces nouveaux procédés utilisent des types classiques ou émergents de biomasse pour produire différents types de produits. Dans ce cas, les procédés de bioraffinerie ont leurs propres lignes de traitement et n'interfèrent pas directement avec les lignes existantes de mise en pâte. Les avantages d’intégration proviennent principalement de l'intégration des systèmes énergétiques du procédé existant et celui des nouveaux procédés, l'utilisation des utilités centralisées, l'intégration de la chaîne logistique et le partage des frais généraux de fabrication. Dans cette perspective d’implantation de bioraffinerie, Hytönen et al. [7] ont fait une évaluation systématique des procédés de production de bioéthanol intégrés dans une usine de pâte Kraft. Les options de bioraffinerie considérées utilisent des matières premières classiques ou émergentes comme les résidus forestiers, la canne de maïs ou des résidus issus des industries de transformation agroalimentaire. Selon les auteurs, l'intégration de la bioraffinerie permet non seulement d'obtenir de nouveaux revenus provenant de la fabrication de nouveaux bioproduits mais aussi de réduire les coûts de production de pâte.

2.1.3.2 Technologies de bioraffinage destinées à l’industrie des pâtes et papiers

Il y a plusieurs technologies de bioraffinage qui sont conçues spécialement pour l’industrie de pâtes et papiers. Ces technologies traitent les flux secondaires des usines des pâtes et papiers. Ces technologies sont implantées en retro-installation dans l’objectif d’améliorer les opérations du procédé existant ou de créer de nouvelles sources de revenus. Wising et al. [19] ont présenté un aperçu des technologies les plus développées et qui ont fait l’objet d’un intérêt particulier. Parmi les technologies qu’ils ont revues, on peut citer: la séparation de lignine, l’extraction de l’hémicellulose et la gazéification de la liqueur noire.

• La séparation de lignine: Il y a trois principales méthodes pour séparer la lignine: L’ultrafiltration, l’électrolyse et la précipitation par acidification de la liqueur noire. La précipitation par acidification utilisant le CO2 comme agent d’acidification est la technologie la plus prometteuse et la mieux établie à l’heure actuelle. Le principe

d’opération de cette technologie consiste à abaisser le pH de la liqueur noire pour précipiter la lignine, suivi des étapes de filtration et de lavage de la lignine ainsi précipitée. La solubilité de la lignine dépend essentiellement de la masse moléculaire des fragments de lignine contenus dans la liqueur noire et du pH de la liqueur noire. De plus la masse moléculaire de la lignine est basse de plus il est nécessaire d’abaisser le pH pour précipiter cette lignine.

La précipitation de la lignine de la liqueur noire permet de récupérer le surplus énergétique des usines modernes qui sont caractérisées par une efficacité énergétique élevée. Cette technologie permet aussi le désengorgement de la chaudière de récupération afin d’augmenter la production de pâte [20, 21] .

• L’extraction de l’hémicellulose avant la mise en pâte: l’extraction de l’hémicellulose des copeaux de bois avant la cuisson et sa transformation en bioéthanol ou autres produits est considérée comme une opportunité importante pour l’industrie des pâtes et papiers. Plusieurs techniques ont été considérées pour l’extraction de l’hemicellulose. Mao et al. [3] ont considéré l’extraction d’hémicellulose du bois dur dans des conditions proches du milieu neutre. Selon les auteurs, une fraction d’environs 10% massique du bois sec peut être extraite. Frederick et al. [2] ont considéré la préhydrolyse avec un acide dilué pour l’extraction de l’hemicellulose du bois des résineux. Dans l’évaluation du prix de production d’éthanol par ce procédé, les auteurs ont considéré plusieurs taux d’extraction allant de 6 à 18% du bois sec. Amidon et al. [1] ont considéré l’extraction de l’hémicellulose des copeaux de bois d’érable en utilisant l’eau chaude. Al-Dajani et al. [4] ont considéré l’extraction de l’hémicellulose des copeaux de tremble en utilisant une solution basique à base de NaOH. Selon les auteurs, il est possible de séparer de 40 à 50 kg d’hémicellulose par tonne de copeaux de bois sans modifier la qualité de la pâte Kraft produite.

L’extraction d’hemicellulose avant la mise en pâte ne permet pas seulement de produire de l’éthanol et d’autres coproduits comme l’acide acétique, mais elle donne l’opportunité pour désengorger le procédé et augmenter le taux de production de pâtes [3].

• La gazéification de la liqueur noire: cette technologie devrait remplacer les chaudières de récupération dans les usines de pâtes et papiers. Il y a principalement 2 options pour

l’intégration de la gazéification de la liqueur noire: la gazéification de la liqueur noire en cycle combiné pour produire l’électricité, et la gazéification de la liqueur noire pour produire des combustibles liquides et des produits chimiques verts. Dans la première option, le gaz de synthèse issu de la gazéification est utilisé comme combustible et source d’énergie pour produire de l’électricité alors que dans la seconde option, les gaz de synthèse sont utilisés pour la synthèse de biocarburants ou des produits chimiques verts. Il y a 2 technologies principales de gazéification en développement: la gazéification sous pression et la gazéification à pression atmosphérique. La première technologie est commercialisée par Chemrec AB et la seconde est commercialisée par ThermoChem Recovery International (TRI).

2.1.3.3 Étapes d’implantation du bioraffinage dans les usines de pâtes et papiers

Chambost et al. [22] ont proposé une approche stratégique pour l’implantation de la bioraffinerie forestière dans les usines existantes de pâtes et papiers.

L’approche, comme elle est présentée sur la Figure 2-3, consiste en 3 phases progressives: phase I, II et III :

• Phase I : l’objectif principal de la première phase de la stratégie est d’améliorer l’activité principale de l’usine en réduisant les coûts d’opération du procédé de production de papier. Dans cette première phase, l’usine doit définir les projets de bioraffinerie qui visent à réduire les coûts d'opération par l'utilisation, par exemple des combustibles issus de traitement de la biomasse à la place des combustibles fossiles.

La phase I de la stratégie ne comporte pas un risque du marché puisque le produit de bioraffinage sera consommé à l’usine, mais pour réussir cette première phase, l’entreprise doit exploiter au maximum son savoir-faire en matière de collecte de la biomasse, l’exploitation des usines à copeaux et du procédé de mise en pâte.

• Phase II : l'objectif de la deuxième phase de la stratégie est de créer des nouvelles ressources grâce à la fabrication de nouveaux produits de valeur ajoutée résultant de l’implantation de la BRFI. Les nouveaux revenus peuvent être issus des produits fabriqués par le développement d'une famille de produits basée sur un produit chimique de base qui est produit suite à l’implantation de la bioraffinerie à la phase I, par exemple le bioéthanol ou les gaz de synthèse. À ce stade d’implantation de la bioraffinerie, les risques liés à la complexité du procédé et de la chaîne d'approvisionnement deviennent importants. Les préoccupations stratégiques suite à l’implantation de la bioraffinerie doivent aussi être analysées et des combinaisons produit-procédé doivent être choisies minutieusement pour minimiser les risques liés au marché et pour augmenter la rentabilité au niveau de la chaîne d'approvisionnement. La phase II comprend la définition d'un nouveau modèle d'affaire et l'identification d'un portefeuille de produits à fabriquer, qui assurera la durabilité de la BRFI.

Afin de faire face à des obstacles d’ordre financier ou à des difficultés pour la distribution des produits, l’entreprise devrait recourir à un partenariat avec des partenaires de l'extérieur du secteur forestier.

• La phase III : la dernière phase vise à augmenter les résultats financiers et les marges bénéficiaires en améliorant la stratégie de distribution des produits par l'optimisation de la

chaîne d'approvisionnement et en exploitant la flexibilité au niveau du procédé et au niveau de la chaîne d’approvisionnement.

Selon les auteurs de cette stratégie d’implantation de la BRFI, pour garantir la réussite de transformation d’une usine de pâtes et papiers en BRFI, les compagnies forestières doivent définir les trois phases avant de se lancer dans la phase I.