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CHAPITRE I: SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

III. Evaluation de la qualité des sédiments

III.2 Indicateurs Ecotoxicologiques

III.2.2 Biomarqueurs biochimiques

La notion de biomarqueur a été définie par plusieurs auteurs (Lagadic et al., 1997; Galloway et Depledge, 2001; Van der Oost et al., 2003) comme étant un changement observable et/ou mesurable au niveau moléculaire, biochimique, cellulaire, physiologique ou comportemental, de l’organisme, de la population ou de l’écosystème qui peut être reliée à une exposition ou à des effets toxiques de polluants chimiques environnementaux.

L’étude de la réponse biologique des organismes vivants aux polluants chimiques présents dans l’environnement marin représente un outil de diagnostic qui n’est pas destiné à dupliquer ou remplacer la surveillance chimique, mais qui doit être intégré dans les programmes de surveillance de l’environnement. Complémentaires des analyses chimiques, ces indicateurs biologiques peuvent jouer le rôle de systèmes d’alarme précoces d’une contamination dont les effets sont réversibles. Par exemple, la spécificité d’un biomarqueur pour certaines familles de molécules chimiques (hydrocarbures aromatiques polycycliques, polychlorobiphényles, métaux lourds, produits phytosanitaires...) permet d’une part de révéler la présence de ces polluants, et d’autre part de renseigner sur la biodisponibilité de ces polluants ainsi que sur les effets biologiques précoces sur les organismes (Kramer et Botterweg, 1991; Amiard et al.,

1998).

Aucun biomarqueur ne peut à lui seul prendre en compte la diversité des contaminants et la multiplicité de leurs effets sur les organismes. Ainsi, la mise en oeuvre d’un ensemble cohérent de biomarqueurs s’est rapidement imposée afin d’établir un diagnostic complet de l’état de perturbation des organismes au sein de leur environnement (Van der Oost et al.,

1996; Minier et al., 2000; Flammarion et al., 2002b). Chaque biomarqueur apporte alors une information en rapport avec sa spécificité et sa sensibilité. Ainsi seule une approche multiparamétrique, combinant la mesure de différents biomarqueurs, les analyses chimiques et les mesures au niveau des populations et des communautés, permettra de prendre en considération la multiplicité des effets de la contamination sur les différents niveaux

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d’organisation (Figure I.24). En effet, les polluants agissent à tous les niveaux d’organisation biologique, de la molécule à l’individu avant même d’avoir des effets visibles aux niveaux supérieurs (à l’échelle des populations et des communautés). Ces réponses s’observent sur une échelle temporelle croissante à mesure que l’on monte dans les niveaux d’organisation biologique (Peakall et Shugart, 1993).

Figure I.24 Représentation des méthodologies permettant d'évaluer les risques écotoxicologiques (modifié d'après Lagadic et al., 1997).

Nous allons présenter successivement quelques exemples de biomarqueurs biochimiques étudiés chez les poissons et les bivalves qui traduisent respectivement l’exposition des organismes à certaines familles de composés (voir Chapitre IV pour plus de détails).

III.2.2.1 L’activité acétylcholinestérase (AChE)

L'acétylcholinestérase est une enzyme impliquée dans les mécanismes de transmission de l'influx nerveux. Elle catalyse l’hydrolyse de l’acétylcholine en choline et acide acétique (Matozzo et al., 2005).

Dans les jonctions neuromusculaires et interneurales, la terminaison nerveuse libère un médiateur chimique, l’acétylcholine, qui va permettre la transmission de l’influx nerveux

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(Figure I.25). Lors d’une stimulation nerveuse, l’acétylcholine libérée des terminaisons nerveuses dans l’espace synaptique, active les récepteurs cholinergiques postsynatiques. L’interaction de l’acétylcholine avec le récepteur provoque une dépolarisation de la membrane post-synaptique, générant ainsi un potentiel d’action qui assure la transmission du signal nerveux. L’hydrolyse de l’acétylcholine par l’acétylcholinestérase, permet au système de revenir à son état de repos (Bocquené et al., 1997). L’inhibition de l’AChE par de nombreux neurotoxiques entraîne l’accumulation de l’acétylcholine dans l'espace synaptique, qui maintient de ce fait une transmission permanente de l'influx nerveux, laquelle conduit généralement à la tétanie musculaire et à la mort de l’organisme (Matozzo et al., 2005). La mesure de l’inhibition de cette activité enzymatique constitue un marqueur dont l’expression traduit spécifiquement l’exposition des organismes à différents contaminants et notamment certains produits phystosanitaires. L’AChE constitue en effet la cible privilégiée de certains insecticides (organophosphorés, carbamates), herbicides (triazines, paraquat) et autres molécules neurotoxiques (incluant les métaux lourds). Surtout utilisée en milieu marin (Galgani et Bocquené, 1998), l’inhibition de l’activité de l’AChE s’est également révélée intéressante dans le cadre d’étude de la qualité des milieux aquatiques continentaux (Payne et al., 1996; Flammarion et al., 1998a; Flammarion et al., 1998b; Sturm et al., 1999; Barra et al.,

2001).

L’activité de l’AChE peut également être modulée par la température du milieu, et certains facteurs intrinsèques, tels que la taille des organismes (Flammarion et al., 2002a). Enfin, l’inhibition de l’AChE peut être réversible (particulièrement pour les AChE cérébrales affectées par les carbamates) et dans ces conditions, seules les diminutions importantes d’activité acétylcholinestérasique peuvent être décelées. Sur le terrain, les échantillons doivent être obtenus de manière synchrone sur une période de temps n’excédant pas quelques jours et dans des conditions climatiques comparables afin de garantir la représentativité des mesures des activités cholinestérases effectuées (Bocquené et al., 1997).

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Figure I.25 Mécanisme d’action de L'acétylcholinestérase (http://lecerveau.mcgill.ca/).

III.2.2.2 L’activité éthoxyrésorufine O-dééthylase (EROD)

L’activité Ethoxyrésorufine O-dééthylase (EROD) est une activité catalytique du cytochrome P450 1A qui peut être induite suite à l’’exposition des organismes à de nombreux xénobiotiques organiques de types HAP (Payne et al., 1987; Stegeman et al., 1987; Van der Oost et al., 1991, 1994; Burgeot et al., 1994), PCBs (Monod et al., 1988; Van der Oost et al.,

1991, 1994; Goksoyr et Husoy, 1992; Burgeot et al., 1994), et pesticides organochlorés (Van der Oost et al., 1991, 1994). En effet ces xénobiotiques vont se lier sur le récepteur aux hydrocarbures aromatiques (AhR) et entrainer une cascade réactionnelle débouchant sur la synthèse de nouvelles protéines P450. Il en résulte alors une augmentation de l’activité enzymatique associée qui peut être mesurée au laboratoire au travers de la réaction de dééthylation de 7 éthoxyrésorufine en résorufine fluorescente (Di Giulio et al., 1993; Machala et al., 1997;Flammarion et al., 1998a).

D’autres xénobiotiques peuvent induire l’activité EROD sans fixation sur l’AhR. C’est par exemple le cas des imidazoles10 (Bach et Snegaroff, 1989; Babin et al., 2005) qui induisent une activité EROD qui reste faible et transitoire comparativement à celle provoquée par les ligands du AhR. Certains contaminants environnementaux sont aussi des inhibiteurs de l’activité EROD en interagissant avec l’enzyme, diminuant ainsi l’activité catalytique, ou en exercant une toxicité non spécifique (diminution de la synthèse des protéines, de l’hème…). Parmi les inhibiteurs connus de l’activité EROD figurent certains métaux lourds tels que le cadmium ou le cuivre (Flammarion et al., 1996; Stien et al., 1997), les pesticides organophosphorés (Flammarion et al., 1998a) et cetains agonistes du récepteur des oestrogènes (ER) (Hasselberg et al., 2004; Vaccaro et al., 2005). De plus, à fortes doses,

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certains inducteurs comme le ß-naphtoflavone, peuvent aussi inhiber l’activité EROD (Flammarion et al., 1999).

Au niveau européen, ce biomarqueur fait partie de la batterie de biomarqueurs utilisés dans le programme européen « Biological Markers of environmental contamination in marine ecosystem BIOMAR (1995-1998) et sont encore très présents dans le programme BEEP « Biological Effects of Environmental Pollution in marine coastal ecosystems » (2001-2003) lui faisant suite, en tant que biomarqueurs validés.

III.2.2.3 L’activité glutathion-S-transférase (GST)

Les GST sont des enzymes de métabolisation de la phase II, dont la fonction est de conjuguer à une molécule de glutathion (qui possède un groupement nucléophile -SH) une grande variété de substrats (porteurs de groupements électrophiles) pour permettre leur élimination. Ces enzymes sont généralement solubles (cytosoliques) et présentes sous plusieurs isoformes, dont certaines sont inductibles par les contaminants qu’elles rendent moins toxiques. Cette particularité en a fait une activité intéressante en tant que marqueur biochimique.

La GST se caractérise par une faible spécifité. En effet, divers contaminants peuvent induire cette enzyme. Certains de ces contaminants sont inducteurs des cytochromes P450 comme les HAPs et les PCBs plans et globulaires (Forlin et al., 1996;Hoarau et al., 2001) tels que le le prochloraz, le Diquat, l’Agral 90 ou encore l’E2 (Sanchez et al., 2008), le paraquat (Stephensen et al., 2002), le Nonylphénol (Uguz et al., 2003) ou l’EE2 (Greco et al., 2007) mais également par un grand nombre d’autres molécules tels que les métaux et les organophosphorés (Monteiro et al., 2006). Regoli et al. (1998) ont observé une inhibition de l’activité GST chez des bivalves Adamussium colbecki contaminées par du cuivre et du mercure. Regoli et Principato (1995) n’ont observé aucune induction de l’activité GST chez des moules Mytilus galloprovincialis également exposées à des métaux traces.

III.2.2.4 L’activité catalase (CAT)

La CAT est un enzyme héminique localisée dans les peroxysomes d’un grand nombre de tissus, essentiellement le foie et les globules rouges où elle catalyse la réduction du péroxyde d’hydrogène en eau et en oxygène moléculaire (Stegeman et al., 1992; Cossu et al., 1997).

Les catalases sont présentes dans tout le règne animal et se retrouvent aussi chez les végétaux. Elles sont sensibles à certains contaminants inducteurs de stress oxydatif au niveau des membranes cellulaires, comme les HAP, PCB ou certains pesticides (Livingstone, 1993; Solé et al., 1995; Dellali et al., 2001a) et les métaux (Labrot et al., 1996).

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L’augmentation de l’activité catalase a déjà été relevée chez des poissons et des bivalves exposés à des polluants organiques (HAP, PCB, pesticides et engrais chimiques) (Rodriguez- Ariza et al., 1993; Cossu et al., 1997). Par ailleurs, les travaux effectués sur les biomarqueurs de stress oxydant en laboratoire et surtout in situ montrent que le caractère non spécifique de leur réponse constitue un avantage comme indicateur d’un état de pollution mixte (Cossu et al., 1997).

III.2.2.5 Les substances réactives à l’acide thiobarbiturique (TBARS)

Les TBARS est un indicateur de la lipopéroxydation (Sunderman et al., 1985;Pompella et al., 1987). Ce paramètre est largement utilisé in situ et est décrit comme un biomarqueur d’intérêt pour caractériser l’impact de la contamination des écosystèmes sur les organismes (Geret et al., 2003; Oakes et Van Der Kraak, 2003). Il se forme lors de l’attaque des lipides polyinsaturés par des espèces réactives de l’oxygène générées par des contaminants comme les HAP, PCB ou métaux. Les hydroperoxydes ainsi formés se décomposent en intermédiaires radicalaires et en aldéhydes dont un des représentants les plus réactifs est le malonedialdéhyde (MDA).

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