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5. BIOLOGIE ET ÉCOLOGIE

5.2 Habitat

Le fleuve Saint-Laurent et son estuaire constituent essentiellement l’habitat de l’éperlan arc-en-ciel anadrome de la rive sud, en tant que réserve de nourriture, aire d’alevinage et de migration. Cet habitat doit être considéré non pas comme un lieu géographique bien délimité, mais plutôt comme une masse d’eau qui se déplace se-lon les marées et les courants et qui est exploitée différemment sese-lon l’âge et la taille des poissons. Par exemple, par rapport aux juvéniles et aux adultes, les larves se concentrent plus à l’amont de l’estuaire à la fin de l’été. Par contre, celles de plus grande taille et peut-être les plus performantes se retrouvent plus à l’amont que les petites, possiblement parce qu’elles exploitent avec une plus grande efficacité les changements de direction du courant lors du jeu de la marée de façon à se mainte-nir dans une zone de moins grande compétition interspécifique (Dodson et al. 1989;

Laprise et Dodson 1989a et b). Les adultes fréquentent préférablement la partie aval de l’estuaire; les tributaires propres à leurs exigences de fraie constituent générale-ment leur habitat de reproduction.

Les larves de l’éperlan anadrome se concentrent dans l’estuaire moyen, entre l’île d’Orléans et l’Île-aux-Coudres, suivant la masse d’eau de turbidité maximale (50 à >200 mg×l-1). Ces eaux où se concentrent les larves sont également chaudes,

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tre 11,5 OC et 20 OC, et de faible salinité (entre 0 et >5 g×kg1) quoiqu’on puisse en retrouver dans des eaux atteignant les 30 g×kg1. La vitesse de courant due à la ma-rée varie entre 30 et 100 cm×s1. Cette zone est caractérisée aussi par une faune macroplanctonique très dense, particulièrement Neomysis americana, Gammarus sp. ainsi que des larves de poulamon atlantique. Cet habitat procure aux larves vi-vant dans l’estuaire une abondante réserve de nourriture (Dodson et al. 1989). Du-rant tout l’été, des juvéniles et des adultes sont capturés dans le centre de l’estuaire, les individus plus âgés associés aux eaux de salinités plus élevées (Laprise et Dod-son 1989). Toutefois, des études récentes ont mis en évidence la très faible repré-sentativité de la population de la rive sud parmi les juvéniles capturés dans cet habi-tat, ceux-ci démontrant plutôt le profil génétique des éperlans de Charlevoix et du Saguenay (Bernatchez et al. 1995; D. Pigeon, comm. pers.3).

La zone intertidale de la rive sud de l’estuaire (ex.: zone de Spartina alterniflora des marécages de Kamouraska et zosteraies intertidales de la région de l’Isle-Verte) est fréquentée abondamment durant le printemps et l’été par l’éperlan, âgé notamment de 0+ et 1+ an, où il y trouverait une bonne source de nourriture (Dutil et Fortin 1983; Massicotte et al. 1990; Lemieux et Michaud 1995).

L’endroit où séjourne l’éperlan durant l’hiver n’est pas connu, mais sa fréquentation des zones côtières dès l’automne laisse supposer la recherche d’un habitat plus clément pour hiverner, c’est-à-dire des températures plus douces. Le fait qu’on le capture en abondance sous la glace à l’Isle-Verte (G. Verreault, comm. pers.), le suggère également. Bien évidemment, il n’est pas exclu que l’éperlan fréquente d’autres milieux durant l’hiver.

La rivière est sans doute l’habitat de reproduction préférentiel de l’éperlan arc-en-ciel anadrome quoiqu’il puisse également frayer à l’embouchure des cours d’eau ou même possiblement directement dans le fleuve (Robitaille et Vigneault 1990). La qualité de l’habitat de reproduction semble être un point critique du cycle vital de l’éperlan, si on en juge par la désertion de la rivière Boyer, anciennement l’aire de reproduction la plus fréquentée par l’éperlan anadrome du sud de l’estuaire (Trencia

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et al. 1990). Cette rivière est dans un piètre état : mauvaise qualité de l’eau, berges érodées, quantité de dépôts de sédiments, développement d’algues filamenteuses sur son lit. L’eau est turbide et le phosphore total ainsi que les coliformes fécaux sont en trop grande concentration (Robitaille et Vigneault 1990). Cet état est favori-sé par le fait que le bassin de la rivière Boyer draine tout au long de son parcours des terres agricoles.

Des éperlans vont frayer dans le fleuve à quelques kilomètres en amont de la rivière Boyer à l’embouchure du ruisseau de l’Église. Ce site offre une frayère de faible su-perficie battue par les vagues et sous l’emprise des marées, conditions peu idéales pour l’incubation des oeufs d’éperlan (Robitaille et Vigneault 1990).

Des oeufs en abondance ont été observés aux ruisseaux Beaumont et Labrecque, à l’est de Beaumont (G. Trencia, comm. pers.). Toutefois, au bout de quelques jours et avant l’éclosion, ils avaient à peu près tous disparu. Ces frayères offrent des con-ditions semblables à celles trouvées au ruisseau de l’Église, et l’on suppose donc que les oeufs ont été balayés par l’action des vagues et emportés par le courant.

La rivière Fouquette, dans la région de Rivière-du-Loup, est utilisée pour la fraie.

Cette rivière subit le même enrichissement excessif de ses eaux que la rivière Boyer et l’on craint que bientôt elle n’offrira plus les conditions recherchées par l’éperlan pour la reproduction (G. Verreault, comm. pers.).

La rivière Ouelle, qui a toujours été une bonne frayère, est maintenant devenue la principale frayère active connue des éperlans anadromes de la rive sud (Trencia et al. 1990). Cet habitat a été moins perturbé par l’activité humaine que ne l’a été la ri-vière Boyer. Une grande partie de son bassin est boisée et l’agriculture y est moins présente. La qualité de son eau est bonne (Robitaille et Vigneault 1990). Bénéficiant du statut de rivière à saumon, l’intégrité de ce cours d’eau est mieux assuré (id.

1990).

Les éperlans du sud de l’estuaire peuvent fréquenter les frayères de façon irrégu-lière comme cela a été constaté aux rivières Ouelle et Fouquette. Après avoir

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plètement déserté ces rivières au printemps 1992, ils y étaient à nouveau présents au printemps 1993 (Bergeron et Ménard 1993, 1995). Cela aurait dû se traduire d’ailleurs par une absence d’individus de deux ans en 1994 et de trois ans en 1995, ce qui ne fut pas le cas. En effet, en 1994, les femelles représentaient 20 et 60 % des captures au ruisseau de l’Église (Beaumont) et à la rivière Ouelle respective-ment. Par contre, les mâles ne constituaient que 16 et 3 % des reproducteurs aux mêmes endroits.

Il reste donc des éléments importants de la dynamique des populations à documen-ter en particulier en regard de l’habitat de reproduction. L’endroit qui a pu servir de site de reproduction de remplacement en 1992 est possiblement situé dans le fleuve Saint-Laurent quoique le succès de la reproduction puisse y être inférieur à la situa-tion normale en cours d’eau tributaire du fleuve.

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