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1. Spéciation et dynamique et des ETM en contexte de recyclage agricole des déchets

1.2 Biodisponibilité des ETM

Au cours des précédents chapitres, j’ai peu évoqué le transfert des ETM vers les cultures. Or, en contexte de recyclage agricole, il convient de développer cette approche de manière plus systématique. Les plantes jouent un rôle central dans les écosystèmes anthropisés. Une biodisponibilité élevée des ETM dans les sols agricoles peut engendrer des phénomènes de biotoxicité ou des transferts importants des ETM dans la chaîne alimentaire dont l’homme est l’ultime maillon. A l’heure actuelle, il existe peu d’indicateurs pertinents pour quantifier la biodisponibilité, c’est à dire des indicateurs qui renseignent sur l’aptitude des contaminants à être transférés du sol vers les plantes. Plusieurs méthodes d’extraction chimiques (CaCl2, NH4NO3…) sont en cours de normalisation mais elles rendent souvent mal compte de la biodisponibilité des ETM qui est un processus complexe pouvant être décrite selon 3 composantes (Harmsen, 2007) :

– La disponibilité environnementale qui représente la fraction des ETM du sol pouvant être

potentiellement prélevée par la plante et dont le comportement est contrôlé par des phénomènes physico-chimiques ;

– La biodisponibilité environnementale qui représente le flux des ETM vers la plante

déterminé par l’adsorption des ETM sur les racines et l’absorption des ETM par les racines de la plante ;

– La biodisponibilité toxicologique qui représente l’accumulation des ETM dans les différents

tissus végétaux et leurs potentiels effets phytotoxiques.

La biodisponibilité est fonction non seulement du type de contaminant, du temps d’exposition à cet élément chimique mais également de la plante cible considérée. Autrement dit, la mesure de la biodisponibilité reste problématique.

Plutôt que de sonder la pertinence d’une nouvelle méthode chimique, nous avons opté pour des expérimentations basées sur des mesures biologiques. Deux dispositifs expérimentaux sont ou seront ainsi dédiés à la quantification de la biodisponibilité des ETM en contexte de recyclage agricole des ETM.

Le premier est un essai maraîchage de longue durée mis en place en 2004 sur la parcelle expérimentale des Colimaçons du Cirad à La Réunion. Les objectifs de cet essai sont nombreux :

– quantifier l’absorption des ETM par des espèces maraîchères qui sont décrites comme étant

fortement accumulatrices;

– comparer les concentrations en ETM des différentes espèces;

– étudier l’influence des amendements organiques sur la concentration en ETM des végétaux;

– comparer les données obtenues avec celles de la littérature scientifique et les normes en

Figure 26: schéma illustrant les deux étapes du RHIZOtest. Nutrient solution Soil layer (1.5-4 mm thick) (∅40 mm) Filter paper wick Nutrient solution air Perforated platform Float Root mat 30-µm mesh

Preculture period

in hydroponics

2 to 3 weeks

1 2

Test culture period

Soil-plant contact

1 week

Nutrient solution Soil layer (1.5-4 mm thick) (∅40 mm) Filter paper wick Nutrient solution air Perforated platform Float Root mat 30-µm mesh

Preculture period

in hydroponics

2 to 3 weeks

1 2

Test culture period

Soil-plant contact

1 week

Le dispositif expérimental (split-plot à deux facteurs : plantes et fertilisation) est constitué de 3 blocs eux-mêmes subdivisés en 3 bandes sur lesquelles sont apportées soit une fertilisation chimique (NPK) servant de témoin soit l’une des deux matières organiques retenues (compost de lisier de porc sur carton et compost de fiente de volaille sur copeaux de bois). Cette sélection permet de comparer l’impact de deux matières organiques ayant des teneurs en ETM contrastées. En effet, le compost de lisier de porc est riche en ETM (Cu et Zn) par rapport au compost de fiente de volaille qui est l’une des principales matières organiques utilisées par les maraîchers réunionnais. Enfin, cinq cultures maraîchères ont été sélectionnées (laitue, chou, carotte, tomate et haricot) car ces plantes sont représentatives des cultures maraîchères produites à La Réunion et ce sont des plantes sensibles et/ou accumulatrices d’ETM. Deux cycles culturaux sont conduits chaque année (hiver et

été) et actuellement se déroule le 11ème cycle. Les résultats qui ont pu être exploités jusqu’à présent

(cycles 1 à 5) n’ont pas montré d’influence de l’utilisation des deux déchets organiques sur les teneurs en ETM des cultures. C’est pourquoi, cet essai a été pérennisé au delà des deux premières années car il s’agit certainement du meilleur moyen pour obtenir des données sur l’impact à long terme de l’utilisation en milieu tropical de déchets organiques pour le maraîchage. Ceci semble d’autant plus important qu’il existe très peu de données sur ces impacts pour de tels contextes pédo-climatiques.

Le second dispositif expérimental repose sur le RHIZOtest initialement développé par Guivarch et al. (Guivarch et al., 1999), puis modifié par Chaignon et Hinsinger (Chaignon and Hinsinger, 2003). Ce test biologique est divisé en deux étapes (Figure 26). Tout d’abord une préculture des végétaux en hydroponie qui dure environ 3 semaines. Comme la plante est séparée physiquement du sol par une toile en polyamide (pores d’environ 30 μm), les racines se développent en formant un tapis homogène plan. La plante est ensuite transférée sur le milieu à étudier. Durant 8 jours, la plante est cultivée, toujours en présence de la toile en polyamide. Les nutriments et contaminants peuvent la traverser mais pas les racines. Le RHIZOtest est donc un dispositif expérimental capable d’intégrer a priori l’ensemble des processus impliqués dans la phytodisponiblité des ETM (réapprovisionnement par le sol du métal en solution, prélèvement par la plante au niveau racinaire, modifications chimiques induites par les racines dans la rhizosphère). Par rapport à l’essai maraichage, le RHIZOtest présente l’avantage de faciliter la collecte des échantillons (sol rhizosphérique, racine, partie aérienne de la plante) grâce à la séparation physique des racines et du sol. Jusqu’à présent, les résultats obtenus avec ce test ont été peu comparés avec des essais au champ. C’est pourquoi nous proposons, dans un premier temps, d’utiliser ce test avec des échantillons de sols issus de l’essai maraichage qui vient d’être présenté. Ainsi, nous pourrons comparer les concentrations en ETM des cultures à celles mesurées à l’aide du biotest. Nous utiliserons notamment des sols échantillonnés au début de la mise en place de l’essai, puis lors des cycles culturaux suivants.

Ce test biologique devrait également permettre de caractériser l’évolution de la biodisponibilité des ETM au cours de la transformation des matières organiques apportées. Nous proposons en effet de coupler des incubations de déchets organiques à des mesures de la biodisponibilité des ETM en appliquant le RHIZOtest. Les objectifs de ces expériences sont nombreux :

– évaluer la corrélation entre dynamique de la transformation de la MO et biodisponibilité des

ETM;

– déterminer si l’effet « minéralisation de la MO » affecte les ETM apportés par le déchet

organique et/ou ceux initialement présents dans le sol (il faudra pour cela sélectionner avec précaution les objets étudiés, par exemple : déchet organique riche en Pb et sol sans Pb);

– permettre une comparaison/classification des déchets organiques en terme d’impact sur la

biodisponibilité des ETM. Ce biotest, contrairement à l’essai maraichage, est réalisé en conditions contrôlées ce qui permet de tester un nombre important de combinaisons : sol-déchet-plante.

Afin de mener à bien ces travaux, le projet NormaRHIZO a été soumis au guichet ANR CES. Ce projet devra fournir les éléments scientifiques permettant de valider le RHIZOtest et obtenir ainsi sa normalisation au niveau national (AFNOR) et international (ISO)

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