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Chapitre 1: Synthèse bibliographique, questions et choix méthodologiques

3. Biodisponibilité et toxicité des nanomatériaux dans les sols

Les nanomatériaux peuvent avoir des temps de résidence longs dans les sols et subir de nombreuses transformations. Les plantes et les organismes du sol (microorganismes, mésofaune et macrofaune) seront donc exposés à ces contaminants émergents. Dans ce contexte, le point clé est de déterminer comment les organismes sont exposés aux nanomatériaux présents dans les différents compartiments du sol, qu’il s’agisse de la solution du sol ou des agrégats et quelle est la fraction biodisponible de ces contaminants en fonction des organismes étudiés (Tourinho et al., 2012). Selon la définition de Semple et al., (2004), la biodisponibilité d’un composé dans les sols est définie de la manière suivante en écotoxicologie : « un composé biodisponible est librement disponible pour traverser la membrane cellulaire d’un organisme à partir du milieu où l’organisme se trouve à un temps donné » et la bioaccessibilité est définie ainsi : « le composé bioaccessible est librement disponible pour traverser la membrane cellulaire d’un organisme depuis l’environnement, si l’organisme a accès à ce composé. Toutefois, le composé peut être soit éliminé physiquement

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la bioaccessibilité englobe donc ce qui est actuellement biodisponible et ce qui est susceptible de le devenir (Figure 11, Semple et al., 2004). Dans les sols, on s’attend donc à ce que la concentration biodisponible en nanomatériaux soit plus faible que la concentration totale, du fait du grand nombre de surfaces réactives pouvant immobiliser les nanomatériaux et de transformations pouvant affecter leur biodisponibilité (Cornelis et al., 2014).

Figure 11: Biodisponibilité et bioaccessibilité des contaminants dans les sols (Semple et al., 2004).

Aujourd’hui, nous ne sommes pas capables de mesurer la concentration totale d’un nanomatériau dans un sol en raison de limitations techniques. Evaluer la fraction biodisponible et bioaccessible des nanomatériaux est un défi encore plus grand qui nécessite des développements méthodologiques importants et donc les données à ce sujet sont

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traces dissous (Cornelis et al., 2014). Même si nous ne pouvons pas mesurer la fraction biodisponible, de nombreuses études ont montré que les nanomatériaux étaient retrouvés dans les racines ou les feuilles de différentes plantes (Rico et al., 2011), dans les tissus d’invertébrés (Tourinho et al., 2012) ou dans des champignons mycorhiziens (Whiteside et al., 2009), illustrant leur biodisponibilité réelle dans les sols. Toutefois, il faut rester prudent, un composé biodisponible n’est pas nécessairement toxique, selon la concentration présente et les propriétés du polluant dans l’environnement considéré.

b. Toxicité des nanomatériaux dans les sols

De nombreuses études in vitro ont montré la toxicité des nanomatériaux et identifié des mécanismes de toxicité (e.g. Nel et al. 2006). Les principaux mécanismes invoqués reposent principalement sur l’adsorption de NPs à la surface des cellules, leur dissolution et des stress oxydatifs induits par la production de ROS (H2O2, OH., O2.-, 1O2) (Figure 12 ; (Nel et al., 2006; Handy et al., 2008; Jiang et al., 2008; Simon-Deckers et al., 2009; Li et al., 2012). De nombreux effets au niveau des membranes bactériennes ont été rapportés, comme la dépolarisation ou l’augmentation de la perméabilité ainsi que des dommages au niveau de protéines ou de l’ADN ((Jomini et al., 2012; Sohm et al., 2015; Bondarenko et al., 2012).

Figure 12: Schématisation des possibles mécanismes de toxicité des nanomatériaux sur des cellules bactériennes. CYP=cytochrome P (Handy et al., 2008)

Toutefois, il est difficile de savoir si ces mécanismes de toxicité observés in vitro seront similaires en conditions environnementales. En effet, à partir des connaissances disponibles

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les facteurs abiotiques influencent les propriétés physico-chimiques et donc la toxicité de ces contaminants. Un paramètre sans doute clé pour leur toxicité est l’agrégation, car elle réduit l’aire de surface « disponible » et donc leur réactivité (Hotze et al., 2010). L’agrégation pourrait donc réduire leur toxicité lorsqu’elle est associée à des processus de surface, comme l’émission de ROS et la dissolution (Lowry et al., 2012). D’autre part, l’hétéroagrégation entraîne une augmentation de la taille effective des nanomatériaux, ce qui pourrait limiter leur ingestion par certains organismes ou le passage à travers une paroi et/ou membrane cellulaire (Tourinho et al., 2012). Ainsi certains paramètres physico-chimiques du sol identifiés pour favoriser ou limiter l’hétéroagrégation pourraient être de bons indicateurs de la biodisponibilité des nanomatériaux. Une force ionique élevée et la présence d’argile semblent être des conditions favorables à une forte hétéroagrégation des NPs et conduirait donc à de faibles biodisponibilité et toxicité (Shoults-Wilson et al., 2011). Cependant en présence de MO dissoute, il a été observé une augmentation de l’écotoxicité/accumulation associée à une augmentation de la mobilité dans les sols (Cornelis et al., 2014). De ce fait l’hétéroagrégation n’implique pas forcément une diminution de la biodisponibilité et de la toxicité des nanomatériaux dans les sols.

L’évaluation de la biodisponibilité et de la toxicité des nanomatériaux et des facteurs du sol les influençant en est encore à ses balbutiements, mais quelques directions à suivre pour les études futures peuvent d’ores et déjà être identifiées. La première est l’amélioration des méthodologies pour caractériser les nanomatériaux dans des conditions environnementales proches du sol et le développement des protocoles permettant d’évaluer la fraction biodisponible/bioaccessible des NPs en milieux hétérogènes complexes. Le second point est l’évaluation de l’influence des propriétés du sol, telles que la texture (teneur en argile, limon, sable), de la force ionique et de la teneur en MO sur l’écotoxicité des nanomatériaux, car il semble probable que ces facteurs affecteront leur biodisponibilité et toxicité.

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4. Impact des nanomatériaux sur les communautés microbiennes du sol