• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1 REVUE DES CONNAISSANCES

1.4 Alliages superélastiques

1.4.3 Biocompatibilité chimique

Le nickel est réputé pour sa cytotoxicité (Putters, Kaulesar Sukul, de Zeeuw, Bijma, & Besselink, 1992; S. Shabalovskaya, Anderegg, & Van Humbeeck, 2008). Le titane, quant à lui, est considéré biocompatible. Cependant, bien que le NiTiNOL soit constitué à moitié de nickel, il ne semble pas présenter d’incompatibilité en culture cellulaire, au premier abord (Putters et al., 1992; S. Shabalovskaya et al., 2008).

Ce paradoxe s’explique par la surface du matériau. Exposé à l’air, le NiTiNOL se passive en formant une couche de dioxyde de titane (TiO2) à sa surface. Cette couche d’oxyde bloque la migration du nickel en dehors du matériau, ainsi que son oxydation (Duerig et al., 1999; SA. Shabalovskaya, 1996). La surface du NiTiNOL peut également être traitée afin d’offrir d’autres types de couches protectives ou bien de finis de surfaces, ces derniers pouvant être fonctionnels ou esthétiques. Selon S. Shabalovskaya et al. (2008), les finis et modifications

de surface réalisables varient d’une la dizaine de nanomètres d’épaisseur à 30 µm et ces principaux finis peuvent être résumés de la façon suivante :

 surface brute : cette absence de fini de surface est qualifiée de surface « as drawn » par les fabricants (Lebreton, 2004) en raison du procédé de fabrication par tréfilage des fils de NiTiNOL. Cette surface présente une résistance acceptable à la corrosion jusqu’à 4-6 % de déformation de l’échantillon.

 polissage mécanique : procédé pouvant être effectué par abrasion, étincelage, sablage ou grenaillage. Ces surfaces sont souvent peu homogènes et induisent une faible reproductibilité des essais de corrosion. Ces procédés offrent cependant la possibilité de créer une topographie fonctionnelle à la surface pour favoriser l’adhésion et la prolifération cellulaire.

 électro-polissage et décapages chimiques : ces procédés permettent de supprimer les oxydes et défauts de surface existant pour former une nouvelle couche stable et homogène de TiO2 par passivation. Tout comme pour le polissage mécanique, une topographie fonctionnelle peut être créée. Ces surfaces présentent une résistance acceptable à la corrosion jusqu’à 6-8 % de déformation de l’échantillon.

 traitements thermiques : ce procédé peut être appliqué pour volontairement modifier la surface, ou bien la modifier involontairement lors des traitements visant les comportements superélastiques et de mémoire de forme du matériau. Ils favorisent la diffusion du titane et du nickel en son sein, ainsi que la formation de TiO2 et de Ni3T. Les effets de ces procédés et leurs impacts sur la biocompatibilité du matériau dépendent directement des finis de la surface, ainsi que de leurs épaisseurs, avant l’application du TTh. Il convient donc de se renseigner ou expérimenter au cas par cas.

 implantation d’ions : ces procédés peuvent être effectués par faisceaux d’ions ou en immersion plasma. Ils consistent à implanter de force des composants chimiques déterminés dans la surface du matériau. Ceci permet de favoriser ou défavoriser la présence de titane ou de nickel à sa surface, tout en modifiant sa résistance à la corrosion. Bien que ce procédé n’influe pas les propriétés de mémoire de forme de l’alliage, il modifie légèrement les températures de transformation et altère les

propriétés mécaniques et superélastique globales du matériau. Ces surfaces présentent une résistance acceptable à la corrosion jusqu’à 1-3 % de déformation de l’échantillon.

La corrosion du NiTiNOL au sein du sang, de sucs gastriques, de salive, de solution saline et de solution de Ringer a été testée. Les résultats sont généralement jugés acceptables, suivant les traitements de surface, mais aucune donnée ne semble exister sur la résistance à la corrosion du NiTiNOL dans le liquide synovial. Concernant les sollicitations mécaniques, il a été démontré qu’épaissir les couches protectives se montre contre-productif, car ceci les rend plus prompts à se fissurer (Carroll & Kelly, 2003; Duerig et al., 1999; SA. Shabalovskaya, 1996; S. Shabalovskaya et al., 2008; S. A. Shabalovskaya, 2001, 2002; Sun, Fine, & Nowak, 2002).

De nombreux dispositifs médicaux en NiTiNOL ont été implantés in vivo chez l’humain et l’animal. Les résultats de biocompatibilité lors du suivi de ces dispositifs ont presque toujours été acceptables. Quelques exceptions ont été relevées, où les implants s’étaient corrodés in vivo, mais elles restent marginales et sont potentiellement liées à une mauvaise sélection du type de surface pour les matériaux. Des investigations sont donc nécessaires, mais ne compromettent actuellement pas le statut de biocompatibilité du NiTiNOL (S. Shabalovskaya et al., 2008).

Concernant l’implantation chez l’animal, des filaments de NiTiNOL ont été insérés dans un tunnel creusé dans le fémur de 10 rats par Kalaci et al. (2014). Leur étude suggère que les tunnels osseux semblent pouvoir cicatriser et que cet alliage n’engendre pas plus d’inflammations de la paroi synoviale qu’une chirurgie du même type sans utilisation de ce matériau.

Les enjeux de biocompatibilité chimique du NiTiNOL résident donc dans la nature et la préservation de sa surface lors de la conception des dispositifs médicaux, leur stérilisation, leur implantation en milieu biologique et des sollicitations mécaniques des implants. Un

souci majeur lors de la conception d’implants et d’études de matériaux est que, malheureusement, les producteurs d’alliages nickel-titane communiquent peu sur la nature exacte des traitements mécaniques, chimiques et thermiques qu’ils appliquent à leurs produits (S. Shabalovskaya et al., 2008).

En conclusion, la biocompatibilité du NiTiNOL est reconnue, que ce soit mécaniquement ou chimiquement, et de nombreuses applications médicales ont exploité les propriétés thermomécaniques uniques de cet alliage métallique.

Documents relatifs