3.3 Modélisation sonore et sciences cognitives : une première
3.3.3 Bilan de la rencontre
Le bilan des premières études associant modélisation sonore et sciences
cognitives a été très positif, même si cette rencontre a renforcé notre conscience
de la complexité liée à l’extraction d’indices perceptifs et cognitifs pour la
synthèse. Dans le cadre de l’étude sur les sons de piano, les différentes
écoutes en fonction du degré d’expertise et en fonction de la dégradation
du signal ont été identifiées. Même si ces résultats sont extrêmement
inté-ressants, la méthode d’expérimentation est très laborieuse et ne nous a pas
permis d’étudier des situations plus complexes et réalistes mettant en jeu
plus qu’une note isolée de piano. Pour répondre à la question initiale
concer-nant la distinction entre un bon et un mauvais piano, il faudrait étendre
l’étude à des situations plus complexes de jeu musical, faisant intervenir
des aspects dynamiques. En effet, les études sur le timbre et
l’interpréta-tion décrites précédemment (secl’interpréta-tion 3.2), montrent que l’apprécial’interpréta-tion d’un
morceau de musique dépend fortement de l’évolution temporelle de la
du-rée, du timbre et de l’intensité des notes ainsi que des genres musicaux.
L’analyse doit donc prendre en compte le contexte musical et se focaliser
sur l’appréciation de la cohérence entre notes au sein de séquences musicales
ainsi que la cohérence des séquences au sein de l’oeuvre musicale, plutôt que
sur des sons isolés extraits de tout contexte.
En ce qui concerne la liaison entre les neurosciences cognitives et la
modélisation sonore, l’association entre transformations sonores et
image-rie cérébrale nous a paru très prometteuse. En effet, pour l’acousticien qui
s’intéresse à la modélisation sonore, les neurosciences cognitives apportent
des éléments de réponse quant à la construction de modèles sonores
perti-nents du point de vue perceptif. Pour le cognitien, la modélisation sonore
représente un grand intérêt par sa capacité de construire des stimuli
par-faitement contrôlés et d’effectuer des transformations sonores en vue de
l’étude des processus cérébraux impliqués dans la perception et la cognition
auditive. Les premières études sur la perception du rythme dans le langage
et la musique ont données un certain nombre de réponses quand aux
dif-férences de traitement cérébrale lors des violations de rythme et de sens
dans ces deux systèmes d’expression. En ce qui concerne le lien entre ces
résultats et les paramètres acoustique, le protocole expérimental a permis
de vérifier que le sens peut être perturbé lorsqu’une dilatation trop
impor-tante est appliquée aux signaux. Néanmoins, ce protocole expérimental n’a
pas permis de tirer des conclusions sur la pertinence perceptive des
para-mètres acoustiques à cause de la complexité des stimuli faisant intervenir
un grand nombre de paramètres. Il nous a alors paru intéressant de définir
des protocoles expérimentaux sur des sons parfaitement calibrés à l’aide de
l’approche analyse-synhèse. Le grand défi consistait à proposer des études
répondant aux problématiques des 2 domaines de recherche. Les réflexions
nous ont amenés à proposer un projet de recherche intitulé “Vers le sens des
sons”, (acronyme senSons) autour de trois thèmes principaux de recherche :
la structure des sons et leur perception, la sémiotique des sons et le contrôle
haut niveau de processus de synthèse. Ce projet a été soutenu par l’Agence
National de la Recherche dans le cadre du programme blanc “jeunes
cher-cheuses et jeunes chercheurs” en 2005. Ce projet m’a permis d’exporter la
synthèse vers des applications nouvelles dépassant largement le strict cadre
musical.
4 Les sons environnementaux et industriels
L’extension de la synthèse vers de nouvelles applications visant à
utili-ser les sons comme porteurs d’information et/ou à propoutili-ser un contrôle
du ressenti, nécessite une interaction forte entre la modélisation sonore
et les sciences du cerveau. Le projet ANR “Vers le sens des sons” avait
pour but d’aborder cette problématique en associant des partenaires
aca-démiques français (LMA, INCM), étrangers (ARI-Autriche, Université de
McGill-Canada, Université de Aalborg-Danemark) et industriels (Peugeot
Citroën, France Télécom). Les objectifs principaux du projet étaient de
montrer qu’il existe une sémiotique des sons et qu’un lien peut être établi
entre le comportement physique des sources sonores, la perception des sons
engendrés et le sens évoqué par ces sons. Le projet était organisé suivant
deux axes principaux dont les buts étaient de :
– trouver un lien entre la structure des sons et leur perception
– comprendre les mécanismes cérébraux responsables de l’attribution
d’un sens à un son
Le projet reposait sur une approche pluridisciplinaire associant l’acoustique,
le traitement du signal, la psychoacoustique et les neurosciences cognitives
dont les complémentarités permettent aujourd’hui d’aborder cet aspect
cru-cial de la communication sonore. Le projet était structuré suivant quatre
axes principaux, à savoir l’analyse des signaux audio non-stationnaires, la
synthèse, la perception et l’aspect cognitif lié à l’écoute des sons :
– L’analyse des sons fournit les outils et méthodes susceptibles de
repré-senter un signal sonore à partir de concepts mathématiques
(notam-ment de complétude et de conservation de l’information). Elle prend
tout son intérêt dans le domaine des sons en lui associant des concepts
sensoriels (sonie, timbre, sensations, . . . )
– La synthèse des sons permet la génération et la manipulation de sons
calibrés en s’appuyant sur des modèles physiques, de signaux ou
hy-brides. Elle permet d’étudier l’effet perceptif des paramètres et de
s’affranchir des contraintes physiques tout en donnant lieu à des sons
réalistes.
– La perception des sons s’attache aux bases mécaniques et
physiolo-giques propres à notre système auditif ainsi qu’aux attributs subjectifs
sur lesquels s’appuie notre perception des sons. Ce domaine procure
un ensemble classifié de méthodes basées sur le comportement et/ou
le jugement de sujets (psycho-physique).
– Les neurosciences cognitives s’intéressent quant à elles aux
méca-nismes mis en jeu au niveau cérébral lors de l’écoute des sons et
per-mettent d’élargir le champ d’étude par la prise en compte du contexte
et des spécificités des sujets (degré de connaissance, spécificités
cultu-relles, . . . ). Ce domaine procure en outre des méthodes de mesures
objectives basées sur l’imagerie cérébrale.
Dans le cadre du projet senSons, ces domaines interagissaient fortement
au sein d’un système bouclé qui est représenté dans la Figure 3 ci-dessous.
4.1 Partenaires
Initialement, “l’équipe senSons” regroupait sept personnes dont quatre
permanents CNRS. Tous les membres de l’équipe étaient rattachés au
La-boratoire de Mécanique et d’Acoustique (LMA) à l’exception d’un
cher-cheur postdoctoral qui dépendait de l’Institut de Neurosciences Cognitives
de la Méditerranée (INCM). Huit autres chercheurs participaient au projet
comme collaborateurs. Parmi ces collaborateurs, deux d’entre eux étaient
rattachés à l’INCM ; deux autres au LMA et un au Laboratoire d’Analyse,
Topologie et Probabilités de Marseille (LATP). Deux institutions étrangères
collaboraient au projet : l’Acoustics Research Institute (ARI), Vienne,
Au-triche et l’Université d’Aalborg, Esbjerg, Danemark. Par la suite, le projet a
suscité un grand intérêt et plusieurs nouveaux collaborateurs relevant
d’ins-titutions Françaises et étrangères s’y sont associés. Tel est le cas du Centre
de Réalité Virtuelle de Marseille-Luminy, de l’Université McGill, Montréal,
Canada, de l’Université de Newcastle, Australie, ainsi que des entreprises
Peugeot-Citröen (PCA) et Orange France-Télécom. Ces collaborations ont
permis une ouverture vers de nouveaux domaines de recherche qui
s’ins-crivent naturellement dans la problématique senSons, à savoir la synthèse
Figure 3: Synoptique, projet senSons
sonore 3D et la Réalité Virtuelle sonore.
Dans le document
Vers le sens des sons: Modélisation sonore et contrôle haut niveau
(Page 32-35)