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Faire le bilan entre offre et demande

Partie 2 25

2.1 Faire le bilan entre offre et demande

La mise en œuvre des services à la population dans un territoire rural passe par une analyse de l’évo-lution de la demande de services et des possibili-tés de l’offre sur l’ensemble de ce territoire. Cette première étape débouche sur l’identification des écarts existants entre offre et demande, point de départ pour définir des objectifs et une stratégie pour les services à la population s’intégrant dans un projet territorial d’ensemble.

Tant l’offre que la demande de services et les écarts entre les deux peuvent s’analyser selon quatre points de vue complémentaires:

> en termes de distance;

> en termes d’adaptabilité;

> en termes de qualité;

> en termes de prix.

2.1.1

Analyser la demande réelle et potentielle

La demande de services à la population obéit d’abord à des comportements et modes de vie généraux que l’on retrouve partout et qui évoluent dans le temps (ainsi, il est aujourd’hui tout à fait naturel d’être en contact avec le monde extérieur par le biais de la télé-vision ou du téléphone, alors qu’il y a 50 ans ce lien avec l’extérieur était avant tout assuré par l’écriture et la lecture: journaux, courriers). Certaines particulari-tés peuvent exister suivant les niveaux de revenus et suivant l’identité culturelle de chaque territoire rural.

Caractériser la demande sur un territoire rural consiste donc d’abord à déterminer les modes de vie qui consti-tuent des références pour les populations de ce terri-toire et auxquels elles restent attachées. Ainsi, dans de nombreuses localités rurales l’existence d’un café est l’expression d’une demande fortement ancrée pour

Mettre en œuvre des services

à la population en milieu rural

Il importe également de prendre en compte les évolutions en termes de perception des besoins et les contraintes et opportunités qui se dégagent des changements plus généraux brièvement analysés antérieurement.

Ceci conduit à caractériser la demande en termes de prio-rités. Or ces priorités sont plus ou moins exprimées et explicites. Un moyen de les rendre plus explicites est de donner l’occasion aux populations de confronter leurs besoins; cela peut être réalisé sous la forme d’un dia-gnostic participatif (audit de village) ou des exercices classiques d’interview, ou encore en utilisant des ser-vices existants pour détecter les nouveaux besoins, tels que les structures d’information, d’accueil, etc.

L’analyse de ces priorités conduit à analyser la demande sous les quatre angles déjà mentionnés: dis-tance, adaptabilité, qualité et prix.

a) L’analyse de la demande en termes de distance

La demande est plus ou moins exigeante en termes de distance suivant le type de service, la fréquence de l’utilisation et la disponibilité de transport. Dans cer-tains cas, la proximité du service est indispensable pour la satisfaire; dans d’autres cas, une certaine dis-tance à parcourir devient une condition acceptable.

Plus que la distance elle-même, c’est la durée du dépla-cement qui est le critère à considérer ainsi que la pos-sibilité d’accéder à plusieurs services en un même lieu.

Ainsi, les modes de vie conduisent les consommateurs à accorder une importance de premier plan à la concen-tration géographique des services.

b) L’analyse de la demande en termes d’adaptabilité

Plusieurs éléments entrent en ligne de compte dans la demande de l’adaptabilité d’un service:

> le caractère périodique ou irrégulier de la demande (le besoin d’accès à une bibliothèque peut être mensuel ou bimensuel, l’achat de viande hebdomadaire, etc.);

> les exigences en termes d’horaires.

Les demandes en termes d’adaptabilité sont liées aux tendances de la vie moderne et émergent des besoins des familles monoparentales, des femmes qui tra-vaillent, des jeunes en quête d’insertion, etc.

La demande d’adaptabilité n’est pas toujours évidente et peut s’exprimer sous la forme d’une demande géné-rale non spécifiée. Certains peuvent par exemple récla-mer une garderie dans un village alors que ce besoin peut être satisfait en ouvrant une garderie uniquement

les jours de marché. Les demandes de services doivent donc être interprétées pour identifier le niveau d’adaptabilité pertinent.

Par ailleurs, les situations d’isolement peuvent géné-rer des demandes particulières en termes d’adaptabili-té, telles que le regroupement de l’information, la mise en rapport avec d’autres personnes ou institutions, l’or-ganisation de moyens de transport sur appel, etc.

c) L’analyse de la demande en termes de qualité

La demande en termes de qualité est de deux types:

> d’une part, la qualité techniqued’un service, qui est en général codifiée suivant des normes reconnues et qui est intégrée par les populations à partir de com-paraisons avec le monde extérieur;

> d’autre part, les qualités humaines d’un service, c’est-à-dire tout ce qui concerne les relations, l’ac-cueil, la personnalisation des services.

d) L’analyse de la demande en termes de prix

Les demandes de services sont plus ou moins solvables:

même si elles sont explicites, les consommateurs n’ont parfois pas les moyens d’en supporter entièrement les coûts. Se pose alors la question du prix, des conditions et de la qualité du service.

e) L’analyse de la demande réelle et potentielle

L’analyse de la demande de services disponibles ne concerne pas seulement les habitants du territoire, mais également les populations potentiellement inté-ressées par le territoire (touristes, personnes de pas-sage, nouveaux résidents, etc.). Les services d’infor-mation touristiques peuvent jouer un rôle de repérage de ce type de demande.

C’est le cas dans le South Pembrokeshire (Pays de Galles, Royaume-Uni), où des questionnaires de satisfaction simples sont distribués aux touristes dans des pubs, ma-gasins etc., lieux qui jouent aussi un rôle de centres d’in-formation. Ces questionnaires servent à identifier les be-soins en services tels qu’exprimés par les gens de passa-ge. Cette approche facilite la construction de réponses adéquates de la part des opérateurs locaux, dans une zone dont le développement dépend fortement du tourisme.

2.1.2

Analyser l’offre réelle et potentielle

Comme pour la demande, l’offre de services sur un ter-ritoire rural peut s’analyser à quatre niveaux.

a) L’analyse de l’offre en termes de distance

Une première approche de l’offre de services pourra consister à identifier les offres existantes en termes de proximité:

Quels sont les services qui sont restés proches?

Quels sont ceux au contraire qui se sont concentrés?

Où? Pour quelles raisons?

Quelles sont les menaces qui pèsent sur les offres de proximité?

Quelles sont les offres qui ont disparu? Pour quelles rai-sons? Comment sont-elles compensées?

Quelles sont au contraire celles qui se sont rapprochées (grâce aux nouvelles technologies, à la mobilité des services ou pour d’autres raisons)?

Quelles ont été les politiques communales/territoriales de distribution spatiale de l’offre de services pour assu-rer une qualité de vie dans tous les espaces?

La question se pose également en termes de l’accessi-bilité de ces différentes offres, et donc de l’offre de transport collectif existante. Quelles sont les popula-tions qui sont exclues d’une offre parce qu’elles ne dis-posent pas de services de transport appropriés?

b) L’analyse de l’offre en termes d’adaptabilité

Quel est le niveau de flexibilité de l’offre par rapport à des demandes particulières? Par exemple, existe-t-il des regroupements des différentes offres dans une même structure? Y a-t-il des polyvalences?

Comment a évolué l’offre en termes d’adaptabilité? Quels sont les exemples d’évolution? Quelles sont les tendances dominantes sur le territoire: adaptabilité de services aux nouvelles exigences(démographiques, économiques, etc.)ou plutôt suppression/concentration?

c) L’analyse de l’offre en termes de qualité

Quel est le niveau de participation des consommateurs dans la constitution de l’offre de services? Comment leurs demandes sont-elles prises en compte?

Quelles sont les caractéristiques de la qualité de l’offre locale en rapport à celle des villes les plus proches?

Cette question se pose dans certains cas en termes de concurrence entre les offres locales et les offres plus concentrées. Par exemple, les parents d’élèves préfè-rent souvent envoyer leurs enfants dans des écoles plus éloignées mais assurant une meilleure qualité d’ensei-gnement que l’école locale.

Dans d’autres cas, elle se pose en termes de complé-mentarité entre des offres locales et des offres plus concentrées permettant d’obtenir un meilleur niveau de qualité. Par exemple, un service médical local peut assurer une complémentarité avec un hôpital en ville avec lequel il travaille en étroite collaboration.

d) L’analyse de l’offre en termes de prix

Quels sont les prix pratiqués par les différentes offres sur le territoire? Quelles sont les concurrences exis-tantes? Notamment, en quoi la différence de prix entre le niveau local et le niveau urbain peut-il compenser le coût d’un déplacement en ville?

La compétitivité d’une offre en termes de prix dépend en grande partie de la combinaison des ressources qu’elle utilise: ressources publiques, travail bénévole, infrastructures existantes, etc. Quels sont les méca-nismes ou les politiques qui au niveau territorial assu-rent une combinaison optimale des ressources dispo-nibles (participation des utilisateurs, concertation entre fournisseurs, etc.)?

En résumé, l’offre de services peut suivre des tendances différentes par rapport au type de fournisseurs comme le montre le tableau ci-après.

Fournisseur Secteur public Secteur privé Milieu associatif

Distance L’offre, qui était autrefois décentralisée, a tendance à suivre une logique de rentabi-lité et de concentration.

L’offre se regroupe afin d’at-teindre une masse critique suf-fisante pour atteindre l’équi-libre économique.

Pour certains services, les res-sources bénévoles et associa-tives permettent le maintien du service au niveau local.

Adaptabilité Rigidité dans les structures.

Caractère spécialisé de l’offre reproduisant le modèle urbain.

Toutefois, recherche d’adapta-bilité quand la capacité de décision est plus proche du territoire.

Mobilité de certains services (surtout commerçants ambu-lants et marchés hebdoma-daires; parfois guichets ban-caires ambulants).

Meilleure adaptabilité, person-nalisation et prise en compte des exigences particulières.

Qualité Recherche de qualité standard.

Nouveaux mécanismes de prise en compte des exigences des consommateurs.

La qualité peut rester faible dans les situations de mono-pole ou d’absence de méca-nismes de pression des consommateurs.

Adaptation aux normes de qua-lité standard, mais davantage de diversification sous l’effet de concurrence.

Absence d’implication des uti-lisateurs.

Précarité croissante de l’em-ploi, avec des répercussions négatives sur la qualité.

Qualité extrêmement variable en fonction du niveau de reconnaissance, des ressources disponibles, etc.

Plus que de la structure, la qualité dépend du niveau d’im-plication personnelle des res-ponsables.

Recherche de participation des utilisateurs, fournisseurs et consommateurs confondus.

Prix Prix standards ou services gra-tuits. Prix modulés en fonction des revenus.

Soumis à la concurrence. Plus les services sont proches des populations dispersées, plus ils sont chers.

Services gratuits ou modulés en fonction des revenus. Ils sont destinés pour la plupart à combler des déficits.

ANALYSE DE L’OFFRE PAR TYPE DE FOURNISSEURS

2.1.3

Identifier les écarts entre l’offre et la demande

En suivant la même logique utilisée pour l’analyse de la demande et de l’offre, les écarts entre offre et demande peuvent se manifester de quatre façons:

> en termes de distance: il y a écart quand la distance à laquelle se trouve le service recherché va au-delà de la limite acceptable pour l’utilisateur, pour des raisons de coûts, de temps de déplacement ou de non accès à des moyens de transport adéquats. D’une manière générale, la distribution spatiale des servi-ces ne répond pas aux attentes des consommateurs.

> en termes d’adaptabilité: il y a écart si l’offre de ser-vices n’est pas en mesure de satisfaire les utilisateurs en termes de diversité des prestations proposées, mo-dalités de mise à disposition, horaires de fonction-nement, rigidité dans la conception et l’utilisation de la structure, approche spécialisée (la seule réponse à la faible densité est la fermeture du service);

> en termes de qualité: il y a écart quand il n’y a pas d’adaptation de l’offre en termes de contenus, quand l’opinion des consommateurs n’est pas prise en compte, quand la demande dispersée ne permet pas d’assurer un service de qualité acceptable;

> en terme de coûts: les écarts en termes de prix appa-raissent quand les prix pratiqués sont incompatibles avec le pouvoir d’achat des consommateurs (grou-pes sociaux défavorisés, par exemple).

L’identification des écarts entre l’offre et la demande de services passe par une consultation des habitants sous forme d’enquêtes, diagnostic participatif, guichet de réception des plaintes et insatisfactions, etc. Là aussi, l’établissement d’une hiérarchie est particuliè-rement importante pour identifier les éléments qui vont être déterminants pour maintenir les populations sur place ou attirer de nouvelles populations.

LES RAPPORTS QUALITÉ/DISTANCE ET INTENSITÉ/DISTANCE: DEUX BILANS À ÉTABLIR

> Bilan qualité/distance

A l’instar d’un produit (agro-alimentaire, touristique, etc.), tout service est soumis à une analyse qualité/distance de la part du consommateur. Si la qualité du service est faible, sa proximité n’est pas un paramètre déterminant de la demande, même si l’accès à ce service n’implique pas de déplacement.

> Bilan intensité/distance

L’intensité d’utilisation (quotidienne, périodique, exceptionnelle, etc.) d’un service est également un facteur déterminant de la demande. Pour des services exceptionnels (permis de construire, passeport, etc.), le consommateur est prêt à parcourir des distances plus grandes, alors que pour les services liés à la vie quotidienne, la proximité devient importante. Grâce aux technologies appropriées, cependant, certains services exceptionnels peuvent devenir services de proximité, améliorant ainsi la qualité de vie des populations rurales.

2.2 Combler les écarts

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