• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE II . L'ÉMERGENCE D'UN CHAMP DE RECHERCHE 17

IX. Bilan

Nous avons tenté de dresser l'état de la recherche sur l 'appropriation d'une L2/LE en établissant l'acquis et en laissant entrevoir les perspec­

tives qui s'ouvrent aux chercheurs en ce domaine. A propos de chacun des thèmes de recherche évoqués, on a pu constater des modifications de perspective. Ainsi, peut-on dire que par certains aspects, la question de l 'exposition à la LC, de l'input, s ' est trouvée renouvelée par l 'intérêt croissant porté à la communication exolingue. De même à une ap­

proche en des termes strictement cognitifs de la saisie se trouve oppo­

sée une démarche sociocognitive et interactionniste. La question des stratégies de communication et d 'apprentissage enfin ou celle du re­

cours à la L I sont à leur tour reformulées. En effet, si l 'on prend au sérieux le terme d 'interaction, celui de stratégie doit être entendu diffé­

remment de son usage courant dans le domaine.

On l'a compris l 'un des traits dominants de la recherche dans le champ de l'appropriation d'une L2/LE, est la confrontation entre une

approche cognitive et une perspective sociocognitive, entre une dé­

marche qui s'intéresse exclusivement au sujet apprenant et une démarche plus clairement interactionniste. Autre discussion paradig­

matique, celle du rapport entre des universaux des systèmes linguis­

tiques et des universaux de l'appropriation des langues, cette question est loin d'être éclaircie tant sur le versant de la théorie linguistique que sur celle d'une théorie des acquisitions linguistiques.

Dans le chapitre précédent, on a vu se constituer un champ de re­

cherche qui a graduellement acquis son autonomie de la didactique des langues étrangères. On peut relever que ce secteur de recherche est au­

jourd'hui écartelé entre des modèles et des hypothèses issus de la lin­

guistique théorique, de la psychologie sociale, de la sociolinguistique, de la neurolinguistique et de la psychologie (Lightbown, 1984b ; Selin­

ker, 1984) d'une part, et la volonté de constituer des bases de données et de mener des recherches empiriques, d'autre part. La controverse sur les questions de recherche, sur leurs formulations et les cadres de réfé­

rence évoquée dans ce chapitre ne peut être dissociée des tensions du champ telles que nous les avons évoquées au chapitre précédent.

En effet, il s'agit d'abord de la définition du sujet apprenant, sujet auto-construit ou acteur social. On peut ajouter aussi la définition du sujet comme un faisceau de variables linguistiques et non linguistiques en in­

teraction. Il est ensuite question de la caractérisation des activités langa­

gières en L2/LE et de l'interaction des participants. Cela interroge des modèles de description, les conceptualisations du rapport entre les obser­

vables linguistiques, les systèmes sous-jacents et les processus d' appro­

priation et enfin, cela questionne la saisie de la dynamique d'évolution des connaissances en L2/LE. En dernier lieu, comment prendre en compte le cognitif, le social et le linguistique ? (cf. Arditty & Coste, 1987). Ce débat concerne à la fois les approches linguistiques et cogni­

tives de l 'interaction et leurs mises en relation avec l'appropriation.

La proposition d'un Second Language Acquisition Support System (Dausendschon-Gay & Krafft, 1990) doit être précisée mais on ne man­

quera pas d'évoquer comme un corollaire de ce module, et à l'instar de son initiateur pour l'étude de l'acquisition de LI, Bruner, un dispositif d'acquisition linguistique de L2/LE présent dès les premiers écrits de Selinker (1969) sur l'IL. Pour Bruner (1958), en ce qui concerne l'ac­

quisition du langage, il ne s'agit pas de faire l'économie de la capacité d'apprentissage linguistique. De même, il ne faudrait pas négliger les

déterminations de la constitution des systèmes au détriment de l'inter­

action. Caractérisation linguistique et description interactionnelle vont de pair.

Les débats et les résultats rapportés dans ce chapitre doivent aussi se comprendre par rapport aux discussions dans les disciplines de référence : la définition d'une linguistique théorique et la place d'une analyse conversationnelle; l'articulation entre une linguistique « impli­

quée » (Lehmann, 1986) et une didactique des langues et enfin, l 'inté­

gration des travaux sur les contacts interlinguistiques : de l'IL au parler bilingue (cf. Lüdi (Ed.), 1987 ; Appel & Muysken, 1987).

Chapitre 4

PERSPECTIVES ET IMPLICATIONS

Dans les chapitres précédents de ce cahier, nous avons montré la façon dont l 'étude de la langue de l'apprenant d'une L2/LE s'est consti­

tuée en domaine de recherche de la linguistique et de la linguistique ap­

pliquée et les thèmes autour desquels les travaux se sont cristallisés (voir aussi Perdue, 1990). Le champ des travaux sur l'appropriation d 'une L2/LE traversé par les polémiques de la linguistique théorique et des méthodologie de description linguistique n'est pas un domaine isolé de recherche. Il entretient des rapports évidents avec les études entreprises sur le contact de langues, à ce qui ressortit à la recherche sur le bilinguisme. Alors que l'acquisitionniste observe le bilinguisme in statu nascendi, les sociolinguistes et autres chercheurs étudiant ce phé­

nomène sont confrontés au parler bilingue, à des faits tels que le mé­

lange de langue, l'alternance de langue, les conflits diglossiques, les substitutions linguistiques et l'étiolement des langues.

L'acquisitionniste occupé à saisir la genèse des connaissances en L2/LE ne peut se soustraire cependant, à l 'échangc avec les spécialistes du bilinguisme d'une part, et aux interrrogations de l 'enseignant et du didacticien d 'autre part. En effet, ces derniers sont en droit d 'interpeller l'étude linguistique de l'approp1iation à partir de leurs pratiques.

Qu'apportent les recherches acquisitionnistes en didactique ?

On le voit, à un pôle il s'agit des rapports de connexité que les tra­

vaux acquisitionnistes peuvent entretenir avec les études sur le bilin­

guisme et, à l'autre pôle, est posée la question des implications pour la pratique enseignante. Nous souhaitons dans ce chapitre final remettre la question de l'étude des variétés linguistiques d'apprenants en perspec­

tive par rapport à la théorie du langage et l'insérer au sein de la descrip­

tion des phénomènes interlinguistiques. Nous désirons aussi aborder sans détour la question des implications pour renseignement, ce qui nous conduira tout naturellement à évoquer la linguistique appliquée et la didactique des langues.