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3. Impact à l’échelle du champ

3.4. Bilan

L’intérêt du colza ne peut être évalué que relativement à celui d’autres cultures, en particulier les céréales à pailles. Il présente l’originalité d’un couvert dense et fermé qui constitue un avantage ou un inconvénient selon les espèces. Quelques espèces pourront nicher dans le couvert ou sous son abri, mais les spécialistes des espaces ouverts seront en principe pénalisés. Pour approfondir la connaissance de ces effets, il importe de connaitre la dynamique conjointe de développement du couvert et de la nidification qui connait en Europe des variations locales d’origine naturelle ou anthropique. Le colza offre d’autre part un habitat secondaire pour quelques espèces de passereaux inféodées habituellement aux milieux humides. Les informations sur le caractère favorable ou non du colza sont diverses, en termes de méthodes d’espèces et de contexte d’étude. Le Tableau 4 reproduit deux synthèses opérationnelles par espèce, l’une produite pour paramétrer un modèle (Everaars, et al., 2014), l’autre pour une évaluation des mesures agro-environnementales en Angleterre (Vickery, et al., 2008). Cette dernière présente cependant l’inconvénient d’agréger le colza dans une catégorie générique « dicotylédones ».

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TABLEAU 4 : INTERET DU COLZA POUR DIFFERENTES ESPECES, D’APRES LES SYNTHESES DE (EVERAARS, ET AL.,2014)(VICKERY, ET AL., 2008). CASES VIDES : NON EVALUEE ; 1 CARACTERE FAVORABLE OU NON EVALUEE SELON UNE NOTE DE 0 (NUL) A 5

(EXCELLENT) ; 2 4 : RESSOURCE IMPORTANTE DOCUMENTEE DANS LA LITTERATURE ; 3 : RESSOURCE IMPORTANTE D’APRES EXPERTISE ;2 : RESSOURCE SECONDAIRE DOCUMENTEE DANS LA LITTERATURE ;1 : RESSOURCE SECONDAIRE D’APRES EXPERTISE ;

* : PAS D’INFORMATION ;1 :« FOOD REQUIREMENT » ;² :« FORAGING HABITAT »

Référence (Everaars, et al.,

2014) (Vickery, et al., 2008)

Saison Reproduction Reproduction Hors reproduction

Ressource Nid Nourriture1 Nourriture

(colza) Nourrissage

2

(dicotylédones) Nid (dicotylédones) Nourriture (colza) Nourrissage (dicotylédones)

Alouette des champs 0 1 * 2 2 * 2

Bergeronnette printanière 2 1 * 2 4

Bruant des roseaux 2 4 4 * 1

Bruant jaune * 2 * * *

Bruant proyer 0 0 * 1 2 * 2

Chardonneret élégant * * *

Choucas des tours * * * * 2

Chouette effraie * * * * * Corbeau freu * 1 * * 2 Etourneau sansonnet * * * 2 1 Faucon crécerelle * * * * * Fauvette grisette * * * Linotte mélodieuse 4 4 * * * Moineau friquet * 1 * 2 3 Perdrix grise * * * * 2 Pigeon colombin 2 3 * 4 1 Pigeon ramier 2 4 * 2 3

Tourterelle des bois 2 4 *

Vanneau huppé 0 1 * 2 4 * 2

Verdier d’Europe 4 * * * *

L’étude des ressources trophiques associées aux cultures permet d’expliciter certaines préférences observées au champ. Les ressources véritablement spécifiques au colza sont les graines disponibles sur pied et au sol après récolte et le feuillage hivernal, qui constituent un atout pour les granivores spécialisés et pour la survie hivernale. La spécificité des flores et entomofaunes associés est en revanche difficile à établir : ces ressources varient qualitativement et surtout quantitativement. Cela est connu pour la flore adventice, dont les variations sont étudiées par la malherbologie. Le cas des insectes est beaucoup moins clair car l’entomologie appliquée à l’agriculture ne se préoccupe habituellement que des ravageurs et de leurs auxilliaires. Les quelques résultats d’inventaire à notre disposition et les travaux sur la régulation biologique suggèrent que la ressource en insectes consommables varie fortement sous l’influence de nombreux facteurs inscrits dans l’espace et le temps (régions, paysages, pratiques culturales, pédo-climat). En l’absence d’information sur la variabilité de la ressource, nous ne pouvons pas conclure sur les propriétés d’un colza « moyen » en dehors du cas des coléoptères phytophages spécialisés. Le problème est à la fois métrologique, avec l’absence de méthode standardisée pour réaliser des comparaisons, et conceptuel, avec l’hypothèse qu’il est possible d’associer culture et niveau de ressource.

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L’harmonisation méthodologique implique de raisonner en deux étapes : 1) Quels taxons mesurer ? La connaissance des taxons les plus importants pour la survie des jeunes a pu ainsi aboutir à la proposition de « chick food index » (eg (Potts & Aebischer, 1991) dans le cas de la perdrix grise) 2) Quelle méthode pour s’assurer du prélèvement des taxons cibles ? Les problèmes à résoudre concernent l’équipement de prélèvement (pot-piège, aspirateur, filet), l’identification des taxons et la stratégie d’échantillonnage dans le temps et l’espace. Les méthodes moléculaires ouvrent à ce propos des perspectives intéressantes de baisse des coûts (Hebert, et al., 2003).

Du point de vue conceptuel, l’affectation directe de ressources à la culture est un court-circuit dont la théorie agronomique dit qu’il faut se méfier. En effet, le concept de système de culture (Sebillotte, 1974) permet d’expliquer les situations observées au champ par l’histoire. Le diagnostic agronomique consiste à reconstituer l’enchainement des cultures et des pratiques culturales qui ont pu générer des états du milieu responsables de la situation observée, habituellement un niveau de rendement. Les ressources trophiques associées aux cultures relèvent de la même chaine causale complexe, à laquelle il faut ajouter une dimension spatiale en raison des flux entre parcelles, et entre parcelles et autres éléments paysagers. Selon cette analyse, le problème n’est pas tant de mesurer les propriétés d’un colza « moyen », que de comprendre comment se fabrique la ressource pour mieux en prédire les variations dans le temps et l’espace. Ce programme est pour le moment purement théorique compte tenu de la faiblesse des données à notre disposition et des moyens nécessaires pour les obtenir. Il implique une collaboration poussée entre agronomes et écologues, ainsi que la mise en place de dispositif étendu d’acquisition de données. Le développement récent de réseau de monitoring de la biodiversité à titre obligatoire ou volontaire (Couvet, et al., 2008) constituent une opportunité pour atteindre cet objectif. Holland et Ewald ont réalisé à ce sujet une étude de faisabilité de suivi du chick food index de trois spécialistes agricoles dans le contexte Anglais (Holland & Ewald, 2010). L’établissement d’un réseau représentatif des conditions de production est discuté et budgétisé, avec un coût de mise au point de plus de 275 K£ et de suivi annuel d’environ 45K£. Avec l’intérêt récent pour l’agro-écologie, il serait particulièrement intéressant de coupler ce genre d’approche avec l’acquisition d’informations sur la régulation biologique, en qualifiant les ressources vis-à-vis de leur importance comme ravageur ou auxiliaire des cultures. Cela n’est pas le cas pour les travaux que nous avons revus. En effet, l’identification au niveau des familles taxonomique ne permet pas de savoir qui fait quoi dans les cultures.

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