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Bilan et perspectives de la fouille mécanique tamisée

à grande échelle

5 Bilan et perspectives de la fouille mécanique tamisée

L’expérience menée en 2006 sur le PLA doit sa réussite relative à la conjonction de plusieurs facteurs, situation qui, en l’état, n’est pas reproductible en tout lieu ni en toute saison. Ces circonstances favorables ont permis de surmonter les principales difficultés techniques et organisationnelles ; elles n’ont cependant pas pu contrebalancer les contraintes imposées au berceau du projet. Il nous semble incontournable de répéter que la modification de l’une ou de toutes ces contraintes aurait pu améliorer sensiblement les conditions d’intervention et conséquemment la perception globale des résultats par la communauté scientifique.

S’agissant de la chaîne opératoire proprement dite, il est également utile de souligner qu’elle n’est qu’une possibilité parmi de nombreuses autres, qu’elle s’est d’abord appuyée sur un substrat scientifique et nourrie des coutumes techniques locales, questionnées, adaptées et rationnalisées pour l’occasion. Ces données restent extrêmement variables d’une région et d’un collectif de travail à l’autre. Toute normalisation par le haut risque fort d’être vouée à l’échec. Comme pour toute innovation, la réussite de son introduction dépend de la conviction des personnes concernées et de son « ergonomie » générale. Le concept même de tamisage à l’eau des sédiments archéologiques ne peut être remis en question, puisqu’il constitue un progrès notable dans les techniques de collecte et de tri. Appliquer le tamisage pour la fouille du sédiment de fosses ne pose en lui-même aucun problème puisqu’il ne s’agit que d’un changement d’échelle. Rappelons que le tamisage est également employé virtuellement à plus grande échelle encore dans tous les projets de thèse et de synthèse régionaux ou nationaux, où la sélection des informations est, dans les bons travaux, faite selon une maille théorique énoncée clairement. La meilleure représentation du spectre des restes de culture matérielle obtenue par le tamisage constitue une nette amélioration par rapport à la représentation aléatoire issue de la collecte manuelle en usage.

Cependant, avant toute nouvelle mise en service, d’importants efforts d’optimisation dans la méthode de tamisage sont impératifs pour rendre le processus adapté autant à la majorité des sites et des vestiges rencontrés qu’aux agents chargés de sa mise en œuvre. Puisque le tamisage à cette échelle de travail ne peut être que mécanisé au vu des charges et des volumes considérables concernés, il est alors logique d’attendre un premier niveau de cohérence globale dans la chaîne opératoire sur le terrain. Il apparaît que le défaut principal du mode de collecte employé sur le PLA a été sa rigidité et donc son manque d’adaptabilité aux différents cas de figures rencontrés ; il faut pouvoir disposer d’une gamme d’outils mécanisés au moins équivalente voire supérieure à celle en usage en fouille manuelle. C’est à ce prix que les archéologues ne se verront pas dicter leurs choix techniques et scientifiques par les seules machines mises à disposition. Est-il aussi besoin de répéter que le tamisage, comme tout outil, n’est pas forcément l’outil idoine pour toute chose ?

L’autre conséquence de cette expérience touche le post-traitement des données de terrain. Sœur jumelle - on l’oublie souvent - de la mécanisation, l’informatisation/ automatisation complète du traitement de données n’a pas été entièrement anticipée puisqu’elle n’a concerné que le volet topographique, naturellement plus au fait des nouvelles technologies que les autres versants du travail archéologique. Avec le recul, et ce constat est valable finalement pour toute opération préventive, il est devenu flagrant que la chaîne opératoire du post-traitement souffrait d’incohérences à différents niveaux, depuis l’archivage du mobilier jusqu’aux méthodes et objectifs d’études spécialisées. Le mélange d’activités d’enregistrement et de contrôle, une fois manuelle, une fois informatisée, tantôt quantitative, tantôt qualitative a nui à la fluidité des processus et à l’harmonisation des données. Le chantier est certes plus complexe que celui de la mise en cohérence des méthodes de fouille, puisqu’il touche une variété d’acteurs et de coutumes plus grande. Il est cependant incontournable pour faire passer l’archéologie préventive au rang de véritable science.

Bibliographie

Riquier, Grisard 2011 : RIQUIER (V.), GRISARD (J.). – An extensive surface project at Aube Logistics Park (France): the methods and initial scientific results, in : BLANCQUAERT (G.), MALRAIN (F.), STÄUBLE (H.), VANMOERKERKE (J.) ed. - Understanding the Past: A Matter of Surface-Area, Acts of the XIIIth Session of the EAA Congress, Zadar 2007, BAR International Series 2194, p. 129-141.

Grisard et al. 2007 : GRISARD (J.), KOEHLER (A.), RIQUIER (V.). – L’archéologie passée au crible : application d’une méthode systématique de tamisage sur le site du Parc logistique de l’Aube. Archéopages, « Naissance de la ville », n° 20, Nantes, La Documentation Française, octobre 2007, p. 64-73.

Pour des raisons non seulement de pragmatisme et d’efficacité, mais également de priorité méthodologique et opérationnelle, le séminaire a porté essentiellement sur un domaine précis de la mécanisation, celui de la mise en œuvre de mini-pelles hydrauliques. Avec un retard de plusieurs années et le recul imposé par divers aléas, il nous est apparu souhaitable, dans cette partie conclusive, d’élargir davantage la problématique. Les propos ont non seulement été réactualisés mais vont au-delà des conclusions du séminaire pour aborder la mécanisation sous divers angles, et considérer le recours à la mini-pelle dans un contexte élargi, avec une sensibilité particulière pour le tamisage de gros volumes.

La mécanisation des fouilles est un sujet particulièrement sensible, voire polémique. Incontournable et central en termes de qualité et d’économie, ce sujet nécessitait de confronter les points de vue des utilisateurs… et des non-utilisateurs. Ce débat ne devrait plus porter sur le principe même de mécaniser ou non, mais, au cas par cas, d’analyser l’adéquation entre les objectifs scientifiques et les méthodes et techniques pouvant être mises en œuvre. Les fouilles et les diagnostics archéologiques sont déjà fortement mécanisés, ne serait-ce que dans l’acte de décapage, réalisé désormais dans la très grande majorité des cas avec des pelles hydrauliques, précédées parfois de décapeuses automotrices, tracteurs sur chenilles, etc. lorsque la puissance des stériles l’autorise, ou, plus précisément, l’impose.

La mécanisation raisonnée relève d’une évolution normale dans notre discipline et lorsque le législateur introduisait, en 2003, la concurrence pour les fouilles, la mise en œuvre d’engins sur les chantiers était déjà une pratique courante, bien maîtrisée par certains, en cours d’acquisition pour d’autres. Mais si la mécanisation n’est pas une conséquence de la mise en concurrence des fouilles, cette dernière impose d’en accélérer le processus d’intégration, c’est-à-dire sa maîtrise. La principale difficulté porte non pas sur le fait d’opter ou non pour une fouille mécanisée, mais de se garder de toute mise en œuvre hâtive susceptible de réduire la qualité des interventions, des données et des réflexions produites.

Quel que soit le contexte, l’utilisation d’engins, de machines ou d’appareils sur les chantiers de fouille demeure au service d’un même objectif : l’étude de vestiges anthropiques dans leur environnement, leur compréhension et leur sauvegarde.

Cette utilisation doit s’inscrire dans la recherche de la meilleure combinaison de moyens permettant l’optimisation de l’observation, l’amélioration de la qualité de l’information scientifique et celle de sa production, et la réduction de la pénibilité du travail. Aucun des moyens envisageables ne permet à lui seul de répondre à l’ensemble des objectifs et aux continuelles adaptations nécessaires au quotidien. Ainsi, il existera toujours une complémentarité entre fouille manuelle et fouille mécanique, et il convient une fois de plus d’insister sur le fait que la pelle mécanique ne peut se substituer entièrement aux outils manuels. Elle doit en revanche en compléter la panoplie.

La mécanisation s’inscrit bien évidemment dans l’optique d’améliorer les conditions de travail, selon le principe général énoncé dans l’article L4121-1 du code du travail1.

Cet aspect des choses, s’il est fondamental, ne sera pas développé ici. En filigrane dans toutes nos préoccupations scientifiques, il doit rester une préoccupation majeure et déterminante, tant dans le fait de rechercher des solutions de mécanisation voire d’automatisation, que dans celui d’inscrire ces nouvelles façons de faire dans un cadre approprié de santé et de sécurité.

Le point de vue de la direction