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Partie 1 : Contexte de l’étude

1- Bilan du carbone mantellique

Le cycle externe du carbone fait l’objet de nombreuses études en raison de son lien évident avec les conditions climatiques terrestres. La possibilité d’un recyclage du carbone à l’intérieur de la Terre peut cependant modifier les bilans de masse réalisés sur les réservoirs externes ainsi que les modèles du cycle global du carbone (à plus ou moins long terme). L’impact des éruptions volcaniques sur les populations, l’exploitation économique du diamant, etc… sont autant de preuves de l’importance du carbone mantellique sur l’activité humaine. L’étude des échantillons observables en surface permet de contraindre la stabilité du carbone dans le manteau supérieur (paragraphe 1-1). Par ailleurs, les estimations de la quantité de carbone actuelle dans le manteau sont résumées dans le paragraphe 1-2. Des bilans de masse du carbone interne ont ainsi été réalisés afin d’évaluer la possibilité d’un recyclage du carbone au niveau des zones de subduction.

1-1 Les échantillons naturels

Différentes formes de carbone (solides, liquides ou gazeuses) équilibrées à haute pression (ou issues de la fusion de matériel à haute pression) sont observables à la surface de la Terre, les plus connues étant les diamants, et les plus importantes, à la fois en terme de masse et d’interaction avec l’atmosphère, étant les gaz émis par les volcans. Ce paragraphe recense (de manière non-exhaustive) les différents matériaux carbonés de haute pression, d’origine mantellique ou non, découverts à la surface de la Terre, leurs caractéristiques, et les contextes dans lesquels ils sont observés : il peut s’agir d’émissions volcaniques (de type gaz ou lave) issues de la fusion partielle du manteau, de xénolites remontés par les magmas qui les ont arrachés en profondeur, ou encore de roches exhumées par la tectonique. Dans ce dernier cas, trois types de contextes peuvent être distingués (Figure 1.1), qui sont différentiables par la nature du protolithe principal : les ophiolites sont d’anciennes portions de croûte et de lithosphère océaniques, les massifs orogéniques sont constitués principalement de péridotites et les terrains métamorphiques de haute pression ou ultra-haute pression (HP/UHP), de croûte continentale et sédiments. Certaines de ces roches ont été équilibrées à de très grandes profondeurs (~180 km) puis amenées en surface par les phénomènes tectoniques. Elles sont actuellement présentes au cœur de chaînes de montagnes, mais ont été équilibrées aux conditions du manteau. Ce paragraphe n’est donc pas uniquement dédié aux roches

mantelliques (au sens strict), mais considère également les roches qui sont susceptibles de contribuer au recyclage du carbone à l’intérieur de la Terre. La possibilité d’une dissolution de carbone dans les silicates du manteau est également discutée.

Figure 1.1 : Carte du monde des principaux gisements de roches contenant des phases

carbonées de haute pression, ayant été exhumées par la tectonique. Les émissions volcaniques (type gaz ou lave) ne sont donc pas indiquées. D’après Nixon (1995) et Chopin (2003). La localisation des kimberlites, lamproïtes et des gisements de diamants associés est indiquée sur le Figure 1.6.

1-1-1 Fluides carbonés

La plus grande partie des fluides carbonés d’origine « interne » observés en surface s’exprime sous forme CO2. Des fluides riches en CH4 sont cependant parfois observés. La possibilité d’une dissolution de cations (Na2+, Ca2+, Mg2+, Fe2+…) dans le CO2 à haute pression est montrée par les inclusions contenues dans certains diamants (paragraphe 3-6-5).

1-1-1-1 Emissions volcaniques

La plupart du CO2 est émis sous forme de gaz au niveau des rides médio-océaniques (Tableau 1.1) et en contexte de subduction ou de point chaud (proportions dans le paragraphe

1-2). On en trouve aussi en quantité plus ou moins importante sous forme dissoute dans des laves silicatées (basaltes, lamproïtes, etc…) d’origine mantellique. Le Tableau 1.1 montre quelques estimations de la quantité de CO2 dans les MORB avant et après dégazage (la quantité de H2O est indiquée pour référence). Cependant le CO2 contenu dans ces magmas peut aussi provenir de l’assimilation de sédiments.

Tableau 1.1 : quantité de CO2 dissout dans les basaltes de rides médio-océaniques (MORBs) : CO2 dissout résiduel mesuré dans les verres de MORB (1 : Saal et al., 2002 ; 2 : Dixon, 1988) et estimation de la teneur initiale en CO2 dans les MORBs avant dégazage (3 : Javoy et Pineau, 1991 ; 4 : Cartigny et al., 2008).

Type lave Localisation CO2 dissout (ppm) H2O dissout (ppm) Réf.

MORB verre 50-250 400-1200 (1)

MORB verres Juan de Fuca Ridge 45-360 700-4800 (2) MORB av. dégazage Mid-Atlantic Ridge 3850 5400 (3) MORB av. dégazage Mid-Atlantic Ridge 660-57600 1300-7900 (4)

1-1-1-2 Xénolites

La présence de CO2 en inclusion à l’intérieur de minéraux ayant cristallisé à haute pression a été constatée dans des xénolites mantelliques. Selon Andersen et al. (1984), ces inclusions témoignent de la présence d’un fluide carboné circulant à l’intérieur du manteau supérieur. Du CO2 a également été observé en inclusion dans des diamants (cf. paragraphe 3-3-3).

1-1-1-3 Exhumation tectonique

9 Terrains métamorphiques de HP/UHP :

Perraki et al. (2006) ont montré, par des analyses par spectroscopie Raman, la présence de CO2 fluide associé à des diamants, du graphite et des carbonates en inclusion dans des grenats de métapélites provenant du Rhodope (Grèce). Des inclusions fluides ont

également été découvertes dans des microdiamants métamorphiques du massif de Kokchetav (Kazakhstan) (cf. paragraphe 3-5-3).

1-1-2 Carbonates

Différents types de carbonates mantelliques sont observés à la surface de la Terre : la calcite (CaCO3), de structure rhomboédrique, ou son polymorphe de haute pression, l’aragonite, de structure orthorhombique, la magnésite (MgCO3) et la dolomite (CaMg(CO3)2), toutes les deux rhomboédriques.

1-1-2-1 Xénolites

Il est rare d’observer des carbonates dans des xénolites mantelliques (Mathez et al., 1984). D’après Canil (1990), cette rareté est due à une décomposition durant la décompression. On trouve cependant dans des xénolites du Spitsberg des carbonates de type dolomite, ainsi que des liquides carbonatés et silicatés qui seraient issus de la fusion des carbonates durant la remontée (Ionov et al., 1993). Par ailleurs, certains diamants contiennent des inclusions de magnésite, aragonite/calcite, dolomite ou ankérite (paragraphe 3-6-3).

1-1-2-2 Exhumation tectonique

9 Terrains métamorphiques de HP/UHP :

Le Massif du Kokchetav, situé au Nord-Ouest du Kazakhstan est un des exemples les plus connus de terrain métamorphique de UHP contenant des carbonates (Figure 1.1). La zone du Kumdy-Kol contient des marbres à dolomite, aragonite, Mg-calcite, diopside, grenat et diamant. Le pic du métamorphisme est estimé d’après la minéralogie à 4 GPa – 900°C (Sobolev et Shatsky, 1990 ; Vavilov et Shatsky, 1993 ; Ogasawara et al., 2000).

Les Montagnes du Dabie – Su-Lu, situées au Centre - Est de la Chine, contiennent quant à elles des reliques de ultra-haute pression issues de la collision au Trias des cratons Sino-coréen et Yangtze (Zhang et al., 1995 ; Hirajima et Nakamura, 2003). Le complexe métamorphique de Bixiling (Dabie) en fait partie : il est constitué principalement d’éclogites et de webstérites à grenat qui témoignent de conditions de pression élevées (>2,6 GPa et ~5,6 GPa, respectivement) de par leur composition et la présence de minéraux de haute pression

tels que la coesite et le diamant (Zhang et Liou, 1994). Ces deux lithologies contiennent de la magnésite (Mg# ~0,75 et ~0,94, respectivement), entourée le plus souvent par de la dolomite qui témoigne de la diminution de la pression lors de l’exhumation (Figure 1.2). De la magnésite est également présente dans les péridotites à grenat du Jiangsu et du Zhimafang, appartenant aux terrains métamorphiques du Su-Lu (Yang et al., 1993 ; Zhang et al., 2007). On trouve également dans ces terrains des marbres à aragonite et dolomite contenant des blocs d’éclogite, le tout ayant subi des conditions de 2,5 – 3,5 GPa et 610 – 660 °C (Kato et al., 1997). Des lherzolites à grenat et magnésite ont par ailleurs été découvertes dans l’Altyn Tagh (NW Chine) (Liu et al., 2002). Les conditions maximales enregistrées par ces roches sont estimées à 3,8 – 5,1 GPa et 880 – 970°C.

Figure 1.2 : couronne de dolomite

autour de magnésite dans une éclogite rétromorphosée (Dabie, Chine). D’après Zhang et Liou (1994)

La province métamorphique du Rhodope (NE Grèce) est un terrain métamorphique de ultra-haute pression contenant à la fois des roches du manteau et de la croûte continentale. Perraki et al. (2006) signale la présence de carbonates dans des inclusions contenant également du diamant, dans des grenats de métapélites à disthène et biotite du Complexe de Kimi. Les analyses par spectroscopie Raman indiquent que ces carbonates sont de type calcite à calcite magnésienne. Des marbres dolomitiques ont également été observés dans le Complexe de Kimi.

Dans le Massif de Bohême, des marbres calco-silicatés ont été découverts, dont la pression d’équilibration est estimée à 3-4 GPa (Becker et Altherr, 1992 ; Shimizu, 1971).

Les Alpes occidentales montrent également des marques de métamorphisme de ultra-haute pression, qui témoignent de la subduction de la plaque Européenne sous la plaque Africaine. L’unité de Brossasco – Isasca, située au sud du massif de Dora Maira appartenant aux Massifs Cristallins Internes, a subi des conditions maximales estimées à 3,3 ± 0,3 GPa –

750 ± 30°C. Cette unité contient des marbres à dolomite, Fe-Mg calcite ou aragonite associés à des éclogites (Compagnoni et al., 1995).

1-1-3 Liquides carbonatés

Les liquides carbonatés sont constitués d’anions CO32- associés à des cations (Ca2+, Mg2+, Fe2+, Na2+,…). Lorsque la température passe sous le solidus, ces liquides polymérisent très rapidement. On n’observe donc pas de verre mais des liquides cristallisés sous forme de carbonates. Ainsi, lorsque l’état liquide n’a pas été observé, la distinction entre carbonates solides et liquides se fait par l’étude des textures ainsi que l’analyse des éléments en traces.

1-1-3-1 Laves

9 Carbonatites :

Le seul volcan carbonatitique encore actif est le Oldoynio Lengai (Tanzanie). D’anciennes carbonatites sont cependant observables en différents points de la surface terrestre. Une liste non-exhaustive des carbonatites extrusives a été établie par Woolley et Church (2005).

Figure 1.3 : classification des

laves carbonatitiques naturelles dans un diagramme ternaire. D’après Gittins et Harmer (1997).

La composition de la plupart des laves carbonatées est comprise dans le triangle calcite – magnésite – sidérite (Figure 1.3). D’autres minéraux (non-carbonatés) peuvent cependant être présents : mica, feldspath, pyroxène, olivine, phyllites, grenat, sulfures, etc… La composition des laves du Oldoynio Lengai est cependant différente des autres carbonatites : il s’agit de natrocarbonatites, dont la fraction massique de Na2O est égale à celle de CO2

(Tableau 1.2). Certains auteurs suggèrent cependant que de nombreuses laves carbonatitiques sont issues d’un magma primaire de composition similaire mais ont été contaminées par l’interaction avec des sédiments calciques.

Tableau 1.2 : composition des carbonatites du Lengai (Keller et Krafft, 1990) Oxyde SiO2 TiO2 Fe2O3 MnO MgO CaO Na2O K2O

Wt% 0,16 0,02 0,28 0,38 0,38 14,02 32,22 8,38

P2O5 CO2 Cl F SO3 SrO BaO H2O+ Total 0,85 31,55 3,40 2,50 3,72 1,42 1,66 0,56 101,50

Deux hypothèses principales sont évoquées pour la genèse des carbonatites : la première implique un faible degré de fusion du manteau (produisant un magma riche en volatiles), la seconde évoque une possible démixtion d’un liquide carbonaté – silicaté en deux liquides (l’un carbonaté, l’autre silicaté) qui se sépareraient pour suivre des trajets différents dans la croûte (Wallace et Green, 1988).

L’origine du carbone présent dans les laves carbonatitiques est également débattue. D’après Hoernle et al. (2002), les carbonatites du Cap Vert témoignent de la subduction d’une croûte océanique ou de sédiments carbonatés, dont la fusion serait à l’origine de ces laves. D’autres hypothèses sont évoquées : certains auteurs suggèrent que la fusion des carbonates ou de la matière organique subductés métasomatise le manteau. Ainsi les carbonatites seraient le produit de fusion de ce manteau enrichi. Enfin d’autres études suggèrent plutôt une origine mantellique primordiale pour le C retrouvé dans les carbonatites.

9 Kimberlites :

Les kimberlites peuvent contenir jusqu’à 11,3 wt% de CO2 (Scott, 1979 ; Wedepohl et Muramatsu, 1979 ; Kopylova et al., 2007). Les kimberlites se formeraient par la fusion de peridotites riches en fluides CO2 et H2O à très haute pression.

1-1-3-2 Xénolites

1998 ; Moine et al., 2004). D’après Moine et al. (2006), des poches de liquide carbonaté de composition Mg-calcite (XCa ~ 0,96) sont présentes dans des xénolites de l’archipel des Kerguelen (Océan Indien), en association avec de la dolomite, de la calcite, du verre silicaté, du spinelle, des sulfures, de la magnesio – wüstite, ainsi que des bulles de CO2. On trouve également des globules et des veines de calcite à Mg-calcite (3,8-5,0 % pds MgO) dans des xénolites à spinelle du Mt Vulture (Italie ; Rosatelli et al., 2007 ; Figure 1.4, à gauche). Ces liquides sont toujours associés à un liquide silicaté. On y trouve également des bulles de CO2

et des inclusions de sulphides. D’après Ducea et al. (2005), des globules et veines de liquide calcitique associé à un verre silicaté ont également été découverts dans des xénolites constitués de péridotites à spinelle et grenat, issus d’un affleurement volcanique datant du Miocène de Sierra Nevada (Californie). La difficulté de ce genre d’échantillons est de montrer que les liquides carbonatés sont d’origine mantellique, et qu’ils ne résultent pas de l’interaction des xénolites avec un magma durant leur remontée.

Figure 1.4 : à gauche, veine de verre calcitique interstitiel (cc) associé à un verre silicaté (gl)

(Rosatelli et al.) ; à droite, inclusions de liquide carbonaté (Mg-Cal) dans un grenat du massif de Kokchetav (Kazakhstan), d’après Korsakov et Hermann (2006). Images MEB (électrons rétrodiffusés).

1-1-3-3 Exhumation tectonique

9 Terrains métamorphiques de HP/UHP :

Korsakov et Hermann (2006) ont signalé la présence d’inclusions de liquide carbonaté (Figure 1.4, à droite) dans des grenats et clinopyroxènes issus de marbres du massif de

Kokchetav (Figure 1.1). Ce liquide carbonaté est associé à un liquide silicaté ainsi qu’à des diamants. Les conditions enregistrées par ces roches sont estimées à 4,5 – 6,0 GPa et ~1000°C.

1-1-4 Graphite

Le graphite est un minéral qui possède une structure hexagonale, et se présente sous la forme d’un empilement de feuillets appelés graphènes. Les orbitales des atomes de carbone dans un plan de graphène sont hybridées sp2.

Différents processus peuvent donner lieu à la cristallisation de graphite à haute pression : (1) par destruction de la matière organique sous l’effet de la chaleur et de la pression, (2) par réduction de carbonates à une pression <5 GPa et à haute température ou (3) par cristallisation dans un liquide magmatique. Le graphite peut également se former à partir de fluides C-H-O saturés contenus dans des veines (Wopenka et Pasteris, 1993) ou dans des inclusions (Cesare, 1995 ; Pasteris, 1988 ; Satish-Kumar, 2005). Dans ce cas, la précipitation du graphite est due au refroidissement de la roche hôte lors du trajet vers la surface. Par ailleurs, du graphite peut cristalliser par transformation directe de diamant durant une exhumation.

1-1-4-1 Xénolites

Plusieurs exemples de xénolites de haute pression (de type éclogite) contenant du graphite ont été répertoriés. Robinson (1979) et Viljoen (1995) ont montré la présence de graphite dans des éclogites issues des kimberlites de Roberts Victor, Jagersfontein et Bellsbank (Afrique du Sud) et de Orapa (Botswana). Les cristaux de graphite sont souvent tabulaires, et peuvent être isolés ou en inclusion dans les clinopyroxènes. D’après Robinson (1979), la morphologie et la texture du graphite de certains échantillons montrent qu’il s’agit d’une phase primaire des xénolites, et non d’une phase due à l‘interaction entre le magma kimberlitique et les xénolites. Aucune évidence n’indique que ce graphite est dû à la rétromorphose de diamant. La composition des clinopyroxènes et grenats et leurs relations texturales avec le graphite dans certains xénolites suggèrent une origine ignée, c’est-à-dire que le graphite (ainsi que les diamants associés) se serait formé à haute pression dans un magma formé par la fusion d’une croûte océanique subductée. D’après Viljoen (1995), ce

1-1-4-2 Exhumation tectonique

9 Massifs de péridotite orogéniques :

Les massifs orogéniques de Ronda (Espagne) et Beni Bousera (Maroc ; Figure 1) sont connus pour contenir des pyroxénites à grenat et graphite associées à des péridotites (Nixon, 1995). Le graphite possède une forme octaédrique impliquant qu’il s’agit d’une pseudomorphose de diamant durant l’exhumation (Figure 1.5 ; Pearson et al., 1995).

Figure 1.5 : image MEB (SEI) d’un graphite

octaédrique partiellement dégagé par l’érosion d’une pyroxénite à grenat de Beni Bousera. D’après Pearson et al. (1995).

9 Terrains métamorphiques de HP/UHP :

D’après Kato et al. (1997), les marbres dolomitiques du Rongcheng, dans la province du Sulu (Chine) contiennent du graphite. Les conditions de pression – température estimées sont de 2,5 – 3,5 GPa et 610 – 660°C. D’après Perraki et al. (2006), du graphite est également présent en inclusion dans des grenats du complexe de Kimi (Rhodope, Grèce), en association avec des diamants. Les spectres Raman montrent cependant que ce graphite est tantôt très ordonné, tantôt très désordonné. Il se serait donc formé durant le trajet rétrograde de la roche, par une transition diamant → graphite lors de la décompression.

1-1-5 Diamant

Le diamant, de structure cubique, est la forme de haute pression du carbone, polymorphe du graphite. Contrairement au graphite, les orbitales des atomes de carbone des diamants sont hybridées sp3. Dans ce paragraphe sont présentés de manière succincte les échantillons de haute pression dans lesquels ont trouve des diamants. Les conditions de formation de ces diamants seront discutées plus en détail dans le paragraphe 3.

1-1-5-1 Xénolites

Des diamants xénolitiques sont observables dans des laves kimberlitiques et lamproïtiques, et dans les dépôts alluviaux associés à ces formations. D’après Janse et Sheahan (1995), le nombre de kimberlites sur Terre atteint 5000 (réparties sur tous les continents), dont 500 contiennent des diamants, et 15 sont largement exploitées par des sociétés minières. Seuls les macrodiamants font l’objet d’exploitation commerciale. On trouve également parfois des microdiamants, qui ne sont quant à eux pas exploités.

Les laves kimberlitiques sont situées uniquement au niveau des cratons Archéens, tandis que les lamproïtes sont observées au niveau des cratons protérozoïques (Figure 1.6). Les cratères formés lors de ces éruptions ont la plupart du temps une forme de diatrème qui témoigne de la violence des explosions provoquées lors de la rencontre entre le magma et les sédiments. Les xénolites retrouvés en surface et dans les conduits éruptifs montrent que ces magmas ont pris leur source à 150-300 km de profondeur, dans le manteau subcratonique. Ces éruptions permettent également d’échantillonner des morceaux de manteau provenant d’une bien plus grande profondeur, et qui ont été ramenés au niveau de la source des magmas par le biais d’un panache mantellique : il s’agit de diamants dont les inclusions montrent qu’ils ont cristallisé dans la zone de transition ou dans le manteau inférieur (cf. paragraphe 3-3-1).

Les principaux gisements de diamants xénolitiques peuvent être classés selon le type d’affleurement (kimberlitique, lamproïtique ou alluvionnaire). Les diamants retrouvés dans les alluvions sont sous forme de xénocristaux, et sont originaires, la plupart du temps, de kimberlites ou lamproïtes. De même, une grande partie des diamants découverts dans les kimberlites et lamproïtes sont sous forme de xénocristaux. Ils sont cependant parfois présents dans des xénolites non-désagrégés de taille variée et de composition péridotitique ou éclogitique.

Figure 1.6 : Carte du monde mettant en évidence les cratons archéens et les gisements de

diamants associés (losanges noirs) ; les gisements de diamants métamorphiques sont indiqués par les losanges rouges. D’après Harlow et Davies (2005).

Une comparaison des xénolites contenant des diamants et des inclusions contenues dans ces diamants (Tableaux 1.3a et 1.3b) montre qu’il y des incohérences, probablement dues à la désagrégation de la plupart des xénolites hôtes qui rend l’échantillonnage non-représentatif. Gurney et al. (1979) suggèrent également que les conditions de pression – température enregistrées par les inclusions des diamants sont parfois supérieures à celles enregistrées par les xénolites contenant ces diamants. Les péridotites à grenat de la mine de Finsch (Afrique du Sud) ont été équilibrées à 3,7 – 4,1 GPa et 1030 – 1050°C, tandis que les inclusions péridotitiques contenues dans ces diamants indiquent 5,0 – 6,8 GPa et 1100°C, et les inclusions éclogitiques 4,0 – 6,0 GPa et 1019 – 1171°C. L’étude des inclusions a donc une grande importance pour la détermination des conditions de formation des diamants (voir paragraphe 3-6).

Tableau 1.3a : Localisation et description des principaux gisements de diamants xénolitiques

dans des kimberlites. La nature des xénolites contenant les diamants est précisée dans la troisième colonne, et la nature des inclusions dans les diamants, dans la dernière colonne. « Manteau profond » : inclusions ayant cristallisé dans la zone de transition ou le manteau inférieur. D’après Nixon (1995), Schulze et al. (2004, 2006), Davies et al. (2004).

Localisation Mine Xénolites à diamants

(si présents) Type d’inclusions prédominant

Finsch Lherzolite/Webstérite grt 86% Péridotite Roberts Victor Eclogite > Péridotite >85% Péridotite

Bellsbank Eclogite Eclogite, Péridotite

Premier Eclogite, Péridotite

Kimberley

Koffiefontein Péridotite:Eclogite, 4:1

Jagersfontein Manteau profond

Bultfontein 80% Péridotite, 5% Eclogite, 15 %

Sulfures

Monastery 90 % Eclogite, Manteau profond

Afrique du Sud

Moyenne Péridotite:Eclogite, 3:1

Jwaneng Eclogite, Péridotite

Botswana

Orapa Eclogite Eclogite, Péridotite

Mir Eclogite >99% Péridotite

Sibérie

Udachnaya Péridotite, Eclogite >99% Péridotite Venezuela Guaniamo Lherzolite/Harzburgite Lherzolite/Harzburgite, Eclogite

Canada Lac de Gras 64% Eclogite, 25% Péridotite, 11%

Manteau profond

Brésil Juina Manteau profond

Guinée Kankan Manteau profond

Tableau 1.3b : Localisation et description des principaux gisements de diamants xénolitiques

dans des lamproïtes. D’après Nixon (1995)

Localisation Mine Xénolites à diamants

(si présents) Type d’inclusions prédominant

Argyle Péridotite >90% Eclogite

Australie

1-1-5-2 Exhumation tectonique

9 Ophiolites :

Des diamants ont été découverts dans les ophiolites de Donqiao et Luobusa, au Tibet (Nixon, 1995 ; Yamamoto et al., 2007). Ces diamants sont contenus dans des niveaux de chromitites situés dans des harzburgites. La Figure 1.7 montre le trajet P–T suivi par ces