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BILAN DE 60 ANNÉES D'ACTIVITÉ

Dans le document EN LANGUES ÉTRANGÈRES (Page 33-36)

PERSPECTIVES

Aujourd'hui que notre grand pays est entré dans la période du socia-lisme; aujourd'hui que le socialisme pénètre non seulement dans le domaine de l'économie et de la culture, mais aussi dans le domaine de la science et de la technique; aujourd'hui que les connaissances scientifiques reçoivent la plus large application pratique, c'est une joie pour moi, qui travaille depuis près de 60 ans à améliorer sans cesse les variétés de plantes fruitiè-res, et à créer des espèces de plantes absolument nouvelles, de dire aux masses travailleuses et aux représentants de la science comment j'ai travail-lé, les résultats que j'ai obtenus et les perspectives actuellement offertes à la production de nouvelles variétés de plantes fruitières.

On m'appelle dialecticien spontané, empirique, déductiviste . Sans entrer dans des raisonnements pour savoir si ces épithètes sont méritées ou non, je crois devoir rappeler, dans ce court aperçu de mes travaux, que je me suis mis à l'oeuvre en 1875, à une époque où il subsistait des vestiges du féoda-lisme, où le capitalisme russe en était à ses débuts, où une science comme la génétique, qui doit être organiquement liée à la sélection, n'existait pas en-core (elle est seulement 'en train de se constituer aujourd'hui); où il n'y avait même pas de fructiculture scientifique (la première chaire d'arbori-culture fruitière ne fut instituée qu'en 1915); où toute la science russe portait la livrée officielle. Bref, il n'y avait aucun précédent pour m'aider à créer sur une base scientifique de nouvelles variétés de plantes fruitières.

Même pas une expérience tant soit peu sérieuse acquise par d'autres.

Je ne voyais qu'une chose: la pauvreté des plantations fruitières de la Russie centrale par rapport à celles des autres pays et de nos régions mé-ridionales, et en particulier la pauvreté de l'assortiment.

Je constatais avec tristesse l'indigence d'une branche aussi importante de notre agriculture, et j'arrivai à la conclusion que depuis des temps im-mémoriaux l'arboriculture, dans la Russie centrale, et plus encore dans la Russie septentrionale piétinait sur place et n'avait pas fait le moindre progrès...

Qu'avions-nous en effet dans les vergers de l'immense Russie centra-le? Partout et toujours, en fait de pommiers, les traditionnelles Antonovka , Anis, Borovinka , Térentievka et autres espèces archaïques; pour les poiriers, les cerisiers et les pruniers, le choix était encore moindre: rien que les

Bessé-mianka , vantées partout, les Tonkovetka à maturation estivale, les

ceri-siers Vladimirovka , les variétés à demi sauvages de pruniers, le prunel-lier sauvage.

Et on ne trouvait que rarement dans les vergers, en quantité toujours minime, quelques variétés de Reinette d'origine étrangère. Leur organisme,

BILAN DE 60 ANNÉES D'ACTIVITÉ. PERSPECTIVES 11 depuis longtemps vieilli, était devenu malingre et souffreteux; il avait

per-du toute stabilité, se défendait mal contre les différentes maladies et souffrait pendant longtemps des parasites.

Le tableau lamentable de l'ancienne horticulture russe fit naître en moi le désir, aigu jusqu'à la douleur, de changer tout cela, d'agir d'une manière nouvelle sur la nature des plantes. Et ce désir, je le résumai en ce principe que chacun connaît aujourd'hui: «Nous ne pouvons attendre les bonnes grâces de la nature; les lui arracher: voilà notre tâche.»

Ce principe, je l'ai mis à la base de mon oeuvre, et je m'en inspire au-jourd'hui encore.

Mais n'ayant rien sur quoi m'appuyer au début de mon activité pour organiser scientifiquement mes travaux, je fus obligé d'agir intuitivement pour, un peu plus tard, me tourner vers la méthode déductive.

Je m'assignai deux tâches audacieuses: compléter l'assortiment des plantes fruitières de la zone centrale par des variétés remarquables aux

points de vue rendement et qualité, et reporter beaucoup plus au nord la limite en deçà de laquelle les cultures du Midi pouvaient parvenir à maturité.

Mais il me fallut du temps pour y arriver. Je dois dire que toute mon activité se divise en trois étapes nettement tranchées.

L'ÉTAPE DE L'ACCLIMATATION

Aux années 80 du siècle passé, la théorie pseudo-scientifique de l'ac-climatation des plantes, formulée par un savant de Moscou, le docteur Grell, était en vogue. Cette «théorie» prétendait que pour compléter l'assortiment de la zone centrale il fallait prendre des plantes appartenant aux variétés méridionales et les adapter progressivement aux conditions climatiques de chez nous. Et bien que cette voie soit erronée, je m'y engageai, n'en voyant point d'autres. J'ignorais encore qu'au fond l'acclimatation des plantes se situe en dehors de la science.

En faisant venir de l'étranger des plantes du Midi, j'espérais que ces plantes nées sous d'autres cieux pousseraient et fructifieraient chez nous;

mais j'échouai dans mon entreprise, car elles furent tuées par le froid dès le premier hiver. Il est vrai que quelques-unes d'entre elles échappèrent à la mort et, purent donner des fruits. Mais les unes finirent par succomber, et les autres n'offraient aucun intérêt pour notre fructiculture .

Après cet échec, je changeai de méthode: j'essayai, au moyen de la greffe, de transporter le Sud au Nord, pensant que greffées sur nos sau-vageons résistants au froid, les plantes du Midi s'adapteraient mieux et plus rapidement à notre climat, et que les semences produites par leurs

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fruits donneraient des pieds qui, grâce à l'action de différents facteurs, permettraient d'obtenir par sélection des variétés nouvelles et meilleures.

Mais, hélas, ce fut un nouvel échec, car les plantes issues des semences fu-rent tuées par le gel dès le premier hiver.

Pendant dix longues années, supportant patiemment les déplorables conséquences de procédés erronés, j'essuyai des centaines d'échecs, mais je n'a-bandonnai pas mes travaux et continuai de passer d'une méthode à l'autre.

L'ÉTAPE DE LA SÉLECTION EN MASSE

C'est aussi une étape de base; dans l'obtention de nouvelles variétés ré-sistantes pour chaque région en particulier. Tel était le but que je poursui-vais en cultivant et en sélectionnant les plants issus de semences provenant des meilleures variétés russes et étrangères. Mais il s'avéra bientôt que les sujets sélectionnés issus des meilleures variétés locales ne présentaient que des avantages insignifiants, au point de vue de la qualité, par rapport aux anciennes variétés, et que dans la plupart des cas les sujets issus de se-mences provenant de variétés étrangères n'offraient pas suffisamment de résistance.

L'ÉTAPE DE L'HYBRIDATION

Dès lors, je choisis les couples producteurs parmi les meilleures va-riétés locales et je les croisai artificiellement, mais encore une fois les hy-brides obtenus n'étaient pas tout à fait satisfaisants. Je procédai alors au croisement de nos variétés locales avec les variétés du Midi; les hybrides qui résultaient de ce croisement donnaient des fruits d'un goût meilleur mais qui, pour la plupart, ne pouvaient se conserver longtemps en hiver;

ainsi, selon moi, les propriétés de nos variétés fruitières locales l'empor-taient dans la plupart des cas sur les propriétés des plantes du Midi, car il y a des siècles que nos variétés se sont créées et qu'elles existent dans nos régions, tandis que celles du Midi sont chez nous des «étrangères».

Enfin, je m'engageai résolument dans la bonne voie, à laquelle la science n'a abouti qu'en ces dernières années: je croisai des races et des espè-ces de plantes dont les habitats étaient éloignés.

Ainsi les couples de plantes choisis pour jouer le rôle de reproducteurs se trouvaient placés chez nous dans des conditions de milieu auxquelles ils n'étaient pas habitués; la descendance résultant de leur croisement s'adaptait plus facilement à notre climat, et je trouvais combinées en elle de la façon la plus propice les propriétés répondant le mieux à ce que j'exi-geais de ces variétés. Par cette hybridation, les variétés du Midi

transmet-Mitchourinsk . Mitchourine Ivan Vladimirovitch

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