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Chapitre 1. Présentation des sites et méthodes de traitement des données de flux

5. Filtrage et vérification de la qualité des flux

5.5. Le bilan d’énergie

Un des critères souvent utilisé pour vérifier la qualité des mesures de flux est la fermeture du bilan d'énergie qui s'écrit de la façon suivante :

H + LE = Rn − G − S − Q (9)

Avec d'une part, les flux turbulents H et LE et d'autre part le rayonnement net (Rn) qui correspond au bilan radiatif de la surface, le flux de chaleur conductif dans le sol (G), le stockage de chaleur (S) et la somme des autres sources et puits d'énergie (Q). Dans la plupart des études, Q est négligé car considéré comme très faible (Wilson et al., 2002). G, mesuré avec les plaquettes de flux à 0.05 m de profondeur, a été corrigé pour le stockage de chaleur dans les cinq premiers centimètres de sol (Sg) en utilisant l'équation suivante tirée de Campbell et Norman (1998) :

Sg = ρscsdTdt (10)

Avec ρs, la densité du sol, cs, la chaleur spécifique du sol, T, la température moyenne de la couche de sol (calculé à partir des mesures de température du sol à 0.05 m et 0.01 m de profondeur) et t le temps. La capacité calorimétrique volumique du sol (ρscs) a été calculée à partir de la fraction volumique d'eau de la couche (θ estimé par la mesure d'humidité relative du sol à 0.05 m de profondeur) et des fractions volumiques de matières minérales (φm estimé à 95 %) et organiques (φo

ρscs = φmρmcm + θρwcw + φoρoco (11)

Avec ρ et c, les densités et chaleurs spécifiques de la matière minérale (2650 Kg m-3 et 870 j Kg-1 K-1), de l'eau (1000 Kg m-3 et 4180 j Kg-1 K-1) et de la matière organique (1300 Kg m-3 et 1920 j Kg-1 K-1). Il est très important de bien prendre en compte Sg qui est souvent du même ordre de grandeur que G.

Le terme S peut être décomposé en différents termes (Lamaud et al., 2001) :

S = Sh + Sq + Sv + Sp (12)

Avec Sh et Sq, les stockages de chaleur sensible et latente, respectivement, dans la colonne d'air sous le système d'EC, Sv, le stockage de chaleur sensible dans les plantes et Sp, l'énergie fixée par la photosynthèse. Sh et Sq ont été calculés avec l'équation (6), à partir des mesures de profils verticaux de température et d'humidité relative. Sv a été calculé de manière similaire à Sg (Equation (10)) en estimant que le stockage se fait principalement dans l'eau contenue dans les plantes (donc ρc = ρwcw), calculé à partir des mesures de biomasse fraîche et sèche, et avec un T correspondant aux mesures de la température de surface, mesurée par des capteurs infra rouge thermique au dessus du couvert. Sp a été calculé à partir des estimations de production primaire brute (GEP pour gross ecosystem production, (voir section 7) selon la méthode proposée par Meyers et Hollinger (2004) :

Sp = Lp GEP (13)

Avec Lp, l'équivalent énergétique spécifique à la fixation de CO2, qui est une constante égale à 422 Kj par moles de CO2 fixées par la photosynthèse.

Globalement, Sh et Sq sont faibles avec des valeurs médianes ne dépassant pas 2 W m-2 (Figure 7). Comme pour Fsc, un décalage de phase est observé pour Sh entre les périodes de sol nu et les périodes de végétation, avec un stockage de chaleur plus précoce le matin et plus tardif le soir en période de végétation, causé par l'atténuation du vent dans le couvert. Sq ne présente pas de cycle de stockage journalier évident. En périodes de végétation, Sv et Sp présentent des cycles journaliers bien marqués avec des valeurs médianes dépassant les 5 W m-2 pour Sv et au voisinage de 10 W m-2 pour Sp. Sur culture, une bonne évaluation de S nécessite donc une bonne estimation de Sp et Sv qui sont les termes les plus importants en période de végétation.

Figure 7 : Journée médiane des différentes composantes du stockage de chaleur à Auradé en périodes de sol nu et de végétation quand le profil de mesures verticales était opérationnel. (a) et (b) correspondent au stockage de chaleur sensible (Sh) et latente (Sq), respectivement, (c) au stockage de chaleur dans la végétation (Sv) et (d) à l'énergie fixée par la photosynthèse (Sp).

La Figure 8 représente le bilan d'énergie (Equation (9)) à partir des données semi horaires. Pour les deux sites, toutes conditions de couvert confondues, les ordonnées à l'origine sont inférieures à 10 Wm-2 et les R2 quasiment toujours supérieurs à 0.9, ce qui témoigne de la bonne qualité des différentes procédures de sélection des données. La fermeture du bilan d'énergie varie de 85 à 90 % en fonction des sites et de l'état du couvert. Cette observation de non fermeture du bilan d'énergie est quasiment récurrente pour les mesures de flux avec des systèmes d'EC. Pour vingt deux sites différents du réseau FLUXNET, sur différents écosystèmes, et pour cinquante années de mesures, Wilson et al.

(2002) ont observé une fermeture moyenne de 79 %. Les auteurs ont avancé deux types de problèmes possibles pouvant expliquer cette non fermeture du bilan d'énergie :

D'une part les problèmes n'ayant pas d'impact sur la validité des flux mesurés par le système d'EC. Ils peuvent être causés par des erreurs d'échantillonnage dues aux différences d'empreintes entre les mesures de flux turbulents et les mesures des autres énergies, à une mauvaise estimation des différents termes du stockage (Sg et S) et des autres sources et puits d'énergie (Q) ainsi qu'à un biais systématique dans les mesures de Rn et de G.

décalages entre les capteurs, de mauvaises corrections spectrales (voir section 4.3) et des problèmes d'advection et de turbulences de basses fréquences non prises en compte dans la période d'intégration.

Dans une revue récente sur le problème de la non fermeture du bilan d'énergie, Foken (2008) conclu que les problèmes d'erreurs de mesures et de mauvaise estimation des termes de stockage ne suffisent pas à expliquer le phénomène. L'hypothèse des problèmes d'échelles se traduisant par de l'advection et des turbulences de basses fréquences sont donc actuellement privilégiés. Cependant, comme les sources des différents flux (énergie, eau et CO2) sont le résultat de processus dont les échelles spatiales et temporelles peuvent être variables, l'importance de l'advection et des turbulences de basses fréquences peut être très différente dans la sous-estimation de ces différents flux (Wilson et al., 2002).

Sur la Figure 9, il est possible de voir que l'augmentation de la proportion journalière de LE dans Rn est corrélée à une augmentation de la fermeture du bilan d'énergie ainsi qu'a une augmentation du R2 pour les deux sites. Cette observation est cohérente avec la Figure 8, qui montre une meilleure estimation du bilan d'énergie en période de végétation, quand les flux de chaleur latente sont forts en raison de la transpiration du couvert. De plus, le R2 diminue quand la part de G dans Rn augmente, donc principalement en périodes de sol nu. Sur la Figure 8 les périodes de sol nu sont aussi caractérisées par une baisse de la fermeture du bilan d'énergie ainsi que par une baisse du R2. La mesure de G et l'estimation de Sg semblent donc être une des causes de la non fermeture du bilan d'énergie sur nos parcelles expérimentales. En effet, il est fréquent en périodes de sol nu, quand les conditions sont sèches d'observer des fentes de retrait dans le sol pouvant dégrader considérablement les mesures de G. Une autre hypothèse pouvant expliquer la meilleure fermeture du bilan d'énergie en période de végétation coïncide avec une des hypothèses de Foken (2008) ; la rugosité de la surface étant plus grande en période de végétation, et la hauteur de mesure relative au couvert plus faible, le spectre des turbulences est décalé vers les hautes fréquences et ainsi, l'impact des turbulences de basses fréquences serait moindre.

Figure 8 : Bilan d'énergie (Equation (9)) à Auradé (a, c et e) et Lamasquère (b, d et f), toutes conditions de couvert confondues (a et b), en période de sol nu (c et d, PAI = 0 m2 m-2) et en période de végétation (e et f, PAI > 2 m2 m-2), entre le 18-mars-2005 et le 10-Oct-2007. Les traits et les notes en vert correspondent aux droites de régression et les traits en pointillés à la droite y = x.

Figure 9 : Pente (a), ordonnée à l'origine (b) et coefficient de détermination (R2) du bilan d'énergie (Equation (9)) en fonction de la proportion journalière des différents flux d'énergie dans le rayonnement net (Rn). Les points noirs correspondent à la parcelle d'Auradé et les blancs à celle de Lamasquère. Ces calculs ont été effectués sur les données entre le 18-mars-2005 et le 10-Oct-2007.