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Il est possible de “ construire ” expérimentalement des systèmes ayant des propriétés magnétiques particulières. Afin d’essayer de diminuer le couplage d’échange, nous avons étudié des systèmes de tricouches composés de deux couches magnétiques séparées par un espaceur non magnétique (de type Ag ou Cu). Les deux couches magnétiques ont été choisies de telle sorte à avoir des coefficients ME de signe opposé comme dans le système étudié ci-avant. La Figure 22 montre la structure typique de ces tricouches.

substrat

nickel-fer (B>0)

espaceur (Ag ou Cu) 1 à 2 nm nickel (B<0)

Figure 22 : structure en tricouche. Deux couches de matériaux magnétiques ayant des coefficients ME de signe opposé sont séparées par un espaceur non magnétique (typiquement Ag ou Cu).

Dans le cas d’une couche non contrainte, le couplage entre les couches sera déterminé par l’épaisseur de l’espaceur. Lorsque les couches seront soumises à des contraintes mécaniques de contraction ou d’élongation, les aimantations des couches magnétiques auront tendance à s’orienter à 90 degrés l’une de l’autre.

a)

Exemple d’un système Ni/Ag/NiFe.

La Figure 23 montre un cycle d’hystérésis sur un tel système. On constate que ce cycle est très carré. Ce cycle ne présente qu’un seul champ coercitif. L’espaceur d’argent ne découple pas totalement les deux couches magnétiques. Cependant, les mesures de réflectivité de neutrons (voir Figure 25) montrent que pour des déformations d’environ 0.03%, les aimantations des deux couches magnétiques font un angle de 35° l’une par rapport à l’autre. La faible valeur de l’angle peut être attribuée au couplage encore très important entre les deux couches magnétiques malgré l’espaceur. Les mesures de neutrons montrent qu’effectivement la rugosité est très importante à l’interface entre les couches magnétiques et l’espaceur d’argent. Il est nécessaire d’introduire une couche d’alliage NiAg de 1 nm d’épaisseur au niveau des interfaces avec l’espaceur d’argent, ce qui montre que cette couche de découplage ne peut pas être considérée comme de l’argent pur.

-40 -20 0 20 40

H (gauss)

M (u.a.)

Figure 23 : cycle d’hystérésis mesuré sur une tricouche Ni/Ag/Ni-Fe. On obtient un cycle très carré avec une rémanence égale à Msaturation.

10 100 1000 10000 100000 1000000 0 0.5 1 1.5 2 θ (degrés) Intensité (u.a.) Up-Up Down-Down

Figure 24 : réflectivité d’une tricouche Ni/Ag/Ni-Fer sous un champ magnétique saturant de 100G (mesure de référence sous saturation). Les ajustements numériques sont en traits gras.

10 100 1000 10000 100000 1000000 0 0.5 1 1.5 2 2.5 θ (degrés) Intensité (u.a.) fit nant5c

Figure 25 : réflectivité d’une tricouche Ni/Ag/Ni-Fer soumise à une déformation d’élongation de 0.03%. Carrés (up- up), losanges (down-down), triangles (spin-flip) ; ajustements numériques en traits pleins.

La Figure 26 résume schématiquement le résultat de l’ajustement numérique et montre les rotations d’aimantation induites par la déformation mécanique.

Nickel (12 nm) Argent (2 nm) Nickel-Fer (15 nm) 55° 20° M Substrat de verre z M élongation de 0.03% H = 5G

Figure 26 : configuration magnétique d’un système Ni/Ag/NiFe soumis à une déformation de 0.03%, déduit de l’ajustement numérique des courbes de la Figure 25. Les directions des aimantations des deux couches magnétiques font un angle de 35° l’une par rapport à l’autre.

b)

Exemple d’un système Ni/Cu/NiFe.

Dans le cas de ce système, nous obtenons un cycle d’hystérésis différent du système précédent. Le cycle est très arrondi mais les couches sont légèrement découplées par l’espaceur de cuivre (voir Figure 27). Le tracé de la dérivée de l’aimantation par rapport au champ montre deux changements de pente.

-400 -300 -200 -100 0 100 200 300 400 -40 -20 0 20 40 H (gauss) M (u.a.) 0 10 20 30 40 50 60 70 -40 -20 0 20 40 B (gauss) dM/dH (u.a.)

Figure 27 : à gauche, cycle d’hystérésis mesuré sur une tricouche Ni/Cu/NiFe (mesure par SQUID). A droite, la dérivée de l’aimantation par rapport au champ montre deux changements de pente suggérant que les deux couches sont magnétiquement découplées.

Les mesures de réflectivité de neutron montrent que pour une déformation de 0.03%, les aimantations des deux couches magnétiques font un angle de 50° l’une par rapport à l’autre. 10 100 1000 10000 100000 1000000 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 θ (degrés) Intensité (u.a.) Up-Up Down-Down (fit NCNt_2)

Figure 28 : réflectivité d’une tricouche Ni/Cu/Ni-Fer sous un champ de 100G (mesure de référence sous saturation). Les ajustements sont tracés en traits gras. Ajustements en traits gras.

1 10 100 1000 10000 100000 1000000 0 0.5 1 1.5 2 θ (degrés) Intensité (a.u.) Up-Up Up-Down Down-Down (fit NCNt_4)

Figure 29 : réflectivité d’une tricouche Ni/Cu/Ni-Fe soumise à une déformation d’élongation de 0.03%. Les ajustements sont tracés en traits gras.

Nickel (12 nm) Cuivre (2 nm) Nickel-Fer (12 nm) 70° 20° M Substrat de verre z M élongation de 0.03% H = 5G

Figure 30 : configuration magnétique d’un système Ni/Cu/NiFe soumis à une déformation de 0.03%, déduite de l’ajustement numérique des courbes de réflectivité de la Figure 29. Les directions des aimantations des deux couches magnétiques font un angle de 50° l’une par rapport à l’autre.

On constate donc que de très faibles déformations mécaniques (déformations relatives de 0.03%) permettent d’induire des changements importants dans l’aimantation de films minces et de créer des structures magnétiques “ non conventionnelles ”.

Une étude ultérieure devra s’intéresser aux propriétés de transport de ces systèmes. En effet des structures en tricouches de ce type présentent un effet de magnétorésistance géante, c’est-à-dire que la résistance électrique du système dépend de l’ordre magnétique dans les couches et en particulier du couplage ferromagnétique ou anti-ferromagnétique entre les couches. Il est donc possible d’envisager de moduler la résistance électrique du système en fonction de la contrainte appliquée puisque l’application d’une contrainte permettra de passer d’une configuration ferromagnétique ou anti-ferromagnétique à une configuration quadratique (aimantation des deux couches faisant un angle de 90° l’une par rapport à l’autre). On peut ainsi obtenir un système sensible aux déformations mécaniques. Une application directe est bien sûr une utilisation sous forme de capteurs de déformations. Au lieu d’être basé sur un effet de déformation géométrique comme pour les jauges de contraintes “ classiques ” on disposerait d’un système sensible à ces contraintes par l’intermédiaire du couplage magnétique. Suivant l’amplitude de l’effet de magnétorésistance géante, la sensibilité pourrait être grandement améliorée par rapport aux capteurs classiques.

D.

Conclusion.

Nous avons montré que la réflectivité de neutrons permet de mesurer la structure magnétique interne détaillée de systèmes magnétiques. Il a été possible d’observer des inhomogénéités d’aimantation dans des systèmes simples de couches de nickel. Nous avons attribué ces inhomogénéités à des gradients de constantes magnéto-

élastique dans l’épaisseur des films minces. Dans des systèmes de bicouches et de tricouches magnétiques à profil de constantes magnéto-élastiques modulé (volontairement), la réflectivité de neutrons polarisés nous a permis de vérifier qu’il est possible d’induire des gradients d’aimantation importants par application de contraintes mécaniques.

Ce type de mesures contraste avec les études plus classiques sur des sytèmes de multicouches. En effet dans les mesures de réflectivité sur des superréseaux, on ne peut obtenir qu’une information moyennée sur l’ensemble des couches ; cela s’apparente à la diffraction classique qui donne des informations sur l’ordre magnétique à longue distance et est donc une mesure plus “ globale ”. Dans nos mesures nous avons montré qu’il est possible d’obtenir des informations relativement “ locales ” sur l’aimantation de systèmes simples. Ceci est particulièrement intéressant puisque cela permet de mesurer des effets autrement très difficiles à observer. Dans l’avenir, l’extension du domaine en q accessible (par l’augmentation du flux) permettra d’obtenir des résolutions spatiales supérieures sur ces aimantations d’interface. Ce type d’études est sans aucun doute appelé à se développer.

Chapitre 4

Problèmes à deux dimensions : diffusion