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2.4 Principales sources d’imprécision

2.4.3 Biais locaux non différentiés : les multitrajets

Les très courtes lignes de base impliquées lors du positionnement des récepteurs au sein d’un réseau de Geocubes couplées à la différentiation des observations permettent l’élimination ou la grande atténuation de la plupart des sources d’imprécision inhérentes au positionnement par GPS. Le traitement des observations d’une ligne de base de quelques mètres mesurée par deux récepteurs géodésiques aboutit alors à un résultat peu bruité (Fig. 2.23). Au contraire, on constate que les séries temporelles brutes de positions obtenues à partir d’observations acquises par des Geocubes sont relativement dispersées (Fig. 2.16 et Fig. 2.24). Cette différence s’explique par la plus forte sensibilité des Geocubes aux perturbations induites par leur environnement proche : les multitrajets (Fig. 2.22).

Figure2.23 – Série temporelle d’une ligne de base fixe mesurée par des récepteurs géodésiques.

Figure 2.24 – Série temporelle d’une ligne de base fixe mesurée par des Geocubes.

Ce phénomène est dû à la réflexion/diffusion des ondes GPS sur l’environnement de chaque récepteur. Les ondes réfléchies interfèrent avec les ondes directes au niveau de l’antenne et forment avec elles un signal composite qui sera enregistré par le récepteur. La phase acquise sera alors égale à la phase "vraie" issue de l’onde directe à laquelle s’ajoute un biais induit par l’onde indirecte. Dans le cas simplifié d’une réflexion spéculaire sur une surface plane, le déphasage provoqué par le multitrajet est donné par [Larson et al, 2007] :

δφ = 4πh

λL1 × sin(θ) + φ0 (2.44)

avec δφ le déphasage, h la hauteur de l’antenne au dessus du réflecteur, θ l’angle d’élévation du satellite et φ0un éventuel biais.

L’amplitude du multitrajet (Am) est pour sa part directement liée à la réflectivité de la surface pour les ondes électromagnétiques considérées (fréquence L1 dans le cas du Geocube) qui est principalement influencée par la constante diélectrique du sol [Larson et al, 2008].

L’amplitude du signal composite {onde directe + multitrajet} est finalement donnée par [Larson et al, 2008] :

A2c = A2d+ A2m+ 2AdAm× cos(δφ) (2.45)

avec Ac l’amplitude du signal composite, Ad l’amplitude de l’onde directe et Am l’amplitude du multitrajet.

Deux paramètres dictent alors la forme du bruit de multitrajets qui entache les séries temporelles de position :

– La géométrie du système {satellite - réflecteur - antenne} définit la répétition temporelle des "motifs" des multitrajets. Dans le cas du système GPS, comme la constellation des satellites se répète à chaque jour sidéral [Agnew and Larson, 2007], les multitrajets se répètent à l’iden-tique à cette période si la nature et la position des réflecteurs reste constante [Larson et al, 2007] comme on peut l’observer sur les figures 2.23 et 2.24 .

– La nature et l’état du milieu réflecteur définissent l’amplitude des multitrajets en faisant varier la constante diélectrique des réflecteurs. C’est la variation de ce paramètre qui implique les fluctuations inter-journalières des multitrajets.

Le cas particulier d’une session de mesures au cours de laquelle des récepteurs sont soumis à des changements de leur environnement proche permet d’étudier les évolutions temporelles des multitrajets. Les données exploitées ici ont été acquises dans le cadre de la campagne Demevap [Bock et al, 2013]. Deux lignes de base fixes de 4m sont mesurées par des récepteurs géodésiques (Topcon GB1000, antenne Trimble Zephyr geodetic, Fig. 2.25) et traitées à l’aide de notre logiciel. La faible longueur des lignes de base assure que tous les biais spatialement corrélés sont éliminés par différentiation ; les multitrajets sont alors la seule source d’imprécision entachant les positions, bien que les antennes géodésiques utilisées (Fig. 2.25) les rejettent en grande partie.

Figure2.25 – Etude de l’effet de l’environnement sur l’amplitude des multitrajets. Gauche : photo du montage (photo : P.Lardeux ).

Droite : Variation de la dispersion des séries temporelles sous l’effet des multitrajets. Rouge : ligne de base sans bâches absorbant les multitrajets, bleu : ligne de base avec bâches à

partir du jour 14.

L’évolution de la dispersion journalière des séries temporelles de positions permet d’étudier la variation inter-dates de l’amplitude des multitrajets qui dégradent la solution. Les résultats obtenus mettent alors en évidence :

– L’augmentation de l’amplitude des multitrajets le jour 10 à la suite d’un épisode pluvieux. Ceci s’explique par l’augmentation de la constante diélectrique quand le sol est humide. – La baisse de l’amplitude des multitrajets pour une des deux lignes de base à la suite de

ondes GPS à proximité des récepteurs (Fig. 2.25). Une partie des ondes qui se réfléchissaient auparavant sur l’environnement et généraient des multitrajets sont alors absorbées par la bâche, ce qui réduit l’amplitude totale des multitrajets enregistrés.

Cette influence de l’environnement sur les multitrajets a fait l’objet de nombreux travaux per-mettant de mieux comprendre l’interaction des ondes GNSS avec l’environnement des antennes. Certains auteurs ont alors utilisé les GNSS pour étudier localement certains paramètres environ-nementaux comme l’humidité du sol [Larson et al, 2008], l’enneigement [Larson et al, 2009] ou la croissance de la végétation [Small et al, 2010]. Ici nous nous plaçons toutefois dans une perspective d’utilisation du GPS à des fins de positionnement et les multitrajets sont considérés comme une source d’imprécision plutôt que comme un signal recherché.

La plus grande sensibilité des Geocubes aux multitrajets par rapport aux récepteurs géodésiques (cf Fig. 2.23 et Fig. 2.24) s’explique en grande partie par l’antenne utilisée pour l’acquisition des données GPS. En effet, la grande majorité des multitrajets viennent de la demi-sphère inférieure au plan horizontal de l’antenne car ils sont générés par des réflecteurs au sol, alors que les ondes di-rectes vient de la demi-sphère supérieure. Afin de rejeter les multitrajets, les antennes géodésiques (Choke-ring, Zephyr...) présentent un lobe de gain qui atténue drastiquement les signaux venant du bas (Fig. 2.26). Au contraire, le lobe de gain de l’antenne des Geocubes est quasi sphérique, ce qui conduit à ne pas dépondérer les multitrajets par rapport aux ondes directes lors de l’acquisition des données brutes (Fig. 2.26).

Figure2.26 – Comparaison des lobes de gain d’un récepteur géodésique et du Geocube. Le lobe de gain du Geocube est issu de la fiche de spécification de l’antenne Sarantel SL1206.

A ces multitrajets générés par l’environnement du récepteur (sol, végétation, bâtiment...) s’ajoutent des variations dans l’espace du centre de phase de l’antenne qui correspond au point où les mesures de phase sont acquises (PCV = Phase Center Variation, variation du centre de phase). Ces variations sont dues à la structure de l’antenne et aux composants du récepteurs qui l’entourent. Le PCV ne dépend que de l’antenne utilisée et de la géométrie du système {satellite - antenne}. Son effet sur les positions est donc extrêmement semblable à celui des multitrajets. En l’absence de calibration des antennes des Geocubes, l’effet du PCV est considéré ici comme un multitrajet généré par l’antenne elle même et s’ajoute au multitrajets "vrais" générés par l’envi-ronnement.

Les multitrajets au sens large constituent finalement la principale source d’erreur résiduelle lors du positionnement des Geocubes au sein du réseau. Ce phénomène explique la dispersion des séries temporelles de position constatée section 2.3.5 ainsi que l’aspect répétitif du bruit observé (période d’un jour sidéral). Les Geocubes sont bien plus sensibles aux multitrajets que les récep-teurs géodésiques, en particulier à cause de l’antenne bas de gamme utilisée pour l’acquisition des phases GPS brutes. Cependant, le choix de ce type d’antenne conduit à l’obtention de récepteurs

bon marché et peu encombrants qui sont deux caractéristiques indispensables pour les applications visées. Le bruit induit par les multitrajets dans les positions brutes est donc inhérent aux récep-teurs utilisés et l’atténuation de cette source d’imprécision nécessite des traitements logiciels pour compenser les limitations du matériel.