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Best Management Practices version 4 – BMP

En aout 2011 sort la version quatre des Best Management Practices against Somalia based piracy (BMP), les meilleures pratiques de gestion contre la piraterie somalienne. Ce guide est le fruit d'un travail collectif entre de grandes associations et organisations du secteur maritime et les trois coalitions navales internationales publié par la UKMTO (United Kingdom Maritime Trade Operations). En plus de l'UE NAVFOR, de la CMF et de l'OTAN, des associations telles que BIMCO (Baltic and International Maritime Conference), Intertanko, Intercargo et The Mission to Seafearers (entre autres51) s'impliquent donc dans la lutte contre la piraterie. Il ne s'agit pas de

lutte directe mais plutôt de moyens – pour les transporteurs maritimes – d'éviter que les attaques réussissent.

Les BMP se présentent sous la forme d'un guide d'un peu moins de 90 pages adressé aux navires qui envisagent de traverser le golfe d'Aden. Son objectif est « d'assister les navires pour éviter, dissuader ou retarder les attaques pirates dans la Zone de Haut Risque » (UKMTO, 2011, p. 1).

51 Liste complète des participants : SIGGTO, Intertanko, Intercargo, OCIMF, IGP&I, International Chamber of Shipping, ITF, IMB, IPTA, BIMCO, The Mission to Seafearers, CLIA, Joint Hull Committee, InterManager, IMEC, World Shipping Council, EU NAVFOR, CMF, NATO Shipping Center, Operation Ocean Shield, MARLO.

Cette Zone de Haut Risque (ZHR) est définie dans le paragraphe 2.4 des BMP : elle a comme limites le canal de Suez et le détroit d'Ormuz au nord, le méridien des 78°E et le parallèle des 10°S (UKMTO, 2011, p. 4). La ZHR correspond à peu près à la zone d'extension de la piraterie en 2009 (cf. carte n°5). Elle est donc particulièrement dangereuse pour les marins ; c'est pourquoi il convient de suivre un protocole particulier qui commence avant de pénétrer dans la zone et ne s'achève qu'après en être sorti.

En effet, il convient d'évaluer les risques qu'encourent le navire et l'équipage avant de traverser la ZHR. La sécurité de l'équipage est, selon les BMP, la première chose dont il faut s'assurer. Celui- ci ne doit pas risquer d'être coincé à l'intérieur et doit pouvoir sortir dans le cas d'une autre urgence, un incendie par exemple (UKMTO, 2011, p. 5). La position d'un point de rassemblement sûr et/ou de la citadelle (cf. plus bas) doit être connue de tout l'équipage.L'évaluation des risques passe aussi par la connaissance du navire : hauteur du franc-bord52 et vitesse. En effet, plus le

franc-bord est élevé, plus l'abordage sera compliqué. Il en est de même pour la vitesse. Il est relevé qu'un franc-bord de plus de huit mètres offre de plus grandes chances d'échapper aux pirates et il n'a été relevé aucune attaque durant laquelle les pirates ont réussià monter à bord d'un navire allant à plus de 18 nœuds (soit 33km/h) (UKMTO, 2011, pp. 6-7). Enfin, l'état de la mer constitue aussi un facteur déterminant que les marins peuvent exploiter : plus la mer est agitée, plus il est difficile de manœuvrer de petites embarcations telles que celles utilisées par les pirates. Cela devient particulièrement difficile au-delà du niveau 3 de l'échelle de Douglas53 (UKMTO,

2011, p. 7).

L'entrée dans la ZHR doit être préalablement préparée par la compagnie de transport maritime. Celle-ci doit s'enregistrer sur le site du Centre de sécurité maritime de la Corne de l'Afrique (MSCHOA pour Maritime security center – Horn of Africa). Cela représente « une initiative établie par l'EU NAVFOR » et qui « fournit une surveillance humaine permanente des navires qui transitent à travers le golfe d'Aden »54. Une fois enregistrée, la compagnie peut accéder aux

informations que publie le site. Obtenir les dernières informations du MSCHOA (ainsi que du

Shipping Center de l'OTAN) fait d'ailleurs partie des BMP. Il faut ensuite revoir l'évaluation de la

sécurité du navire (SSA pour Ship safety assessment) et mettre en place un plan de sécurité du navire (SSP pour Ship safety plan) comme requis dans le code ISPS (International ship and port

52 Le franc-bord est la partie émergée de la coque. La partie immergée s'appelle quant à elle le « tirant d'eau ». 53 L'échelle de Douglas mesure l'agitation de la mer par la hauteur de la mer du vent. Elle est composée de neuf

niveaux allant de « calme » (hauteur nulle) à « énorme » (14 mètres et plus). 54 Site du Centre : [http://www.mschoa.org/on-shore/about-us] consulté le 5 juin 2015.

security) de 2002 (UKMTO, 2011, p. 13). La compagnie doit aussi suivre de près les menaces

pirates éventuelles et informer le capitaine du navire des trajets recommandés. Enfin, elle doit planifier et installer les mesures de protection du navire (ou SPM pour Ship protection measures). Les SPM sont un ensemble de mesures permettant de se protéger des pirates. Elles sont définies dans la section 8 des BMP et ne sont pas obligatoires. Les transporteurs peuvent décider de n'appliquer que certaines de ces mesures, ou bien aucune d'entre-elles. Elles peuvent être divisées en deux parties : les mesures consistant à modifier le navire pour le rendre moins vulnérable aux attaques, et les mesures prenant la forme d'un « code de conduite » adressé à l'équipage.

Les mesures de modification du navire sont les suivantes. Premièrement, il est conseillé de renforcer la protection de la passerelle (UKMTO, 2011, p. 25). Elle constitue l'objectif principal des pirates cherchant à détourner le navire, car c'est de la passerelle qu'est dirigé le navire. La mise en place de barrières physiques est aussi recommandé pour rendre plus difficile la montée des pirates à bord. Celles-ci peuvent prendre la forme de barbelés ou de grillages. Elles peuvent aussi être électrifiées ou arborer un panneau indiquant – en somali – qu'elles le sont. Parmi les SPM se trouve également la mise en place de canons à eau ou au moins l'utilisation de tuyaux pour repousser les pirates tentant de monter à bord. La mise en place d'alarmes s'avère aussi pertinente, car permettant de prévenir l'ensemble de l'équipage d’une intrusion. Un système de surveillance par caméra permet quant à lui d'observer la progression des pirates tout en étant à l’abri dans le cas où ceux-ci ont réussi à monter à bord du navire. Enfin, la mise en place d'une « citadelle » au sein du navire permet de protéger l'équipage des pirates en attendant une éventuelle intervention militaire (UKMTO, 2011, pp. 23-38).

Le simili « code de conduite » commence en invitant à renforcer la vigilance durant les quarts en les raccourcissant et en ajoutant des guetteurs. Ainsi, les marins faisant le guet seront plus alertes et plus à même de repérer un bateau-mère ou des esquifs pirates. Dans le cas où le navire est approché par des pirates, les SPM recommandent de manœuvrer afin de rendre la mer moins praticable autour du navire. Ceci peut rendre l'approche bien plus compliquée pour les pirates. Enfin, les SPM s'achèvent par un éventuel recourt à des sociétés privées de protection, qui peuvent éventuellement être armées.

Les BMP illustrent, dans une certaine mesure, la privatisation de la lutte contre la piraterie. La

lutte est ici à comprendre comme ce qui est fait pour éviter la piraterie et, en ce sens, les

transporteurs jouent un rôle croissant. Ils sont en effet les principales victimes de la piraterie et les investissements que peuvent représenter la mise en place des SPM sont un moindre mal comparés

aux coûts qu'entrainent un éventuel détournement. Cependant, le recourt à des sociétés de protection privées est un exemple de privatisation bien plus parlant.