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B- Java une région où la VOC est omniprésente : Une vision de la situation économique

2- Batavia, la capitale de la VOC

Batavia -anciennement Jayakerta- est un territoire que les Provinces-Unies ont conquis en 1619

; elles y organisent toute une économie régionale mais aussi plus internationale autour de ce point idéalement situé. Jean Basset revient un peu sur l’histoire de Batavia dans son récit (pages 38-39). Basset de manière crédible sur la conquête de l’île de la part des Hollandais, qui la prennent aux Anglais199. Cette description a un côté très romancé accentué par la description de la ruse des Hollandais, se faisant passer pour malades ; ce qui est une information difficile à vérifier.

La description que Basset fait de Batavia contraste à celle de Banten grâce aux détails que l’auteur y met. Batavia est une ville qui a été conçue pour être une ‘‘Hollande sous les tropiques’’ mettant en place une organisation urbaine semblable à ce qui avait lieu aux Provinces- Unies comprenant notamment de grands murs200 et présence d’un château qui est typique. Mal- gré la volonté d’en faire une ville européenne, isolant les populations locales : selon de nombreux visiteurs étrangers il restait à la ville un côté très ‘‘oriental’’201. Cela s’explique aussi parce que les Néerlandais n’ont pas fait venir un grand nombre de colons civils pour peupler la ville, ainsi la Batavia s’est développée comme ville asiatique sous juridiction européenne et une influence architecturale néerlandaise.202.

199 Merle Calvin Ricklefs, Op.cit, p.28.

200 Jean Gelman Taylor, The Social World of Batavia Europeans and Eurasians in Colonial Indonesia, London, University of Wisconsin Press, 2009, [1983], p. XXIX.

201 Léonard Blussé, « Life and Labour Around the Batavian Roadstead », Asian Port Cities 1600-1800. Local and Foreign Cultural Interactions, Haneda Masashi (eds.), Singapore, National University of Singapore Press, 2009, p. 123.

202 Katrina Gulliver, « Intercultural Exchange In the City of Malacca », Intercultural Exchange in Southeast Asia History and Society in the Early Modern World, Tara Alberts, David Irving (eds), London and New-York, Tauris,

Figure 7: Plan de la ville et château de Batavia (1690), graveur anonyme. https://maps-prints.com/antique-prints- indonesia/4855-plan-de-la-ville-et-du-chateau-de-batavia-en-l-isle-de-java-montanus-c1690.html.

L’accueil très positif qui est fait aux Français à Batavia tranche complètement par rapport à l’épisode de Banten où les Français ne peuvent accoster. Dans la page 37 de son récit Jean Basset décrit bien un accueil à la fois solennel mais aussi festif de la part des Hollandais. Basset profite de cette venue à Batavia pour expliquer l’organisation politique et commerciale des Hollandais. C’est la VOC qui détient la majorité des pouvoirs, à sa tête de cet empire un général : Johannes Camphuys (1634-1695), auquel Jean Basset se réfère en tant que « monsieur de Campich »203 et qu’il croisa un soir. Basset revient sur le parcours de cet homme de pouvoir ayant gravi tous les échelons de la VOC pour finalement arriver aux plus hautes fonctions, ce qui lui donne l’occasion de parler de la Compagnie, sans toutefois préciser les sources de ses informations. Nous savons que le général est désigné par les conseillers locaux et le choix est

ensuite transmis aux dirigeants au Pays-Bas ce qui témoigne du fait que la politique de la VOC se fait de manière très locale204.

Batavia au XVIIe siècle est une « ville monde » où toutes les nationalités se retrouvent afin de commercer. Basset la décrit comme Babylone205 car on y trouve des personnes venant du monde entier dont 2/3 d’européens (page 41). Un grand nombre de marchands venaient de tous les coins du monde, mais on note aussi des miliciens travaillant pour la VOC qui pouvaient venir d’Allemagne, de France ou de Norvège206… C’est malgré tout un chiffre qui est fortement con- testable car la faible culture matérielle européenne dont nous disposons atteste d’une faible population européenne ; les artisans chinois et indiens sont eux présent en grand nombre207. C’est une ville entrepôt où un grand nombre de marchandises viennent de divers horizons. Jean Basset note bien la présence des Chinois, partenaires commerciaux importants des Néerlandais208. Le milieu du XVIIe siècle avait été marqué par une diminution des échanges entre Chinois et Hollandais à cause des troubles politiques en Chine. La prise définitive de Banten en 1683 par les Hollandais a ravivé le commerce chinois à Batavia209. La capitale de la VOC était située dans un nœud central du commerce asiatique partant de Malacca jusqu’au Japon en passant par la Chine210. De plus les îles malaises avaient des ressources rares comme des clous de girofle leur donnant d’autant plus d’intérêt d’un point de vue commercial211. Des marchands français sont aussi installés à Batavia. Jean Basset nous parle notamment d’un sieur Danger originaire de Lyon marié à une Hollandaise212. L’auteur ne nous précise pas pour qui il travaille, mais on sait que quelques Français se sont établis à Batavia ; Danger pouvait aussi être salarié de la VOC.

Il semble que les deux jeunes missionnaires de la Mission Étrangère de Paris (MEP) aient séjourné chez ce sieur Danger durant l’escale de Batavia. Ce Lyonnais semble avoir une grande résidence, pouvant même loger des esclaves, originaires surtout des îles balinaises et qui ont un rôle important chez les riches propriétaires213. On ne sait pas grand-chose de cet homme à part qu’il serait catholique officieux, c’est-à-dire qu’il ne dévoile pas au grand jour sa foi. Mais cette

204 Jean Gelman Taylor, Op.cit, p. 33.

205 Jean Basset, p.40.

206 Jean Gelman Taylor, Op.cit, p. 6.

207 Katrina Gulliver, Op.cit, p. 245.

208 Jean Basset, p. 40.

209 Léonard Blussé, « Chinese Trade to Batavia during the days of the V.O.C », Archipel, vol 18, 1979, pp. 206- 207.

210 Kerry Ward, Op.cit, p. 62.

211 Jurgen G. Nagel, Op.cit, p.36.

212 Jean Basset, p. 35.

rencontre semble avoir marqué Jean Basset car il en parle assez longuement. Il semble avoir été touché en particulier par l’intérêt de ce Français pour les missions, souhaitant même qu’il puisse loger un jour un prête pour la conversion des âmes214. Pour entrevoir une politique de conversion il faut la mise en place de toute une structure matérielle et humaine, ainsi il faut un point d’attache où peuvent vivre les missionnaires et les catéchistes. À défaut d’avoir un site catholique à Batavia, à cause de la rivalité avec les Néerlandais, les missionnaires pourraient se baser chez un particulier afin de commencer leurs prêches à l’intention certes des protestants mais aussi des populations locales majoritairement musulmane.

Choisy estime que les catholiques représentent 1/3 de la population à Batavia : c’est la même estimation qu’il avait faite pour l’Afrique du Sud et qui ne repose pas sur des estimations ni fiables, ni précises 215. La présence française à Batavia était due aux compagnies commerciales

; la VOC ayant un d’ailleurs grand nombre de Français à son service216.

C’est aussi dans la région javanaise que Jean Basset fit le plus de descriptions et remarques sur les différentes puissances régionales en place, mais cela reste très inégalitaire, il décrit ce qu’il a envie de décrire.

214 Jean Basset, p. 35.

215 François Timoléon de Choisy, édition de 1687, p. 154.

216 Frédéric Mantienne, Les relations politiques et commerciales entre la France et la péninsule Indochinoise