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Bien que des gènes de résistance et leurs mécanismes sous-jacents aient été découverts et décrits dans de nombreux modèles, les sources de résistance aux pucerons restent rares dans les pools génétiques utilisés pour l’amélioration des plantes cultivées. Les résistances aux pucerons décrites peuvent être de type monogénique, c'est-à-dire résultant de l’expression d’un seul gène de résistance dominant ou récessif, ou bien polygénique, c'est-à-dire due à l’expression conjointe de plusieurs facteurs de résistance (Dogimont et al. 2010).

4.1 Gènes de résistance décrits

Le premier gène à avoir été décrit et caractérisé est le gène Vat, impliqué dans la résistance du melon à Aphis gossypii (Pitrat et Lecoq 1980). Initialement sélectionné pour son effet sur la résistance au virus non persistant CMV, il est maintenant largement utilisé en amélioration variétale pour son effet drastique sur les populations de pucerons, se manifestant à la fois par de l’antibiose et de l’antixénose (Pitrat et al. 1982). Chez la tomate, qui est probablement le modèle qui a reçu le plus d’attention (Kaloshian et Walling 2005), la résistance au puceron Macrosiphum euphorbiae est due au gène Mi1 ; l’effet de ce gène n’est pas spécifique, et affecte également plusieurs espèces de nématodes (Gilbert et McGuire 1956 ; Braham et Winstead 1957), ainsi que l’aleurode Bemisia tabaci (Nombela et al. 2003). Ces deux gènes de résistance sont actuellement les seuls à avoir été clonés (Milligan et al. 1998 ; Dogimont et al. 2004 ; Dogimont et al. 2010).

Plusieurs autres résistances monogéniques ont été identifiées sur des modèles d’importance agronomique et économique : parmi les mieux caractérisées figurent notamment le gène Akr de résistance de la luzerne à Acyrtosiphon kondoi (Klingler et al. 2005), de Prunus persicae à Myzus persicae (Pascal et al. 2002 ; Sauge et al. 2002), la famille Dn de gènes de résistance

26 du blé à Schizaphis graminum pour la plupart introgressés depuis des espèces rustiques (Secale cereale, Triticum monococcum) (Anderson et al. 2003 ; Lazzari et al. 2009). Au total, des gènes de résistance ont été caractérisés pour une vingtaine d’espèces de pucerons, et couvrent une quinzaine de modèles d’importance agronomique (Dogimont et al. 2010).

4.2 Expression de la résistance

A ce jour, l’ensemble des gènes de résistance aux hémiptères identifiés codent, ou sont supposés coder, pour une protéine cytoplasmique transmembranaire de type CC (Coiled Coil)-NBS (Nucleotide Binding Site)-LRR (Leucine-Rich Repeat) (Milligan et al. 1998 ; Klingler et al. 2005 ; Wroblewski et al. 2007 ; Du et al. 2009 ; Klingler et al. 2009 ; Dogimont et al. 2010). La reconnaissance de l’éliciteur se fait soit par interaction directe avec le produit d’un gène de résistance, soit selon le ‘modèle de garde’, c'est-à-dire par détection du changement de conformation d’un récepteur tiers interagissant avec un facteur d’avirulence (Dangl et Jones 2001). Si la séquence protéique des domaines NBS et LRR est globalement conservée, la composition et la conformation des domaines terminaux varient entre modèles de plantes. Par exemple, le domaine terminal de la protéine encodée par Mi1 est une longue séquence riche en leucine qui aurait un rôle dans la régulation de la transduction du signal consécutif à la reconnaissance du pathogène (Hwang et Williamson 2003), alors que cette extrémité est plus courte pour le gène Vat (Dogimont et al. 2010).

Dans le cas du gène Mi1, la découverte de nombreux facteurs nécessaires à la reconnaissance du pathogène et à la transduction du signal, témoigne d’un contrôle génétique complexe relevant probablement du modèle de garde (Kaloshian et Walling 2005).

La perception des signaux d’avirulence entraîne l’activation de cascades de signalisation différentes, puis des mécanismes de résistance spécifiques à chaque modèle plante/insecte. Ainsi, la reconnaissance par le gène Mi1 entraîne une signalisation principalement dépendante de la voie de l’acide salicylique (Li et al. 2006), alors que la résistance de la luzerne à A. kondoi conférée par le gène Akr dépend de celle du jasmonate (Gao et al. 2007). Ainsi chaque système de défense varie dans ses phases de reconnaissance, de transduction et d’expression, aboutissant à une gamme de mécanismes spécifiquement dirigés vers une espèce donnée.

4.3 Résistances polygéniques

Les résistances de type polygénique sont plus rarement citées dans la littérature. Elles ont généralement été décrites sur graminées, à l’instar de la résistance du sorgho à Schizaphis graminum (Agrama et al. 2002), ou de sources de résistance à Diuraphis noxia chez l’orge

27 (Mittal et al. 2008 ; Mittal et al. 2009), qui correspondent à des régions géniques différentes de celles où ont été cartographiés les gènes de la famille Dn. Chez le melon, de nouvelles sources de résistance à Aphis gossypii indépendantes du gène Vat ont récemment été cartographiées (Boissot et al. 2010). Cette diversification des sources de résistance, et leur utilisation conjointe dans un fonds génétique, permet d’élargir le spectre de la résistance, notamment vis à vis de biotypes potentiellement contournants.

4.4 Structure des loci de résistance

Les facteurs de résistance aux pucerons, comme les facteurs de résistances aux agents pathogènes en général, sont souvent organisés en clusters de gènes de résistance situés sur le même locus (McMullen et Simcox 1995 ; Collins et al. 1998 ; Hulbert et al. 2001). Le gène Mi1 est présent sur la branche courte du chromosome 6 de la tomate, dans un cluster qui contient plusieurs gènes de résistance à des agents pathogènes variés (Seah et al. 2007). Chez Medicago truncatula, les trois gènes décrits et cartographiés (Akr, Ttr et Rap1) impliqués dans la résistance aux pucerons sont concentrés sur une zone de moins de 40 cM (Klingler et al. 2007). Cette concentration de gènes favoriserait particulièrement l’apparition de nouveaux gènes ou allèles de résistance au cours des épisodes de remaniement chromosomique (Kanazin et al. 1996 ; Michelmore et Meyers 1998).

Figure IV.1 : Phylogénie ancestrale et évolution hypothétique des Aphididae (von Dohlen and Moran

2000). T/J : transition Trias/Jurassique (-203Ma), J/K : transition Jurassique/Crétacé (-135Ma), K/T : extinction Crétacé/Tertiaire (-65Ma).

Légende des taxa : Cr : Creaphididae, El : Elektraphididae, Ge : Genaphididae, Me : Mesozoicaphididae, Ov : Oviparosiphinae, Pa : Palaeoaphididae, Sh : Shaposhnikoviidae, Ta : Tajmyraphididae

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IV Spécificité des résistances et diversité 

génétique des pucerons 

Lorsque peu de sources de résistance sont disponibles, et que la plupart de ces sources sont monogéniques, potentiellement sujettes à un contournement plus ou moins rapide, la durabilité de la résistance est une préoccupation de premier ordre (Leach et al. 2001). Dans ces conditions, l’introduction de nouvelles espèces de ravageurs, ou de biotypes contournant les résistances déployées, constitue une menace réelle pour les cultures (Pimentel et al. 2000). En effet, le succès du contournement d’une résistance déployée, résultant de l’introduction ou de l’apparition d’un génotype contournant, est avant tout lié à la capacité d’adaptation du pathogène : il est généralement admis que la probabilité d’apparition de génotypes non affectés par une source de résistance augmente avec leur potentiel adaptatif (McDonald et Linde 2002). Ainsi, l’acquisition de connaissances sur la diversité du pathogène est une composante importante de l’étude de l’épidémiologie des bioaggreseurs au sens large (Grenfell et al. 2004 ; Huyse et al. 2005).

1. Diversification des pucerons : radiation et