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La forme de Hessenberg `a d´ecalage sera pour nous l’outil algorithmique de base pour la plu-part de nos algorithmes. Avant de pr´esenter ceux-ci, nous allons montrer quelques propri´et´es des matrices de Hessenberg `a d´ecalage. Nous emploierons le terme op´erateur et nous utilis-erons la mˆeme notation pour l’op´erateur A et pour la matrice A repr´esentant l’op´erateur A dans la base canonique de kn.

Les notions introduites dans cette section seront surtout employ´ees en 2.4, pour obtenir une estimation du param`etre m d’une matrice `a d´ecalage.

2.3.1 Bases `a d´ecalages

D´efinition IV.7 Soit A ∈ Mn(k). Une base `a d´ecalage de A est une base de kn de la forme

h

v1, Av1, . . . , An1−1v1, v2, Av2, . . . , An2−1v2, . . . , vm, Avm, . . . , Anm−1vmi. (IV.3) La notion de bases `a d´ecalage s’entend pour une famille ordonn´ee de vecteurs.

Propri´et´e IV.1 Une matrice qui repr´esente un op´erateur A dans une de ses bases `a d´e-calages est une matrice de Hessenberg `a d´ecalage de A. R´eciproquement une matrice de Hessenberg `a d´ecalage d´efinit une base `a d´ecalage de A.

Nous rappelons la forme suivante de matrice

D´efinition IV.8 Une matrice A ∈ Mn(k) est dite rationnelle canonique si elle de la forme suivante F = Cp1 0 · · · 0 0 Cp2 · · · 0 .. . ... . .. ... 0 0 · · · Cpt , (IV.4)

o`u Cpi est la matrice compagnon de polynˆome minimal pi, et p1 | p2 | · · · | pt. Les polynˆomes pi, i = 1, . . . , t sont les diviseurs ´el´ementaires de A.

Th´eor`eme IV.5 ([Gan77]) Toute matrice est ´equivalente `a une matrice rationnelle canon-ique. Les diviseurs ´el´ementaires sont invariants par classe de similitude, et caract´erisent chaque classe.

En particulier la forme rationnelle canonique d’une matrice est une matrice de Hessenberg `a d´ecalage dans une base `a d´ecalage particuli`ere.

Etant donn´e un op´erateur A, une base `a d´ecalage de A peut ˆetre obtenue de la mani`ere suivante. Soit v1 un vecteur de kn, on calcule les vecteurs Aiv1, i = 0, . . . , n1− 1 o`u n1 est la plus petite valeur i telle que Aiv1 est lin´eairement d´ependant des Ajv1, j < i. Ensuite v2 est choisi ind´ependant des vecteurs pr´ec´edents et de mˆeme on calcule Aiv2, i = 0, . . . , n2− 1, o`u n2 est la plus petite valeur i telle que Aiv2 est combinaison lin´eaire des Ajv2, j < i et des Ajv1, j < n1. Le processus s’arrˆete lorsque n1+ · · · + nm = n. Une base `a d´ecalage est obtenue par l’algorithme d´ecrit en IV.3, mais cette construction refl`ete la structure d’une base `a d´ecalage.

Plus pr´ecis´ement, `a chaque base `a d´ecalage correspond une suite croissante de sous-espaces invariants V1, . . . , Vm. Chaque Vi est un sous-module du k[X]-module induit par A

sur kn, et donc Vi/Vi−1 est un k[X]-module. Chaque module Vi/Vi−1 est engendr´e par la classe vi de vi dans Vi/Vi−1, et fi(X) est le polynˆome minimal de vi.

Plusieurs bases `a d´ecalage peuvent repr´esenter l’op´erateur A par la mˆeme matrice de Hessenberg `a d´ecalage. Il existe ainsi une partition des bases `a d´ecalage de A par rapport aux formes de Hessenberg `a d´ecalage auxquelles elles correspondent. La propri´et´e suivante est claire d’apr`es les d´efinitions.

Propri´et´e IV.2 Soit A une matrice de Mn(k), et soient deux bases `a d´ecalage B1 et B2: B1 =hv1, Av1, . . . , An1−1v1, v2, Av2, . . . , An2−1v2, . . . vm, Avm, . . . , Anm−1vmi

et

B2 =hv1, Av1, . . . , An1−1v1, v2, Av2, . . . , An2−1v2, . . . vm , Avm , . . . , Anm−1vmi telles que

V1 ⊂ V2 ⊂ . . . ⊂ Vm, et

[v1, v1 ∈ V1 = AV1; v2, v2 ∈ V2\ V1, V2 = AV2; vm, vm ∈ Vm\ Vm−1, Vm = AVm] . Si Anivi est combinaison lin´eaire de v1, . . . , vni−1 avec les mˆemes coefficients que Aniv

i, i = 1, . . . , m respectivement, alors B1 et B2 correspondent `a la mˆeme forme de Hessenberg `

a d´ecalage.

D´efinition IV.9 Soit A une matrice de Mn(k), et H une forme de Hessenberg `a d´ecalage de A. Nous dirons que B est une base `a d´ecalage pour H si l’op´erateur A est repr´esent´e par la matrice H dans la base B.

Nous ´etablissons la distinction entre une base `a d´ecalage quelconque et une base `a d´e-calage repr´esentant une matrice de Hessenberg `a d´ed´e-calage donn´ee au moyen des pr´epositions de et pour (respectivement). Ceci est un peu faible, mais ´evite une terminologie plus lourde. Nous invitons le lecteur `a y prˆeter attention, notamment dans les ´enonc´es des th´eor`emes IV.3 et IV.6, et dans les preuves des corollaires IV.2 et IV.3.

2.3.2 Forme rationnelle canonique d´evelopp´ee

D´efinition IV.10 La forme rationnelle canonique d´evelopp´ee d’un op´erateur A de Mn(k) est la matrice suivante, ´equivalente `a A :

D = FB1,B1 0 · · · 0 0 FB2,B2 · · · 0 ... . .. ... 0 0 · · · FBd,Bd

o`u chaque matrice FBi,Bi est une matrice rationnelle canonique

Cpsi,1 i 0 · · · 0 0 Cpsi,2 i · · · 0 ... . .. ... 0 0 · · · Cpsi,mi i ,

o`u C

psi,mi j est la matrice compagnon de polynˆome minimal psii,mj, si,1 ≤ si,2 ≤ . . . ≤ si,mi et les polynˆomes pi sont premiers entre eux deux `a deux.

Au vu de la forme rationnelle canonique d´evelopp´ee, kn est la somme directe d M i=1 mi M j=1 Vpsi,j i , o`u Vpsi,j

i est le sous-espace vectoriel invariant pour A, tel que le polynˆome minimal de la restriction de A `a Vpsi,j

i est psi,j

i . Le k[X]-module induit par A sur kn est isomorphe au produit d’anneaux :

R = R1,1× · · · × R1,m1 × R2,1 × · · · × R2,m2 × · · · × Rd,1× · · · × Rd,md (IV.5) consid´er´es comme k[X]-modules avec Ri,j = k[X]/psi,j

i .

Pour tout vecteur u, nous notons u|Ri,j la composante de u dans l’anneau Ri,j, et nous con-sid´erons indiff´eremment u|Ri,j comme un vecteur ou comme un polynˆome de degr´e inf´erieur `a si,jdeg(pi).

Une base `a d´ecalage pour la forme rationnelle canonique d´evelopp´ee est d´efinie par une s´equence de vecteurs

v1,1 , v1,2 , . . . , v1,m 1, v2,1 , . . . , v2,m 2, . . . , vd,1 , . . . , vd,m d

telle que pour tout couple (i, j) le polynˆome minimal de v

i,j est psi,j

i . Lemme IV.6 Soit u un vecteur de kn tel que psi,j

i u = 0. Alors les composantes de u dans la d´ecomposition IV.5 v´erifient

u|Rk,l = 0 si k 6= i.

Preuve : Supposons qu’il existe k, l, k 6= i tels que u|Rk,l 6= 0. Alors psi,j

i u|Rk,l est non nul, puisque u|Rk,l est non nul et que psi,j

i est une unit´e de Rk,l = k[X]/psk,l

k (pgcd(pi, pk) = 1). ✷

Lemme IV.7 Soit u un vecteur de kn, de polynˆome minimal psi,j

i . Alors les composantes de u dans Ri,l v´erifient

• l < j; u|Ri,l est un ´el´ement quelconque de Ri,l, • l = j; u|Ri,l, est un polynˆome premier `a pi, • l > j; u|Ri,l est un multiple de psi,u−si,j

i .

Preuve : Puisque le polynˆome minimal de u est psi,j

i , nous avons que psi,j

i v = 0 pour tout vecteur v de Ri,l, d´es que l < j, puisque psi,l

i , qui divise psi,j

i , est le polynˆome minimal de A restreint `a Ri,l. Ceci prouve le cas l < j.

Dans le cas l = j, nous avons qu’un vecteur est cyclique pour une matrice compagnon s’il est premier au polynˆome minimal de cette matrice (lemme IV.4).

Dans le cas l > j, on doit avoir

psi,j

i u = 0, ce qui entraˆıne dans Ri,j que

psi,j

i u|Ri,l = 0 mod psi,l

i , et que psi,l−si,j

i divise u|Ri,l.

✷ Propri´et´e IV.3 Soit D une matrice rationnelle canonique. Toutes les bases `a d´ecalage pour D ont la forme

[v1,1, Dv1,1 , . . . , Dn1,1−1v1,1, v1,2 , Dv1,2, . . . , Dn1,2−1v1,2 , . . . , vd,m d, Dvd,m d, . . . , Dnd,md−1vd,m d] o`u ni,j = si,jdeg pi et chaque v

i,j dans Ri,l admet psi,j

i pour polynˆome minimal.

Preuve : C’est exactement la propri´et´e IV.2, dans le cas d’une matrice rationnelle canonique d´evelopp´ee.

2.3.3 Application au centralisateur d’une matrice

D´efinition IV.11 Le centralisateur Z(A) d’une matrice A de Mn(k) est le groupe des ma-trices inversibles de GLn(k) qui commutent avec A.

Th´eor`eme IV.6 Soit A un op´erateur, et soit H une matrice Hessenberg `a d´ecalage sem-blable `a A. Il y a correspondance bijective entre les base `a d´ecalage pour H et les matrices de Z(A), le groupe des matrices inversibles commutant avec A.

Preuve : Soit B1 et B2 les matrices de changement de base pour deux bases `a d´ecalage pour H, v´erifiant les conditions de la propri´et´e IV.2, B1−1AB1 = B2−1AB2, puisque ces deux bases produisent la mˆeme matrice de Hessenberg `a d´ecalage, d’apr`es la propri´et´e IV.2. Alors la matrice G = B2B1−1 commute avec A:

GA = B2B1−1A = B2B1−1AB1B1−1 = B2H1B1−1

= B2B2−1AB2B1−1 = AB2B1−1 = AG.

Soit maintenant une matrice inversible Q commutant avec A. Soient v1, . . . , vmd´efinissant la base `a d´ecalage produite par B1 comme dans la d´efinition IV.7. Alors la matrice QB1 est une matrice de base `a d´ecalage pour H. En effet soient u1, . . . , um les vecteurs u1 = Qv1, . . . , umQvm, alors on a AkQvi = QAkvi, i = 1, . . . , m. La famille

U = (u1, Au1, . . . , An1−1u1, u2, Au2, . . . , An2−2u2, . . . , um, Aum, . . . , Anm−1um) v´erifie les mˆemes conditions de d´ependance lin´eaire que

V = (v1, Av1, . . . , An1−1v1, v2, Av2, . . . , An2−2v2, . . . , vm, Avm, . . . , Anm−1vm),

puisque Q est inversible. D’apr`es la propri´et´e IV.2, U1 produit le mˆeme forme de Hessenberg `a d´ecalage H1. Si B2 est la matrice de la base U1, alors B2 = QB1, c’est-`a-dire Q = B1B2−1. ✷

D´efinition IV.12 La somme directe de deux matrices A1 et A2 est la matrice A = " A1 0 0 A2 # .

Corollaire IV.2 Le centralisateur de la somme directe de deux matrices A1 et A2, dont les polynˆomes minimaux sont premiers entre eux, est le produit direct des centralisateurs de A1 et de A2.

Preuve : Soit F1 la forme rationnelle canonique d´evelopp´ee de A1 et F2 la forme rationnelle canonique d´evelopp´ee de A2. Alors la matrice

F =

"

F1 0 0 F2

#

est une matrice rationnelle canonique d´evelopp´ee pour A. D’apr`es le th´eor`eme IV.6, toute base `a d´ecalage pour F produit un ´el´ement du centralisateur de A. Puisque les polynˆo-mes minimaux de F1 et F2 sont premiers entre eux, le lemme IV.6 montre que les bases `a d´ecalage pour F sont des sommes directes des bases `a d´ecalage pour F1 et pour F2. Les bases `a d´ecalage pour F1 (respectivement F2) sont en correspondance avec les commutateurs de A1 (respectivement A2), d’o`u le r´esultat.

Corollaire IV.3 Soit k = q, et soit A un op´erateur dont la forme rationnelle canonique d´evelopp´ee F est donn´ee comme dans la d´efinition IV.10. Alors le cardinal du centralisateur de A est d Y i=1 mi Y j=1 qdeg(pi)(Pj−1

w=1si,w+(mi−j)si,j)φ(psi,j

i ). (IV.6) o`u φ(g) est le nombre de polynˆomes de degr´e inf´erieur `a deg(g) premiers `a g.

Preuve : Il suffit de d´enombrer les bases `a d´ecalage pour F . Chacune de ces bases `a d´ecalage est une famille

v1,1 , v1,2, . . . , v1,m 1, v2,1 , . . . , v2,m2, . . . , vd,1 . . . vd,md telle que pour tout (i, j), le polynˆome minimal de v

i,j est psi,j

i .

Dans la formule (IV.6), le produit externe correspond au lemme IV.6. Chaque produit interne ´enum`ere, pour chaque psi,j

i , le nombre de vecteurs tels que psi,j

i v = 0. La somme j−1

X

w=1 si,w

vaut pour les anneaux Ri,l, l < j, pour lesquels tout vecteur v v´erifie psi,j

i v = 0. Le terme (mi − j)si,j est un r´esultat du fait que le nombre de polynˆomes multiples de psi,l−si,j

i dans k[X]/psi,l

i est qdeg(pi)si,j. Enfin, φ(psi,j

i ) = qsi,jdeg(pi)(1 − q− deg(pi)) est le nombre de polynˆomes premiers `a psi,j

i , c’est-`a-dire le nombre d’unit´es de Ri,j.