• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Méthodologie et objectifs

2. Les bases conceptuelles de l’analyse

Divers outils conceptuels nous aideront à définir les manifestations matérielles du mode de fabrication des outils chez un groupe. Un ensemble de concepts est en mesure de définir la ou les traditions selon lesquelles divers outils ont été fabriqués (Lapensée-Paquette, 2010a : 52).

Une carrière est un affleurement de roche aux qualités suffisamment bonnes pour que le tailleur puisse en contrôler le processus de débitage (Kolhatkar, 2006 : 11). La notion de carrière réfère au concept de territoire et se définit grossièrement comme une étendue de terre occupée et défendue par un groupe d’humains. Archéologiquement, le territoire se perçoit comme la zone d’exploitation dont un groupe d’humains a besoin pour survivre et comprend

les ressources animales et végétales de subsistance et les ressources forestières et lithiques essentielles à l’élaboration des armes et des outils. Sur les sites de carrière, nous devrions observer des modifications sur le territoire se présentant sous forme de nivellement des sols, de pelletage et d’érosion des sols (Paddayya et al, 2006 : 45). Les carrières possèdent donc un haut degré de visibilité archéologique qu’il est possible d’observer par la présence de percuteurs (Gould, 1980 : 123) ou par les modifications perçues sur le territoire comme pourraient l’être les escaliers de géants étudiés par l’équipe d’Ethnoscop Inc. en 1997.

Les chaînes opératoires prennent en compte trois types d’éléments : les pièces (outils et sous produits); la succession de gestes ou séquence technique; et les connaissances spécifiques qui détaillent le système technique d’un groupe préhistorique sur un site donné de façon à le replacer dans son milieu et à y comprendre son adaptation (Pelegrin et al, 1988 : 55-56). Les objets se définissent comme l’expression des moyens d’action sur la matière, ne se limitant pas uniquement aux outils, mais également à tous les sous-produits dérivants de la fabrication et portant les marques des diverses étapes de la manufacture. La structure de la production lithique nous permet de nous immiscer au cœur de l’investissement humain impliqué dans la production et la prise de décisions propre à la pierre. La nature et l’organisation interne de ces systèmes permettent de comprendre la production et l’utilisation des ressources selon les contextes d’acquisition, d’échange, de technologie et d’organisation sociale (Erickson, 1984 : 3).

Les objets lithiques fournissent des renseignements précieux sur la technologie des peuples disparus nous permettant ainsi de les identifier par leurs particularités et déceler des affinités entre les groupes ou encore révéler des réseaux d’échange. Il n’est pas rare de retrouver des outils finis loin des sources ou des lieux de fabrication (Renfrew et Bahn, 2004 : 327), ce qui peut compliquer l’interprétation des activités se déroulant en un lieu particulier. Le seul outil méthodologique qui s’offre à nous pour en comprendre davantage, c’est l’analyse lithique. L’analyse lithique porte sur : la nature et la provenance de la matière première, la morphologie des objets, la place dans la chaîne opératoire du bloc d’origine à l’outil fini, et sur leur fonction telle que déterminée par la comparaison ethnographique ou l’expérimentation (Tassé, 2000 : 41).

Une autre méthode reconnue dans le domaine consiste à pratiquer le recollage ou le remontage pour reconstituer les gestes et décisions prises lors de la taille. Tâche ardue, le

recollage ou remontage permet de comprendre les techniques de fabrication de base utilisées lors de la taille et d’appréhender les patrons de distribution des débris ou du matériel selon une aire donnée (Flenniken, 1984; Leach, 1984 : 109). Toutefois, bien que ce travail semble intéressant au premier abord, son application complète est rarement applicable dans le cas d’un inventaire de surface, sauf s’il existe une concentration conséquente d’éclats en un lieu associé avec des nucléi ou des outils.

Cela nous amène à aborder brièvement l’archéologie du geste qui prend de plus en plus d’ampleur au sein des descriptions technologiques européennes. L’apport du remontage à l’étude du geste est remarquable lorsqu’on n’a pas affaire à un assemblage trop fragmentaire. Le remontage permet de retrouver la forme initiale du bloc que l’on débitera par la suite et d’où l'on tirera des outils. Une même action produite sur deux matières différentes ne produira pas nécessairement le même effet (De Beaune, 2000 : 28). Cela nous amène à nous pencher sur le fonctionnement de l’outil et la façon dont le geste a pu s’exercer en fonction de l’activité créant ainsi des interprétations toutes autres (De Beaune, 2000 : 38-39) lorsque l’on se penche sur les prises de décision des individus ayant taillé la pierre.

Kroeber s’interrogeait quant à la notion d’invention technique au cours de la préhistoire et présentait une dichotomie intéressante entre le hasard de l’invention et l’homme de génie en relation aux inventions fondamentales de l’humanité. L’invention, ainsi que les gestes en résultant, consiste souvent à reproduire des mouvements perçus dans la nature. Il est possible que l’idée de détacher un éclat d’un bloc rocheux ait pour origine l’observation d’une pierre éclatée ou d’une erreur de manipulation (De Beaune, 2008 : 61). L’invention suppose une certaine capacité à composer, à partir d’éléments épars, un tout cohérent constitué qui pourra par la suite être diffusé verticalement ou horizontalement s’il est socialement accepté au sein d’un groupe de départ (fondateur). Bien que l’invention diffère du geste, elle précède les idées et les gestes particuliers à un groupe créant une tradition de taille.

Il est connu que l’un des meilleurs moyens de comprendre ce qui s’est passé dans un système donné comprenant la production, la distribution et la consommation, c’est de commencer par le début, c’est-à-dire le lieu de production (Renfrew et Bahn, 2004 : 382). L’analyse du débitage est l’étude systématique des artéfacts de pierre taillée, excluant les nucléi et les outils, permettant de reconstruire la technologie lithique préhistorique ainsi que les patrons du comportement humain (Sullivan et Rozen, 1985 : 755). Il existe deux grandes

catégories de débitage : le débitage dérivant de la fabrication d’un outil et le débitage dérivant des activités technologiques des non-outils aussi appelé réduction du nucléus.