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La description théorique du noyau atomique peut être faite en postulant que l’interaction des A nucléons s’opère principalement par des interactions à deux corps, notées V. Cette limitation est en fait une conséquence pratique du principe d’exclusion de Pauli : le libre parcours moyen d’un nucléon étant grand par rapport à la taille du noyau, la probabilité que trois nucléons interagissent simultanément est considérée comme suffisamment faible pour pouvoir être négligée. Ce formalisme nous permet donc d’écrire l’Hamiltonien total du noyau

comme la somme de deux termes : ˆ Htot = A X i=1 ˆTi+ 1 2 A X i=1 A X k>1 ˆ Vi,k (1.6)

où ˆTiest l’opérateur énergie cinétique du nucléon i et ˆVi,kl’interaction entre les nucléons i et k. L’idée centrale de cette approche est que tout se passe comme si un nucléon se déplaçait dans un puit de potentiel (qui le confinerait dans le noyau) indépendamment de la présence des autres nucléons. Sur le plan théorique, cette hypothèse revient à remplacer le problème à N corps - N particules en interaction - par N problèmes à 1 corps. Cette simplification essentielle du problème est la pierre angulaire de la théorie du champ moyen. Ainsi, sous la forme réduite qui utilise le champ moyen ˆUi, on peut écrire l’hamiltonien H comme :

ˆ Htot = A X i=1 [ ˆTi+ ˆUi] + [1 2 A X i=1 A X k>1 ˆ Vi,kA X i=1 ˆ Ui] = ˆH0+ ˆH1 (1.7) où ˆH0est l’Hamiltonien de A nucléons indépendants dans le champ moyen ˆUi, et ˆH1correspond à une interaction résiduelle entre ces nucléons. En effet, si le potentiel ˆUi a été judicieusement choisi, le terme ˆH1 pourra être suffisamment petit pour être négligé en première approxima-tion, bien que ni P ˆVi,k, ni P ˆUi ne soient séparément petits. L’approche phénoménologique du modèle en couches consiste alors à paramétriser le potentiel nucléaire par une fonction mathématique appropriée, tel le potentiel décrit dans la formule 1.2. Néanmoins, la résolution de l’équation de Schrödinger avec l’Hamiltonien ˆH0seul - qui donne les fonctions propres Ψ du noyau et les énergies E0déterminées par la somme des énergies individuelles des nucléons -, ne nous permet pas de décrire correctement les noyaux éloignés des fermetures de couches. Pour ces derniers, il nous faut alors prendre en compte l’interaction résiduelle ˆH1, qui amène la notion de mouvements non totalement indépendants des nucléons. Ce terme affecte les éner-gies de particules indépendantes tirées de ˆH0, provoquant des mélanges de configurations, et amenant des effets collectifs de vibrations et de déformations des noyaux.

Ainsi, le calcul des énergies E du noyau résulte de la diagonalisation de l’Hamiltonien total ˆHtot. Mais les dimensions de cette matrice augmentent extrêmement rapidement avec le nombre de nucléons. En pratique, ce nombre devient si grand qu’il rend tout calcul quasiment impossible pour des noyaux au-delà de A supérieur ou égal à 8. Il faut donc définir un espace tronqué dans lequel la résolution de l’équation de Schödinger, grâce à l’utilisation d’un Hamiltonien effectif

He f f permet de retrouver les énergies E du noyau :

HΨ = EΨ → He f fΨe f f = EΨe f f

Il s’agit donc d’introduire une division de l’espace des états individuels possibles en un coeur et un espace de valence nommé par analogie avec la notion de couche de valence en chimie. Le coeur est un ensemble d’orbitales pleines que l’on va supposer inactives. Par opposition, l’espace de valence est l’ensemble de tous les états individuels qui peuvent jouer un rôle dans la construction des fonctions d’onde à Z (ou N) corps. La dernière étape consiste à calculer la matrice de l’hamiltonien à deux corps dans cette base à Z corps, et à la diagonaliser. Malgré la réduction de la taille de la base due à l’introduction de l’espace de valence, les matrices à diagonaliser atteignent facilement des dimensions de l’ordre de 109et requièrent des techniques spécifiques de diagonalisation. Les calculs de modèle en couches reproduisent en général les données expérimentales avec une excellente précision. Cependant, ils dépendent fortement de deux facteurs importants :

– la subdivision de l’espace total en coeur et espace de valence ;

– l’interaction effective nucléon-nucléon contenant des paramètres libres qui doivent être ajustés à partir de données expérimentales.

Le choix de l’espace de phase est donc un point crucial. Généralement on utilise les délimitations naturelles formées par les gaps entre deux couches lors de ce choix. En effet, le postulat disant que les nucléons appartenant aux orbitales de coeur n’ont pas d’influence est d’autant plus vrai que l’énergie nécessaire pour qu’un nucléon passe d’une couche à une autre est plus importante qu’entre deux orbitales appartenant à une même couche. Donc dans la région de masse qui nous intéresse, le coeur traditionnellement utilisé est un coeur de56Ni, soit une fermeture des

orbitales jusqu’à f7/2. La couche f p + g, constituée des orbitales p3/2, f5/2, p1/2 et g9/2, définit alors un espace de valence naturel : ceci signifie que seuls les nucléons évoluant dans la couche

f p + g sont autorisés à réaliser des excitations particule-trou.

Quant au choix de l’interaction effective, elle s’est portée dans notre cas sur l’interaction RG.5-45 qui semble être celle qui réponde au mieux aux exigences inhérentes aux noyaux avec Z > 28 et N > 40. 0 0 1 1 0 0 1 1 0 0 1 1 0 0 1 1 0 0 1 1 Espace de valence Espace externe 0 0 1 1 0 0 1 1 0 0 1 1 0 0 1 1 0 0 1 1 0 0 1 1 0 0 1 1 0 0 1 1 0 0 1 1 0 0 1 1 0 0 1 1 0 0 1 1 Coeur

Dispositif expérimental et méthodes

d’analyse des expériences réalisées avec

CLARA-PRISMA

L’étude de la structure de noyaux exotiques riches en neutrons implique la production, la sélection et l’observation des espèces d’intérêt. Les choix des matériaux de la cible et des parti-cules du faisceau, ainsi que de l’énergie avec laquelle celles-ci arrivent sur la cible, orientent les réactions. Sur le plan expérimental, une des grandes difficultés est le tri et l’identification des noyaux exotiques formés lors des collisions. D’une part, les taux de production des noyaux exo-tiques recherchés sont généralement faibles et les réactions employées pour les créer génèrent une multitude de noyaux de toute sorte. Il faut donc trier les noyaux d’intérêt, par exemple, au moyen de spectromètres magnétiques qui les guident vers un système d’identification en Z et A. On utilise aussi pour les identifier les seuls témoins de leur brève existence que sont les produits de leur désintégration ou les autres fragments formés lors des collisions qui leur ont donné naissance. D’autre part, la durée de vie des noyaux qui intéressent les physiciens est courte : il faut donc aller très vite pour les trier, les identifier et mesurer les propriétés désirées. Le désir de la communauté d’étudier de nouvelles régions dans la charte des nuclides a poussé le laboratoire LNL de Legnaro à concevoir et installer en 2001 un nouvel appareillage composé d’un spectromètre magnétique, PRISMA couplé à un multidétecteur de haute résolution à rayonnement γ, CLARA [18].

2.1 Production de faisceaux au LNL

Le faisceau a été produit grâce au complexe d’accélération XTU Tandem-ALPI (figure 2.1). La gamme d’énergies atteignables par cet ensemble est de l’ordre de 5-10 MeV/A pour des faisceaux de masses inférieures à 100.

Le Tandem est une machine électrostatique qui peut accélérer une importante palette d’ions. La haute tension positive est créée par un apport de charges au centre de la machine. Ces charges sont convoyées par une chaîne isolante en rotation continue. La partie centrale de la machine est portée à une tension positive de plusieurs millions de volts, pouvant atteindre 15 MV. Les atomes que l’on désire accélérer sont tout d’abord chargés négativement (avec une charge qneg= 1) dans la source d’ions, injectés à l’une des extrémités de la machine et soumis au champ accélérateur créé par la différence de potentiel statique (ddp). Arrivés au centre, ils sont "épluchés" d’une partie de leurs électrons au passage d’une mince feuille de carbone (stripper foil, dans le jargon anglo-physicien). Ils deviennent alors des ions positifs (de charge qpos) et sont repoussés dans la seconde partie de leur trajet. Un ion de charge Q (unités atomiques)

soumis à une ddp de V (Volts) va acquérir une énergie (en eV) de : E = QV. Les ions accélérés auront donc une énergie totale de E = (qneg+ qpos)V = (1 + qpos)V. Cette énergie à la sortie du tandem est trop faible pour réaliser la réaction souhaitée, qui nécessite de dépasser la barrière coulombienne. Il faut alors injecter le faisceau dans un post-accélérateur, composé de cavités supraconductrices. Ce linac, nommé ALPI, permet alors d’atteindre des énergies jusqu’à 10 MeV/A pour notre région de masse.

F. 2.1– Schéma du système d’accélération, formé du TANDEM et de ALPI, au LNL de Legnaro.

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