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2 Stratégies de mise en place: étude de cas européens et québécois

2.5. Bade Wurtemberg: approche mixte

Le succès de la Bade-Wurtemberg, pour Semlinger (1994), est fondamentalement lié à l’esprit d’entrepreneurship local et au cadre institutionnel qui a été mis en place dans cette région dès le milieu du 19e siècle. En fait, l’économie "high-tech" qui caractérise cette économie régionale ne peut être dissociée de l’héritage artisanal et commercial qui prend place au siècle dernier. Un patrimoine industriel qui donne le ton en misant sur les ressources humaines pour se tailler une place significative dans des niches industrielles compétitives.

Une telle stratégie de positionnement industriel demandait d’être appuyée par un cadre institutionnel. Ce dernier se met en place dès 1818 avec la création d’un “système régional de

prêts locaux et de caisses d’épargne” et se poursuit avec la mise sur pied d’un bureau central du

commerce et de l’industrie en 1848. Ce dernier a pour mandat d’implanter un ensemble de programmes d’aide aux entreprises privées. Il se veut une sorte de centre de services réels en offrant aux entreprises un ensemble de services inaccessibles sur une base individuelle. À titre d’exemple, le bureau, sous la direction de Steinbeis, offrait des services tels :

le recrutement d’experts étrangers, de formateurs itinérants, la présentation de technologies modernes étrangères dans le but d’encourager leur choix et leur reproduction, l’équipement d’artisans pilotes avec des installations de pointe en provenance de l’étranger, l’organisation de salons commerciaux locaux et l’incitation des entreprises de la région à participer à des foires internationales. De plus, Steinbeis a réussi à harmoniser un système complet d’enseignement et de formation professionnelle, les premières tentatives isolées menées dans ce domaine. (Semlinger, 1994, p. 27)

Fort d’une politique industrielle s’appuyant sur une main-d’oeuvre qualifiée et de bons salaires et non sur la réduction des coûts de production en favorisant la compression de la masse salariale, le Bade-Wurtemberg a réussi une percée économique technogénique qui constitue un des modèles dits gagnants de développement régional.

Cette réussite est largement due à un ensemble de programmes publics régionaux et nationaux d’aide aux activités économiques et à la dotation d’un vaste réseau institutionnel de support à l’innovation.

Aujourd’hui, le Bade-Wurtemberg compte 9 universités, 6 lycées d’enseignement général, 7 écoles des Beaux-Arts, 38 écoles supérieures spécialisées, 14 instituts Max

Planck, 14 instituts Fraunhofer, 3 Centres nationaux pour la recherche et une douzaine d’instituts de recherche non universitaires. Enfin, 10 instituts de recherche industrielle ont été créés par l’Association des groupes de recherche industrielle. (Semlinger, 1994, p. 31)

Cette réussite est également associée à l’orientation “scientifique et technique” donnée au secteur universitaire, de même qu'aux façons de lier le secteur universitaire au milieu entrepreneurial, par exemple en prêtant des chercheurs pour faciliter l’implantation ou l’adaptation de nouvelles technologies.

Elle ne peut être dissociée des formes de coopération verticale qui se tissent entre des entreprises. Les passeurs d’ordres répartissent les coûts d’innovation au niveau des sous- contractants et des fournisseurs. Les relations entre ces derniers sont construites sur des assises souples où le passeur d’ordres tisse des réseaux de telle sorte qu’il ne soit pas dépendant d’un seul sous-contractant par type de produit ou qu’il n’achète pour moins de 20 % du carnet de commande d’un fournisseur. De telles relations incitent les passeur d’ordres à dialoguer régulièrement avec leurs partenaires de réseaux et même à investir au sein de certaines entreprises pour les aider à acquérir de nouvelles technologies.

Enfin, le rôle des associations sectorielles et syndicales est central. Ces dernières favorisent les regroupements sectoriels, ou exercent des pressions, au niveau syndical, pour maintenir le rythme d’innovation au sein des entreprises. On peut ainsi parler d’une atmosphère propice à l’innovation tant au niveau du produit, du processus de fabrication, de la gestion que de la formation de la main-d’oeuvre.

Le Bade-Wurtemberg connaît depuis le début des années 1990 une crise de croissance, qualifiée de conjoncturelle. La concurrence étrangère talonne fortement les produits des entreprises de cette région en les offrant à des prix inférieurs. Le modèle d’industrialisation par la spécialisation flexible et une production diversifiée de qualité est attaqué de l’extérieur.

La pression se fait donc sentir au niveau régional pour maintenir une production de valeur ajoutée sur le territoire. C’est ainsi qu’un inventaire des nouveaux domaines technologiques d’avenir ou de nouvelles pistes industrielles sont étudiées pour assurer la reproduction de la forte croissance qu’a connue cette région au cours des vingt dernières années. Un nouveau pacte de productivité est aussi négocié avec les syndicats.

Pour les intervenants en développement régional, il apparaît qu’il faut rendre encore plus opérationnel le complexe institutionnel de services des entreprises et que c'est au niveau régional

que les interactions entre les entreprises et les institutions peuvent être améliorées qualitativement et quantitativement. Des structures intermédiaires se mettent d’ailleurs en place pour faciliter les interactions.

La pression se fait aussi sentir au niveau des relations horizontales entre des entreprises, qui sont à mousser vu les comportements en général défensifs des entrepreneurs. Ces relations horizontales n’ont pas réussi à s’établir car le climat de confiance se tisse moins bien qu’au niveau vertical.

Tout ce contexte implique une redéfinition de la politique industrielle régionale. Un politique qui a tout avantage, selon Semlinger, à renforcer l’approche coopérative entre les acteurs locaux, à provoquer de nouveaux comportements au niveau des entrepreneurs en les amenant à délaisser la recherche instinctive au profit de la recherche planifiée et à les pousser à considérer des opportunités nouvelles d’affaires.

En améliorant les services publics d’information, en incitant à une meilleure interaction entre le secteur privé et l’infrastructure publique de la recherche-développement, et en négociant une collaboration réciproque, le gouvernement régional soutient activement les processus d’ajustement en cours et s’efforce de les maintenir sur les rails. (Semlinger, 1994, p. 41)

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