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PATHOGENESE DE L’HEPATITE C

II. B.1. Stades de fibrose hépatique

Les patients chroniquement infectés ont un statut fibrotique évalué selon différentes méthodes. A l’origine, seule la biopsie hépatique permettait de faire ce diagnostic, mais les techniques ayant évolué,

de plus en plus de médecins se tournent vers des méthodes non-invasives telles que l’élastographie220

grâce au Fibroscan®. Plusieurs systèmes existent pour classer les patients en fonction de la sévérité de

leur maladie, et reposent sur des observations physiopathologiques221. Trois systèmes de classement

principaux existent pour les patients chroniquement infectés par le VHC : le score IASL (International Association for the Study of the Liver), le score Batts-Ludwig et le score Metavir (le plus utilisé) (figure 34).

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Figure 34 : Systèmes simples pour la classification de la fibrose hépatique. Les équivalences sont

données pour les scores IASL, Batts-Ludwig et Metavir. D’après Goodman, 2007221.

On considère globalement pour le score Metavir qu’un patient au stade F0 n’a pas encore développé de fibrose. Les patients aux stades F1 et F2 ont une fibrose faible à modérée, ceux au stade F3 ont une fibrose sévère et les patients au stade F4 ont développé une cirrhose.

Peu d’études existent sur la composition de la MEC suite à l’infection par le VHC. La grande majorité de ces études porte sur la composition en protéines fibrillaires (collagènes, fibronectine, élastine…), et presque aucune d’entre elle ne porte sur les protéoglycanes ou autres composants matriciels dans un contexte d’infection chronique.

II.B.2. Composants matriciels et MMP dans la fibrose hépatique liée à l’hépatite C

Dans des échantillons décellularisés de foie de patients infectés, l’évolution de la fibrose (du stade F1

au stade F4) est caractérisée par l’accumulation de collagènes de type I et III et d’élastine222. Au stade

terminal de fibrose/début de cirrhose (F4) l’élastine est accumulée de manière drastique, ce qui s’accompagne d’une diminution des taux de collagènes, reflétant ainsi un changement majeur dans la composition et l’élasticité du tissu infecté. Une autre étude réalisée sur le plasma de patients chroniquement infectés concerne la quantification de la présence de fragments de collagènes

circulants223. Le marqueur du collagène de type III est plus élevé dans le sang des patients au stade F2

de fibrose comparé à ceux aux stades F0 et F1, tandis que les marqueurs des collagènes de type III, IV, et VI sont plus élevés chez ceux au stade F3 comparé aux patients aux stades F0-F2. Le collagène de type I n’est quand à lui pas altéré dans cette étude.

En ce qui concerne les métalloprotéases, l’expression des MMP2 et la MMP9 profibrotiques sont

augmentées chez les patients chroniquement infectés par le VHC194,224,225, tandis que les MMP1 et

MMP13 fibrolytiques sont sous-régulées194,226. Ces dernières étant des collagénases, leur

sous-expression indique une amplification des dépôts de fibres de collagènes insolubles. Parallèlement, la TIMP1 voit son expression augmenter dans le cas d’une infection par le VHC pour tenter de compenser

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l’accroissement de l’activité des MMP194,227, et les taux d’expression de cet inhibiteur des MMP

corrèlent avec le stade de fibrose des patients.

Plusieurs fragments circulants de collagènes, ainsi que la quantité de TIMP1 présente dans le plasma, ont été suggérés comme biomarqueurs de la fibrose hépatique liée à l’hépatite C chronique. Entre autres, le propeptide N-terminal du collagène de type III (Pro-C3 ou PIIINP) a spécifiquement été étudié à la fin des années 1990 / début des années 2000 comme biomarqueur pour la prédiction de la progression

de la fibrose chez des patients chroniquement infectés par le VHC228, mais également chez des patients

souffrant de fibroses hépatiques liées à une autre étiologie (alcool, maladies auto-immunes)229–232. Ce

fragment est particulièrement présent dans le sérum lors de lésions nécrotico-inflammatoires dans le foie. La sensibilité du dosage de ce fragment dans le sang pour diagnostiquer l’état du foie varie entre 58 et 95%. Toutefois l’apparition de méthodes physiques non-invasives telles que l’élastographie a mis fin à ces études. De façon intéressante, l’acide hyaluronique était également pressenti comme un excellent biomarqueur de l’évolution de la fibrose hépatique dans le sang des patients, avec une sensibilité variant de 79 à 86%. Une étude récente dans une cohorte égyptienne démontre que ce score ELF (enhanced liver fibrosis) basé sur les mesures précédemment citées (TIMP1, PIIINP et acide hyaluronique) est toujours robuste et d’actualité pour évaluer l’avancement de la fibrose chez des

patients infectés par le VHC233.

Enfin, en ce qui concerne les glycosaminocanes, l’effet du virus VHC a très peu été étudié, bien que l’intérêt pour des protéoglycanes tels que le SDC1 et le GPC3 ait progressé ces dernières années, en particulier en lien avec la carcinogenèse hépatique et l’entrée virale. De nombreuses études ont été réalisées sur la glycosylation du complexe de surface viral E1/E2, puisqu’elle impacte très fortement la capacité des particules virales à se lier à leurs récepteurs, mais également la capacité de ces particules à échapper à la surveillance immunitaire. Dans la mesure où les particules virales sont sécrétées via le RE et l’appareil de Golgi, elles sont soumises à de nombreuses glycosylations à leur surface. La presque totalité des études sur le sujet portent sur des types de glycanes qui n’ont pas été abordés ici (N- et

O-glycanes)234, mais elles soulignent cependant que le virus détourne la machinerie cellulaire pour ces

modifications post-traductionnelles. Beaucoup de sucres étant communs aux N-glycanes, O-glycanes et GAG, on peut alors imaginer que les altérations dans l’une de ces voies ont des conséquences sur les autres. Ces altérations sont également retrouvées dans le sérum de patients infectés : une étude récente a mis en avant des différences en terme de glycanes circulants qui existent entre l’infection par le VHC

et le virus de l’hépatite B235. Le glycome sérique résultant en majorité d’éléments détachés de la surface

des cellules du tissu où il circule, on peut alors transposer une partie de ces observations directement aux cellules infectées. Finalement, rien n’est encore connu sur les mécanismes viro-induits qui mènent aux altérations décrites jusqu’à présent dans les cellules infectées.

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Problématiques et intérêt de la thèse

Après les résultats obtenus lors de l’étude publiée en 2017 sur la sous-régulation du SDC1 dans les cellules infectées, nous nous sommes intéressés aux mécanismes de cette sous-régulation. Nous sommes alors allés explorer la voie de biosynthèse du SDC1, et à plus large échelle des protéoglycanes, et avons tenté de répondre à plusieurs questions :

1. La sous-régulation du SDC1 est-elle le reflet d’altérations plus globales dans le glycocalyx des

cellules infectées ?

2. La chaîne de biosynthèse de ces éléments est-elle impactée dans les cellules infectées, et si oui

à quel(s) stade(s) et dans quelle(s) mesure(s) ? Cette chaîne faisant intervenir des enzymes, nous avons essayé d’adresser à la fois la question de l’expression et celle de l’activité quand cela était possible.

3. La quantité des substrats de cette chaîne de biosynthèse est-elle impactée par l’infection ?

4. Si tel est le cas, est-ce que d’autres voies cellulaires dans lesquelles interviennent ces substrats

sont impactées ?

L’intérêt de cette étude dans le contexte actuel de l’hépatite C est de mieux comprendre les altérations cellulaires qui sont induites par ce virus fibrogène et oncogène. Les glycanes étant fortement impliqués dans la communication cellulaire, leur altération pourrait aboutir à une signalisation aberrante qui participerait à la pathogenèse virale. En 2018, l’hépatite C est une infection en fort déclin en France et dans bien d’autres pays développés, mais nous ne connaissons toujours pas bien les mécanismes de la progression de la maladie. De plus, chez certains patients, la clairance virale ne permet pas d’arrêter l’évolution de la fibrose ou la cirrhose. Il est donc essentiel, encore aujourd’hui, de mieux comprendre les effets de cette infection.

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