De nombreuses études ont montré l’implication des cytokines dans la suppression. Contrairement aux données expérimentales, indiquant la nécessité d’un contact cellulaire pour que les Treg puissent mettre en place leur activité régulatrice, de nombreux travaux mettent en avant le rôle crucial de la sécrétion des cytokines par les Treg : et notamment l’IL-10 et le TGF-β (Figure 10). Ces cytokines aux propriétés immunosuppressives et anti-inflammatoires connues vont directement ou indirectement contribuer à la régulation, par la mise en place d’un environnement dit tolérogène. - 39 - Figure 10 : Mécanismes de suppression cytokines dépendant. Les cytokines immunosuppressives : IL-10 et TGF-β sont sécrétées et permettent ainsi l’inhibition des T effecteurs et des CPA (Miyara and Sakaguchi 2007) Plusieurs modèles expérimentaux in vivo supportent le rôle de l’IL-10, surtout des modèles de pathologies ayant une composante inflammatoire importante. Par exemple, le contrôle du développement de la colite par les Treg CD4+CD25+CD45Rblow requiert l’IL-10. En effet, des Treg isolés à partir de souris IL10-/- ne peuvent pas prévenir cette pathologie (Annacker et al. 2001). Kingsley et al. ont montré que l’IL-10 était impliquée dans l’inhibition par les Treg du rejet de greffes de peau, et que l’administration d’anticorps anti-IL-10 bloquants accélèrait le rejet (Kingsley et al. 2002). Il a également été montré que les Treg infiltrant la lamina propria intestinale ou le système nerveux central peuvent respectivement inhiber le développement de la colite et de l’EAE (Experimental Autoimmune Encephalomyelitis) par une sécrétion locale d’IL-10 ou de TGF-β (Lavasani et al. 2010; Ogino et al. 2010). Plus récemment, l’inhibition par siRNA, de la production d’IL-10 empêche les Treg d’exercer leur activité suppressive sur les cellules T naïves xénogéniques mais pas allogéniques (Sun et al. 2010*). De plus, après analyse des différents pools de Treg, il apparaît que les Treg infiltrant l’intestin produisent de l’IL-10 contrairement aux Treg spléniques. Ces données suggérent que l’environnement peut influencer le profil de sécrétion des Treg et les fonctions suppressives mises en place (McGeachy et al. 2005; Uhlig et al. 2006). Un autre argument en faveur de cette théorie est que l’addition d’anticorps bloquants anti-IL-10 et/ou anti-TGF-β n’inhibe pas l’activité suppressive des Treg sur la prolifération de T effecteurs, lors de tests classiques de suppression in vitro (Piccirillo et al. 2002; Sakaguchi 2004; von Boehmer 2005*). De même, dans un modèle murin d’hyper-réactivité aérienne (AHR, Airway HyperReactivity), seule l’inhibition de l’IL-10, et pas celle du TGF-β, inhibe l’effet protecteur des Treg sur l’AHR (Presser et al. 2008). - 40 - La cytokine tenant un rôle majeur dans la biologie des Treg est le TGF-β. Cette molécule intervient à la fois dans l’homéostasie de ces cellules ainsi que dans la régulation de nombreuses fonctions effectrices et ce pour différents types cellulaires. Le TGF-β pourrait être non seulement produit par les Treg (présence intra-cellulaire d’importante quantité d’ARNm (Acide RiboNucléique) du TGF-β et détection de la sécrétion de cette cytokine en ELISA (Enzyme-Linked ImmunoSorbent Assay)) ; ou les Treg, eux mêmes pourraient également induire la production de TGF-β par les CPA afin d’établir un micro-environnement suppressif (von Boehmer 2005*) (revue). Des données du groupe de Powrie montrent que l’injection de Treg isolés de souris TGF-β1-/- inhibe le développement de la colite et que l’ajout d’anticorps bloquants anti-TGF-β ne prévient plus le développement de la pathologie. Ceci suggère que, dans ce modèle de colite, les Treg induisent la production de TGF-β via d’autres cellules. Au cours de ce même travail, ils ont constaté que des cellules T CD4+CD45RBhigh effectrices exprimant un dnTGF-βRII échappent au contrôle des Treg in vivo dans la prévention de la colite, démontrant ainsi que les cellules T CD4+CD45RBhigh effectrices sont la cible directe du TGF-β (Fahlen et al. 2005). Soutenant ces travaux, Mempel et al. ont montré en 2006, par des approches morphologiques, en utilisant des CTL exprimant un dnTGF-βRII, que les Treg pouvaient réguler la fonction cytotoxique des CTL via un mécanisme TGF-β dépendant, en inhibant de manière réversible l’exocytose des granules lytiques. Les CTL non régulés tuent en moyenne 6,6 fois plus vite leurs cibles que les CTL régulés. Ils ont également constaté, en mesurant le niveau des ARNm, que les productions d’IFN-γ, de granzymes A et B, de perforine et de FasL par les CTL dnTGF-βRII n’étaient pas altérées en présence de Treg. Ce travail a permis d’attribuer un rôle précis au TGF-β dans la régulation des CTL (Mempel, et al. 2006). Auparavant, une autre équipe avait explicité la capacité des Treg à inhiber de manière TGF-β dépendante les fonctions effectrices des CTL sur la lyse de cellules tumorales in vivo. Cette inhibition in vivo de la fonction lytique n’affectait ni la prolifération ni la production d’IFN-γ par les CTL (Chen et al. 2005). Il a également été montré que la production de TGF-β par les Treg inhibait la cytotoxicité des cellules NK et diminuait le niveau d’expression du récepteur activateur NKG2D à leur surface (Ghiringhelli, et al. 2005). Des Treg TGF-β-/- sont toutefois capables d’inhiber la prolifération de cellules T CD4+ conventionnelles lors de tests classiques de suppression - 41 - l’administration d’un peptide synthétique inhibiteur du TGF-β1 et TGF-β2 abroge l’activité régulatrice des Treg murins et humains in vitro. De même, in vivo, ce peptide inhibe l’activité des Treg murins, favorisant ainsi les réponses anti-tumorales et infectieuses (Gil-Guerrero et al. 2008). Par ailleurs, il a été montré, dans un modèle de colite expérimentale, que les Treg sont capables d’inhiber les réponses inflammatoires Th1 et Th17 via le TGF-β. L’injection d’anticorps anti-TGF-β permet, en effet, de restaurer la sécrétion cytokinique des cellules effectrices, et en particulier la sécrétion de cytokines Th17 (Ogino, et al. 2010). L’importance du TGF-β dans la régulation médiée par les Treg a également été rapportée dans un modèle d’hépatite fulminante, où l’injection d’un anticorps bloquant anti-TGF-β inhibe l’activité des Treg et où les cellules T exprimant un dominant négatif du TGF-βRII sont incapables d’être régulées par ces Treg, ce qui aggrave la destruction du foie (Wei et al. 2008). Dans le document Lymphocytes T régulateurs et Transplantation hépatique : modulation de l'activité des lymphocytes T régulateurs CD4+CD25+ par les drogues immunosuppressives (Page 49-52)