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b Autres dérégulations affectant la mélanomagénèse

Partie 1 : La peau : transition du mélanocyte au mélanome

III. Du mélanocyte au mélanome cutané

III.5. b Autres dérégulations affectant la mélanomagénèse

Le réseau TCGA, via la caractérisation systématique effectuée sur 333 mélanomes cutanés à l’échelle génomique, transcriptomique et protéique a pu définir un catalogue d'altérations somatiques et décrire leur signification biologique et clinique potentielle. Outre les trois protéines décrites précédemment, de nombreuses autres altérations ont été identifiés ou ré-identifiées et leurs cooccurrences avec les différents sous-types (BRAF, RAS, NF1 et triple-sauvage) ont pu être quantifiés. Je vais vous présenter de manière non-exhaustive quelques voies de signalisation affectées avec les altérations en causes.

1) La voie PI3K/AKT

La voie de signalisation PI3K/AKT/mTOR (« mammalian target of rapamycin ») joue un rôle central dans la physiologie cellulaire, coordonnant la signalisation de l'insuline pendant la croissance des organismes et favorisant les processus cellulaires critiques tels que l'homéostasie du glucose, la synthèse protéique, la prolifération cellulaire et la survie (Lien, Dibble et al. 2017) (Figure 6).

Cette voie de croissance commence avec les récepteurs à tyrosine kinases de facteurs de croissance (RTK) ou avec les récepteurs couplés aux protéines G (GPCR) qui activent PI3K par phosphorylation. Cela conduit à son hétérodimérisation, lui permettant de phosphoryler le phosphatidylinositol-4, 5- bisphosphate (PIP2) pour générer le phosphatidylinositol-3,4,5-trisphosphate (PIP3). PIP3 recrute à la membrane cellulaire AKT. AKT est phosphorylée par PDK1 et mTORC2 et va ensuite activer directement et indirectement de nombreuses protéines en aval, entrainant l’expression de gènes impliqué entre autres dans la survie, la prolifération cellulaire ou le métabolisme.

La dérégulation de cette voie est donc souvent observée dans les cancers (Zhang, Kwok-Shing Ng et al. 2017)

PTEN

Le principal régulateur négatif de l'activation de PI3K est la phosphatase PTEN, qui déphosphoryle PIP3 en position 3' (Keniry and Parsons 2008). L'homologue de la phosphatase et de la tensine (PTEN) est un suppresseur de tumeur connu qui est fréquemment inactivé dans divers cancers humains, y compris le mélanome où on le retrouve altéré dans 10% des mélanomes (Vultur and Herlyn 2013, Cancer Genome Atlas Network 2015). La perte de PTEN active constitutivement la voie PI3K et a été montré pour avoir un rôle important dans le mélanome (Wu, Goel et al. 2003, Dong, Richards et al. 2014).

Les altérations menant à la perte de fonction de PTEN sont retrouvées de manière majoritaire dans les mélanomes mutés pour BRAF (≈20%) contre moins de 10% pour les autres sous-types. La sous- expression de PTEN ou sa perte de fonction sont associées avec des tumeurs profondes et une invasion marquée (Goel, Lazar et al. 2006).

AKT3

La famille AKT (ou RAC-alpha serine/threonine-protein kinase et anciennement PKB) est composé de 3 isoformes : AKT1, AKT2 et AKT3. Malgré la forte homologie, il semble que ces différentes isoformes ont des profils d’expression cellulaire différent ainsi que des substrats spécifiques. Il a été montré

Figure 6 :Voie de signalisation PI3K/AKT

Des signaux extracellulaires, qu’ils soient des facteurs de croissance, intégrines ou cytokines vont activer la voie PI3k/AKT, vie qui régule le cycle cellulaire, le métabolisme et l’apoptose entres autres. GPCR, G protein-coupled receptor ; FT, facteur de transcription

qu’une expression spécifique de AKT3 était observé dans environ 50% des mélanomes (Stahl, Sharma et al. 2004).

L’activation de cette voie est corrélée avec le stade d’avancement tumoral. Une forte expression de phospho-AKT a été observée dans 17%, 43%, 49% et 77% des biopsies dans les naevi normaux, les naevi dysplasiques, les mélanomes primaires et les métastases de mélanome, respectivement. De plus, la forte activité de AKT est corrélée avec un mauvais pronostique pour le mélanome (Dai, Martinka et al. 2005).

Une surexpression de AKT3, dû soit à une amplification génique ou à une surexpression de l’ARN messager va induire la suractivation de la voie PI3K/AKT/mTOR. Ces surexpressions ont été détectées dans le sous-type de mélanome RAS, NF1 et triple-sauvage, à de taux de 40%, 30% et 20% respectivement.

2) La voie du cycle cellulaire

Le gène CDKN2A, a forte pénétrance dans le mélanome, est un gène suppresseur de tumeur régulant principalement le cycle cellulaire, mais aussi la sénescence, comme dit partie III.3.a. Ce locus code pour deux protéines distinctes, p16INK4a et p14ARF. Bien que ces deux protéines soit des inhibiteurs du

cycle cellulaire et en particulier des Kinases cycle-dépendantes (CDK), elles activent différentes voies de signalisation. Alors que p16INK4a participe à la voie Rb pour « retinoblastoma protein », p14ARF est

impliqué dans la voie p53.

Concernant, p16INK4a se lie à CDK4/6, inhibant la formation de complexes entre cycline D et CDK4/6 et

donc la phosphorylation des membres de la famille Rb. L'expression de p16INK4a maintient les

membres de la famille Rb dans un état hypophosphorylé, ce qui favorise leur liaison à E2F1 et conduit à l'arrêt du cycle cellulaire en G1 (Serrano 1997). p16INK4a est un régulateur négatif de la

prolifération cellulaire, et donc joue un rôle de suppresseur de tumeurs. Près de 50% de tous les cancers humains montrent une inactivation de p16INK4a ; qu’ils soient solides comme le cancer de la

tête et du cou ou des poumons par exemple ou liquides avec les leucémie ou les lymphomes (Romagosa, Simonetti et al. 2011).

Pour ce qui est de la protéine p14ARF, elle se lie au complexe MDM2-TP53, empêchant l’ubiquitination

et la dégradation de p53. La stabilisation de p53 va entrainer l’expression de p21, qui va arrêter le cycle cellulaire en inhibant les complexes CDK4/6-cycline D et CDK2-cycline E (Bates, Phillips et al. 1998, Karimian, Ahmadi et al. 2016)

Plusieurs mécanismes sont décrits pour être responsable de l’inactivation du gène CDKNA2, comprenant des délétions homozygotes, une perte d'hétérozygotie, des mutations ponctuelles et une hyperméthylation du promoteur (Romagosa, Simonetti et al. 2011). Cette perte d’activité est très présente au sein du mélanome ; sa co-occurrence avec les mutations BRAF, NRAS et NF1 dépassant les 60%, mais seulement 40% pour les triples-sauvages (Cancer Genome Atlas Network 2015)

3) La voie de réponse aux dommages à l’ADN et processus de mort

p53 codant pour la protéine tumoral 53 (TP53) est l'un des gènes suppresseur de tumeur le plus

étudié. Il est connu que TP53 est impliqué dans l'arrêt du cycle cellulaire, l'apoptose ou la sénescence et participe à la réparation de l'ADN. TP53, dont les cibles sont estimées à plus de 400, est retrouvé inactivé dans 50% des tumeurs invasives (Nikulenkov, Spinnler et al. 2012, Duffy, Synnott et al. 2017).

Bien sûr, la prévalence varie entre les types de tumeurs. En effet, p53 s'avère être le gène le plus fréquemment muté dans certains des cancers les plus difficiles à traiter tels que le cancer du poumon, le cancer du sein triple négatif, le cancer de l'ovaire de haut grade et le cancer de l'œsophage. Dans ces cancers, p53 est muté dans au moins 80% des cas. (Duffy, Synnott et al. 2017). Dans le cas du mélanome, p53 n’est que peu altéré dans les lésions primaires mais il est inactivé dans environ 20% des mélanomes à mutations contre 7% pour les triples-sauvages (Cancer Genome Atlas Network 2015).

La plupart des cas de mélanome avec une mutation sur p53 ne présentent pas de mutation simultanée sur p14ARF ou p16INK4a. Cela peut suggérer que la pression génétique pour muter p53 dans le mélanome est réduite en raison de la suppression fréquente du locus CDKN2A (Hodis, Watson et al. 2012).

Une régulation indirecte de p53 peut aussi être observé dans le mélanome. Mouse Double Minute 2 (MDM2) est l’ubiquitine ligase E3 de TP53 (cf. Partie 2.II.3). MDM2 est surexprimé dans environ 20% des mélanomes triple-sauvages et va donc augmenter la dégradation de TP53 (Cancer Genome Atlas Network 2015).

La protéine SPARC (« Secreted protein acidic and rich in cysteine », également appelé ostéonectine et BM-40) peut aussi impacter TP53. Cette glycoprotéine multifonctionnelle appartient au groupe des protéines matricellulaires. Elle module l'interaction cellulaire avec la matrice extracellulaire (MEC) par sa liaison aux protéines de la matrice, telles que le collagène et la vitronectine, et par son abrogation des adhérences focales, empêche l’adhésion cellulaire (Brekken and Sage 2000). SPARC active aussi AKT, activant à son tour MDM2 et limite les niveaux de TP53. Sachant que SPARC est abondamment produite par les cellules de mélanome mais n'est pas exprimé par les mélanocytes, son expression au cours du développement du mélanome conférerait un avantage de survie grâce à la suppression des voies apoptotiques TP53-dépendante (Fenouille, Puissant et al. 2011).