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Bénéfices du travail conjoint du langage écrit et du dessin

I. Analyse des séances

3. Bénéfices du travail conjoint du langage écrit et du dessin

3.1.1. Découverte du plaisir d’écrire par l’intermédiaire du dessin En mêlant le dessin, une activité source de plaisir, à l’écriture, souvent perçue comme une contrainte, notre souhait était de susciter un intérêt chez les enfants. En permettant à l’enfant d’inscrire son texte et son dessin sur le même support, nous avons cherché à lui montrer la diversité des moyens d’expression à sa disposition et leur complémentarité. L’enfant a pu faire l’expérience des limites du dessin, on ne peut représenter qu’une seule action à la fois et il est difficile de rendre compte du mouvement. A l’inverse, le texte qui accompagne le dessin peut évoluer, plusieurs actions peuvent se succéder.

Sur ce dessin, représentant un bonhomme et un serpent, réalisé lors de la huitième séance, Alessio tente de figurer le mouvement du serpent qui « s’en va » et l’action de saigner par des flèches. Il a trouvé une parade à l’état figé, photographique, du dessin qui permet difficilement de représenter les actions, le mouvement. Nous pouvons supposer qu’il le fait parce que ses capacités de transcription écrite sont quant à elles limitées. Le plaisir de raconter est donc intact, ici la mise en image supplée la mise en mots, l’enrichissement est possible dans les deux sens, de l’écrit au dessin et inversement.

Nous avons fait apparaître un continuum entre parole graphique et récit écrit, en proposant aux enfants de dessiner et de raconter l’histoire de leur dessin. Le travail a donc consisté pour eux en une création graphique et en une mise en mot de celle-ci. Nous avons pu constater que vers la fin de notre étude, certains enfants commençaient par écrire avant d’illustrer leur récit, nous voyons en cela le signe que l’enfant trouve une plus grande richesse expressive dans l’écriture que dans le dessin (contrairement à Alessio dans l’exemple ci-dessus). Dans leurs textes surviennent différents événements dont le plus marquant sera représenté sous forme de dessin.

En associant une activité agréable à l’écriture, nous montrons à l’enfant qu’il peut trouver du plaisir dans l’écriture également, qu’elle est un moyen d’exprimer et de transmettre au aussi riche, si ce n’est plus, que le dessin.

3.1.2. Amélioration de la concentration

Comme nous l’avons rapporté dans notre partie théorique, dessiner permet à l’enfant de transmettre un message à l’adulte. Bien que notre rôle d’orthophoniste ne soit pas d’interpréter ce message, nous nous devons d’y être attentive. L’enfant se sentant ainsi libéré et entendu, il est plus disponible pour le travail que nous lui proposons.

Pour illustrer notre propos, nous avons choisi deux dessins, réalisés par Colin, un enfant plutôt agité, au cours de la troisième séance et lors de la dernière. Sans nous attacher à ce qu’ils représentent, nous remarquons de nombreux traits reliant les éléments entre eux et les enfermant. Notons également la présence d’aplats de couleur par coloriage. Ces lignes continues donnent une impression dynamique aux dessins et signent une « décharge motrice » lors de leur réalisation. Pour Colin, le dessin sert de support à l’agitation tout en la cadrant. Une fois le dessin terminé, il apparaissait tout à fait calme et apte à commencer le travail d’écriture.

Ici, nous mettons en évidence un des intérêts de faire dessiner un enfant en début de séance : cela l’aide à mettre à distance ses affects, à se calmer et se préparer au travail.

Dans une moindre mesure que pour Colin, nous pouvons généraliser ce constat à tous les enfants. En effet, le dessin permet d’installer le calme dans la séance, c’est une activité souvent silencieuse, absorbant parfois totalement l’enfant qui soigne son tracé. Nous avons observé que commencer par dessiner permet aux enfants d’avoir une meilleure concentration pour la suite de la séance.

3.1.3. Développement du lexique orthographique et des images mentales Lors des séances d’autocorrection, nous avons été amenée à donner des outils aux enfants pour les aider à s’approprier certaines orthographes ou différencier des lettres en miroir. Pour les confusions visuelles, dans l’exemple que nous avons développé dans la partie consacrée aux séances d’autocorrection, nous avons montré comment Jade a pu s’approprier le modèle que nous lui donnions. Ces moyens mnémotechniques illustrés permettent en effet de renforcer la mémorisation de la notion abordée car ils proposent un moyen d’entrée visuel différent de l’explication orale d’une notion. Leur aspect ludique fait qu’ils sont appréciés des enfants et sont plus marquants pour eux.

3.1.4. Evolution du graphisme

Nous avons remarqué une amélioration du graphisme au fil des productions d’Omar. En ce qui concerne le dessin, son graphisme est tout à fait dans la norme contrastant avec son écriture difficilement lisible.

Texte accompagnant le dessin de la deuxième séance

Ce garçon se plaignait de ne pas pouvoir se relire lors des séances d’autocorrection, cette difficulté était due au graphisme mais aussi à l’orthographe. Au fil des séances, il s’est montré de plus en plus soigneux, son écriture est devenue plus régulière et moins grosse. Nous ne pouvons dire si c’est le travail parallèle du dessin et de l’écriture qui a permis à Omar de gagner en lisibilité ou si c’est l’entrainement qui l’a aidé. Néanmoins, la première hypothèse n’est pas à exclure, cet enfant apportant beaucoup de soin à ses dessins, il est probable que la précision du tracé ait été transposée à l’écriture.

3.1.5. Facilitation du passage à l’écriture

Pour les élèves de CE1/CE2, l’expression écrite est un exercice difficile, elle l’est d’autant plus pour les enfants présentant des troubles du langage écrit. Utiliser le dessin comme intermédiaire permet de se lancer en douceur dans l’écriture. Le dessin, en s’inscrivant sur la feuille a l’avantage de reposer sur le même support que l’écriture, ce qui facilite la transition. Pendant les séances, les enfants avaient la possibilité de dessiner et d’écrire sur la même feuille, la production écrite pouvait alors être perçue comme la continuité de la production graphique. Les enfants étaient libres non seulement de dessiner et d’écrire sur le même support mais ils avaient aussi la liberté du choix de leur outil de scription, ainsi nous avons vu que les enfants utilisaient le crayon à papier, le stylo à bille ou encore le feutre pour écrire, chacun de ces instruments procurant des sensations d’écriture différentes.

Nous avons évoqué, dans la partie concernant le plaisir d’écrire et la prise de confiance lors des séances de production libre, le cas d’Alessio qui était en grande difficulté de langage écrit et qui nous a dit ne pas savoir écrire lorsque nous lui avons proposé l’épreuve de récit du CALE à l’écrit lors du bilan. A l’école, il disait se contenter de recopier et n’être pas capable de produire un texte par lui-même. Au fil des séances, il a réussi à écrire de plus en plus, ses derniers textes atteignant une vingtaines de mots. Cela a été possible en lui proposant une activité qui lui plaisait en parallèle des activités d’expression écrite.